vendredi 31 juillet 2020

Sorties au cinéma: À la recherche d'Ingmar Bergman, Un divan à Tunis, Au nom de la terre, Random Acts of Violence

C'est une petite semaine au sein des sorties en salles...
À la recherche d'Ingmar Bergman: Les cinéphiles ne voudront pas manquer ce très intéressant documentaire de la réputée Margarethe von Trotta sur un des cinéastes les plus importants du septième art. Les fans n'apprendront rien de nouveau, mais les autres seront fascinés par le traitement tout en finesse et ils auront seulement le goût de revoir tous ses chefs-d'oeuvre. En location sur le site du Cinéma Moderne. ***

Un divan à Tunis: Golshifteh Farahani crève l'écran au sein de ce charmant long métrage de Manele Labidi, qui aborde le clivage de mentalités dans le Tunis de l'après révolution. Sans doute un peu trop gentil et inoffensif, l'ensemble se savoure toutefois avec un large sourire aux lèvres. ***

Au nom de la terre: Cette lourde et démonstrative histoire vraie d'Édouard Bergeron rappelle que la vie agricole n'est pas une sinécure. Malgré une photographie somptueuse et de solides acteurs, cette saga qui se déroule sur plusieurs décennies est plombée par une réalisation monocorde qui abuse des symboles et des effets larmoyants. **1/2
Ma critique

Random Acts of Violence: Pour sa seconde réalisation, l'acteur Jay Baruchel propose un effort sanglant où l'art imite la vie (et vice-versa). Mis en scène avec soin, le récit se perd néanmoins dans une critique quelconque des médias, où tous les clichés du suspense horrifique sont reconduits. Cela vaut également pour l'interprétation, inégale et poussive. **1/2

Film du jour: Primal

Nicolas Cage protège les animaux d'un méchant sanguinaire qui s'est échappé sur son bateau dans Primal de Nick Lowell, une série B rarement drôle ou prenante où l'on se surprend à prendre le parti des bêtes sauvages - même celles affublées d'effets spéciaux ridicules - tant les humains s'avèrent consternants. Une autre fausse bonne idée qui ne tient pas la route et qui doit beaucoup à un certain perroquet rouge afin d'éviter de peu le registre du navet. Les fans de Cage sont peut-être mieux de jeter leur dévolu sur Kill Chain, qui lui demeure techniquement satisfaisant. En vidéo sur demande et en blu-ray/dvd dès le 18 août. *1/2

jeudi 30 juillet 2020

Film du jour: Sans frapper

Présenté aux RIDM l'année dernière et disponible sur Tënk à partir d'aujourd'hui, Sans frapper est un puissant documentaire d'Alexe Poukine, qui tombe à point avec la récente résurgence du mouvement #metoo québécois. Appelés à recréer un cas d'abus sexuels, des femmes et des hommes sont amenés à parler de leurs parcours parfois difficiles. De fil en aiguille, l'essai arrive à libérer leurs paroles, en laissant justement toute la place à leurs mots, mais également aux silences révélateurs qui en ressortent. De quoi modifier grandement les perceptions. ***1/2

mercredi 29 juillet 2020

Film du jour: Dead Dicks

Récompensé à Fantasia l'année dernière, le film canadien Dead Dicks de Chris Bavota et Lee Paula Springer est une drôle de bibite. Ce qui s'annonçait comme un Groundhog Day à la sauce comique, morbide et sexuelle se mute lentement mais sûrement en réflexion plus métaphysique sur l'amour, l'existence et la maladie mentale. Le contraste entre les genres n'est pas toujours au point et plusieurs moments morts ankylosent le rythme. Mais il a suffisamment de riches idées, de scènes saugrenues et d'interprètes dévoués pour susciter l'attention de cinéphiles qui aiment sortir des sentiers battus. Disponible en dvd et en blu-ray. ***

mardi 28 juillet 2020

Film du jour: The Rest of Us

Le mal-être féminin s'exprime quatre fois plutôt qu'un dans The Rest of Us, le premier long métrage de la réalisatrice canadienne Aisling Chin-yee, alors que le décès d'un homme obligera deux familles à se reprocher. Sensible et humaine, l'histoire s'enrichit de belles performances d'actrices (Sophie Nélisse trouve son meilleur rôle depuis des lustres), et si la trop courte durée du récit et la mise en scène télévisuelle réduisent l'impact de ce «petit» film, son propos demeure pertinent et émouvant. Disponible en vidéo sur demande. ***

lundi 27 juillet 2020

Film du jour: Catch Me If You Can

Steven Spielberg ne s'est jamais autant amusé que dans Catch Me If You Can, le film qu'il a tourné au Québec en 2002. Inspiré d'une histoire vraie, ce récit d'un jeune fraudeur qui passe son temps à mener en bateau le FBI reprend tous les thèmes fétiches du cinéaste au sein d'un divertissement ludique et touchant, mené tambour battant par le charisme de ses interprètes et par une réalisation décontractée. ***1/2

