lundi 25 mars 2019

Film du jour: Peindre ou faire l'amour

Fable bucolique sur les vieux couples et la retraite, Peindre ou faire l’amour s’envole sur le vent de la légèreté et de la bonne humeur. Une œuvre bohème tout simplement irrésistible qui mérite amplement le détour.

Au Festival de Cannes de 2005, il n’y avait que des poids lourds. Jarmusch, Egoyan, Cronenberg, Von Trier, Dardenne et bien plus encore. Voilà peut-être ce qui explique le peu d’intérêt porté à l'essai des frères (eh oui, encore) Arnaud et Jean-Marie Larrieu. En apparence ludique, Peindre ou faire l’amour pose des questions très pertinentes sur la lassitude et le passage du temps qui guettent les amoureux.
William (Daniel Auteuil) vient de prendre sa retraite. Cet ancien météorologue se laisse convaincre par son épouse Madeleine (Sabine Azema), une passionnée de la peinture, d’acheter une vieille maison isolée. Tout va à la merveille chez ces deux êtres unis. Au fil des rencontres, ils deviennent de plus en plus fascinés par leurs nouveaux voisins : un aveugle sympathique (Sergi Lopez) et sa jeune compagne (Amira Casar). À un tel point que les inhibitions risquent de disparaître, ce qui pourrait laisser plusieurs personnes mal à l’aise.

Nombreux sont les films qui parlent du démon du midi, mais rares sont ceux qui s’intéressent à la problématique du couple. Même si celui-ci est fidèle, un certain essoufflement peut survenir après des dizaines années de mariage. L’amour, toujours présent, prend souvent une autre forme, plus près de la tendresse que de la fusion. C’est cette délicate thématique que traite cette œuvre très jolie et souvent fort drôle, qui surprend à de multiples occasions. À commencer par la présence de maintes métaphores. Les allusions à la température par un ancien professionnel du temps, la maison qui demeure belle même si elle est vielle porte un écho sincère et virulent à ce magnifique duo principal qui mûri incroyablement bien.

Au passage, difficile de ne pas être ravi par la fraîcheur des interprètes. Sabine Azema resplendit de tous ses charmes avec son merveilleux sourire. Daniel Auteuil est égal à lui-même (c'est-à-dire convaincant) pendant qu’Amira Casar parvient généralement à faire oublier ce gros nanar qu’était Anatomie de l’enfer. Même Sergi Lopez, habitué au rôle de salaud depuis le mémorable Harry, un ami qui vous veut du bien, arrive à étonner par sa gentillesse qui se dévoile très progressivement. Un quatuor jouant des cordes, se séduisant au passage pour mieux revenir à la réalité qui n’est, finalement, qu’un exutoire des fantasmes.

Le tout est entouré de vieux succès très bien intégrés (Jacques Brel, Léo Ferré sur des vers d’Aragon, la pièce Nature Boy) et d’une fine trame sonore instrumentale de Philippe Katerine, qui défend également un personnage secondaire. Cette musique simple crée rapidement des effets secondaires jouissifs et comme ce chanteur d’exception avait déjà travaillé sur Un Homme, un vrai, la première fiction du duo Larrieu, il était tout à fait à l’aise dans leur univers. L’utilisation fort appropriée des différents haut-parleurs est également révélatrice de la nature des liens complexes entre les protagonistes. Le vent, des hiboux, des flammes : il est tout à fait possible de se fermer les yeux et de « voir » ces êtres évoluer. Ce son toujours à la hauteur se dérobe au contact des voix, très bien calibrées. Film de dialogues, les mots prennent toute la place. La présence de sous-titres anglophones blancs ne rend pas toujours hommage à cette belle langue, surtout que l’écriture n’est guère évidente à déchiffrer.

Au même tire que les deux couples, les images sont une base primordiale du récit. Les paysages extérieurs sont resplendissants, les Alpes affichant une source d’inspiration sans borne au personnage de Madeleine, une peintre qui ne montrera finalement aucune de ses créations. La vieille maison tombant en ruine est également séduisante et englobante, figure de solidité nécessitant des soins attentifs pour perdurer. Le rôle de la noirceur est vital pour alimenter certaines scènes. Non seulement le parallèle au non-voyant est évident, mais cette obscurité envahis physiquement et mentalement les différents individus. Cette pénombre aurait pu faire soupirer, elle finit par être drôle et même nécessaire. Ce noir ambiant ressort convenablement. Les couleurs ne sont jamais trop sombres, les contrastes sont tout à fait pertinents. Il faut également noter ce jeu sur les ombres, le recourt au crépuscule, baignant des séquences dans l’onirisme. Un visuel séduisant qui n’est pourtant pas parfait.

En évitant de trop surcharger les émotions ou même la réalisation, Arnaud et Jean-Marie Larrieu ont pris le pari de garder le récit au niveau de la simplicité. Les doutes, les instants de bonheur, le cynisme est relégué aux oubliettes pour laisser transcender la pureté, la vérité. Sans rien laisser présager, Peindre ou faire l’amour est un pari irrésistible sur la vie, qui risque de faire discuter énormément dans les chaumières par ses propositions anticonformistes. ***1/2

Ce soir à la Cinémathèque québécoise.

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