dimanche 26 juillet 2020

Film du jour: A Day at the Races

Les frères Marx s'en donnent à coeur joie dans A Day at the Races de Sam Wood (1937). Le scénario mince comme tout n'est qu'un prétexte à l'accumulation de gags, tous plus fous les uns que les autres. En plus d'une multitude de calembours physiques et verbaux, on a droit à des numéros dansés et chantés, ainsi qu'un des chevaux les plus hilarants de l'histoire du septième art. Lorsque la machine s'emballe (surtout dans la seconde partie), rien ne peux l'arrêter et il y a suffisamment de moments d'anthologie afin de dérider un mort. ****

samedi 25 juillet 2020

Film du jour: Space Station 76

C'est un drôle de film que propose Jack Plotnick avec Space Station 76. Visuellement cette science-fiction rétro s'apparente à une parodie de Cosmos 1999 avec ses nombreux clins d'oeil aux classiques du genres. Sauf que le traitement beaucoup plus sombre et dramatique peuplé de secrets (on pense beaucoup à l'immense The Ice Storm) multiplie les ruptures de tons qui ne fonctionnent pas toujours correctement. Les personnages inégalement intéressants et la mise en scène au rythme incertain n'ajoutent rien au compteur. **1/2

vendredi 24 juillet 2020

Sorties au cinéma: Cancion sin nombre, Ash, Pompei, Jongué Carnet nomade, White Riot, 2040, #JeSuisLà

Drames et documentaires se disputent les écrans de cinéma cette semaine.

Cancion sin nombre: Rare film péruvien à venir jusque chez nous, ce premier long métrage de Melina Leon frappe fort. Il s'agit d'une bouleversante histoire vraie sur femme qui s'est fait voler son bébé en accouchant! Le scénario puissant qui fait fi de quelques sous-intrigues secondaires moins développées est gratifié d'une interprétation déchirante et de sublimes images en noir et blanc rappelant de vieilles photographies. Au Cinéma Moderne. ***1/2

Ash: Inspiré d'un fait réel, ce drame canadien d'Andrew Huculiak (Violent) fera discuter dans les chaumières dans sa façon de suivre pas à pas un journaliste qui commet l'impensable. Complexe et prenant malgré un symbolisme proéminent, le récit pose de brûlantes questions morales, offrant à Tim Guinee un rôle mémorable. Peu importe ce qu'on pense du traitement, il est possible de se raccrocher à la superbe direction photo, qui passe allègrement de l'ombre à la lumière. Sur viméo et sur iTunes Canada dès le 28 juillet. ***

Pompei: Il ne faut pas chercher une histoire élaborée dans cette romance de John Shank et Anna Falguères. Tout passe par ses élans contemplatifs, l'érotisme de ses personnages, ses magnifiques paysages évoquant les westerns et la musique de grande qualité de Dear Criminals. À tel point que l'ensemble a beau plafonner au bout d'une heure, il est plutôt difficile de regarder ailleurs tant le résultat hypnotise. ***

Jongué, carnet nomade: Cet éclairant portrait d'un photographe hors norme permet à Carlos Ferrand de traiter de thèmes importants (identité, exode...) à travers une mise en scène expressive. C'est toutefois étrange que le grand intérêt développé dans la première partie fond comme neige au soleil par la suite. ***

White Riot: En cette ère de la montée de l'extrême droite et du racisme, ce documentaire de Rubika Shah révèle son importance. Vrai que cette période - l'émergence du punk et sa jeunesse  - a largement été documentée par le passé. Mais cet essai au rythme certain ne manque pas d'intervenants forts/phares et de mélodies rentre-dedans pour accrocher. ***

2040: Énième documentaire écologique sur la nécessité de changer nos comportements avant qu'il ne soit trop tard, cet effort australien a la particularité - comme Demain - d'être positif et de vulgariser des notions complexes. On ne peut aller contre la vertu... mais pourquoi son réalisateur Damon Gameau se met autant en scène, n'hésitant pas à utiliser jusqu'à plus soif des images de sa fillette sur de la musique mélo afin d'émouvoir maladroitement le public? **1/2

#JeSuisLà: L'attente a été longue pour Éric Lartigau, qui n'avait rien offert depuis La famille Bélier. Le voilà de retour avec un conte sur les réseaux sociaux, visuellement stimulant et interprété avec sobriété par Alain Chabat, mais qui se révèle toutefois trop sage, appuyé et superficiel. **1/2
Ma critique
Mon entrevue avec le réalisateur

Film du jour: End of the Century

C'est un intriguant premier long métrage qu'offre Lucio Castro avec End of the Century (2019), qui se situe quelque part entre le triptyque Before de Richard Linklater et Copie conforme d'Abbas Kiarostami. Une réflexion mélancolique sur l'amour et le passage du temps capable d'émouvoir sans pour autant lever le voile sur sa part d'ombre et de secrets. Plus à l'aise dans l'observation que dans le dialogue (peut-être est-ce la faute des interprètes, inégaux), le scénario précis atteint le nirvana lors d'une fabuleuse séquence dansée. ***1/2

jeudi 23 juillet 2020

Film du jour: Ringu

Souvent imité et jamais dépassé, Ringu (1998) est la quintessence du revival du film d'horreur asiatique, qui se joue à coup d'ambiances cauchemardesques et de sursauts effrayants. À partir d'un récit simple et efficace qui ne manque pourtant pas de clichés, Hideo Nakata élève la peur à un rang inédit, jouant constamment avec les attentes des spectateurs qui ne regarderont plus jamais un écran de la même façon. À (re)vivre en foule, notamment toute la fin de semaine au Cinéma du Parc. ****

mercredi 22 juillet 2020

Entrevue #JeSuisLà

De tous les films qui prennent l'affiche ce vendredi au Québec, le long métrage français #JeSuisLà sera certainement le plus populaire, alors que Alain Chabat s'envole vers la Corée du Sud retrouver l'âme soeur. Je me suis entretenu avec son réalisateur Éric Lartigau - à qui l'on droit également le grand succès La famille Bélier - et mon entrevue se trouve dans le journal Métro du jour.

Film du jour: Scoob!

Scooby-Doo et ses amis sont de retour dans une nouvelle aventure animée pour Scoob!, qui a été lancé sur les plateformes numériques à cause de la pandémie. (Warner)

C'est quoi? Scooby, Shaggy et le reste de la bande enquêtent sur des robots destructeurs qui menacent l'équilibre de la planète.

C'est comment? L'introduction racontant la naissance de l'amitié entre les deux personnages principaux s'avère mignonne et il n'y manque surtout pas d'action.

Et pourtant? Cela ressemble à un épisode télévisé étiré sur 94 minutes. L'intrigue routinière comporte peu de surprises et l'humour s'avère souvent inopérant.

Techniquement? L'animation soignée mais jamais novatrice ou spectaculaire est accompagnée de dessins vifs et de couleurs précises. Les pistes sonores utilisent favorablement les différentes enceintes.

Suppléments? Cette édition comprend un Blu-ray une copie numérique. Les suppléments réunissent des prises ratées des doubleurs, quelques séquences retranchées, un documentaire sur les nouveaux amis et vilains, un cours de dessin en compagnie du réalisateur Tony Cervone et un extrait où l'on peut apercevoir plein de chiots mignons.

Au final? Ce sont principalement les enfants qui voudront voir ce long métrage qui s'oubliera très rapidement. Malgré des gags conçus spécialement pour eux, les adultes risquent de bailler aux corneilles.

mardi 21 juillet 2020

Film du jour: White Lie

Une jeune femme affirmant avoir le cancer perd pied dans ses mensonges au sein de White Lie, l'intriguant nouveau long métrage canadien de Yonah Lewis et Calvin Thomas. Le scénario pas totalement concluant dans sa durée est rachetée par l'interprétation vibrante de Kacey Rohl et une mise en scène généralement maîtrisée qui fait beaucoup avec peu. Disponible en vidéo sur demande. ***

lundi 20 juillet 2020

Sorties au cinéma: Perdrix, The Painted Bird, Carmilla

Bien que peu nombreuses, les nouveautés cinématographiques de la semaine explorent une riche gamme d'émotions humaines.

Perdrix: Cela commence en force avec cette irrésistible comédie d'Erwan Le Duc qui traite de l'amour d'une façon tendre et singulière, renvoyant à ce que peut faire Wes Anderson, Aki Kaurïsmaki et Stéphane Lafleur. Un plaisir de chaque instant même si l'ensemble manque légèrement de gaz à mi-chemin. ***1/2
Ma critique
Mon entrevue avec le réalisateur

The Painted Bird: S'il y a un film qui aurait bénéficié du grand écran, c'est bien cette spectaculaire adaptation du roman de Jerzy Kosinski par Vaclav Marhoul. Les images en noir et blanc, éblouissantes, en mettent plein la vue, alors que la longue durée du récit (près de trois heures) cumulent les scènes violentes et insoutenables se déroulant pendant la Seconde Guerre mondiale. L'effet de saturation ne tarde cependant pas à survenir, et c'est à se demander justement si le cinéaste ne verse pas dans le sadisme gratuit. Un peu comme l'aurait imaginé Lars von Trier en refaisant Come and See. Offert virtuellement dans quelques salles de cinéma. ***1/2

Carmilla: Librement inspiré du classique littéraire de Sheridan Le Fanu qui n'avait rien à envier au Dracula Bram Stoker, ce premier long métrage d'Emily Harris donne la part belle à son climat menaçant et à sa photographie soignée. À tel point que cela finit par peser sur le rythme, ankylosé, et le récit, trop symbolique. Mais quelques scènes de sensualité cauchemardesque permettent à de jeunes interprètes de donner la pleine mesure de leur talent. À découvrir virtuellement dans quelques salles de cinéma. ***

Film du jour: The Outpost

Drame de guerre rondement mené mais sans réelle inventivité ou originalité sur un sanglant conflit en Afghanistan (une histoire vraie, évidemment), The Outpust de Rod Lurie vaut surtout pour ses 45 dernières minutes, angoissantes à souhait, qui rivalisent presque avec 1917. Elles sont suffisamment viscérales pour faire oublier les répétitions du script et le casting interchangeable. Sûrement que l'effet serait décuplé dans une salle de cinéma... Disponible demain en vidéo sur demande et dès le 18 août en dvd et en blu-ray. ***

dimanche 19 juillet 2020

Les films préférés de... Kelly Reichardt

Chef de file du cinéma indépendant américain, Kelly Reichardt a construit une filmographie unique comprenant notamment Certain Women, Meek's Cutoff, Wendy & Lucy et Old Joy. J'ai pu lui parler lors de la sortie de son sublime First Cow (mon entrevue) et je lui ai demandé quels étaient quelques-uns de ses films préférés...

« Dernièrement, j'ai revu quelques films que Mike Leigh a fait pour la télévision pendant les années Thatcher et ils sont fabuleux. Ils sont parsemés de moments déchirants et les histoires s'avèrent particulièrement dynamiques. Je pense notamment à un film qui s'appelle Who's Who. Les personnages sont vraiment merveilleux et la mise en scène minimalise ne manque pas d'énergie afin de recréer le quotidien de la petite vie. »

Film du jour: Sybil

L'histoire de Sybil, cette femme aux multiples personnalités, a marqué les esprits. Le téléfilm que Daniel Petrie a réalisé en 1976 aussi. Pas nécessairement pour des raisons cinématographiques (quoique à l'époque et dans le genre, l'ensemble s'avère plus que respectable), mais pour la prestation extraordinaire de Sally Field, qui a enfin pu montrer ici l'étendu de ses talents avant de se voir confier des projets ambitieux qui allaient la mener loin. Malgré ses poncifs et un traitement parfois sensationnel, le récit garde sa force de frappe et d'émotion grâce à son héroïne qui a pu s'y investir corps et âme. ***1/2

samedi 18 juillet 2020

Film muet du jour: Fièvre

Maîtrisant totalement l'unité de lieu et de temps, Louis Delluc offre avec Fièvre (1921) un condensé de son art, rendant limpide des histoires d'amour malheureuses qui émanent au détour de scènes souvent folles nécessitant des dizaines de personnages. De ce beau bordel triomphent des idées que les censeurs n'ont pas toujours aimées et des individus aux regards marquants.

Film du jour: Le château

Adapté pour la télévision en 1997, Le château permet à Michael Haneke d'être fidèle à l'esprit de Kafka, déployant un conte absurde tout en respectant son climat onirique et sa narration unique (la voix hors champ est véritablement dans une classe à part). Cela donne un récit fascinant et pas toujours compréhensible, dont la forme austère renforce ses nombreux mystères. ***1/2

vendredi 17 juillet 2020

Entrevue Le jeune Ahmed

C'est toujours un plaisir de s'entretenir avec les frères Dardenne. Ce fut toutefois la première fois que j'ai pu le faire en personne, plus tôt cette année à Paris. C'était pour Le jeune Ahmed, un drame implacable sur la radicalisation de la jeunesse. Le film est présentement à l'affiche au Québec et mon entrevue se trouve dans le journal Métro du jour.

Film du jour: What Did the Lady Forget?

What Did the Lady Forget? est un film 100% Ozu, autant dans ses thèmes (domestiques, sociaux) que techniques (il n'y a que lui qui utilise la caméra de cette façon-là). On sent pourtant une immense influence de la comédie anglo-saxonne dans sa façon de se moquer de la bourgeoisie et de suivre les désirs d'émancipation de ses personnages. L'ensemble a beau être léger et ludique, une sensualité étonnante se dégage de ses corps, de ces mensonges doux-amers. ***1/2

jeudi 16 juillet 2020

Entrevue Perdrix

Lorsque Juliette entre dans la vie de Perdrix, plus rien ne sera comme avant. C'est le postulat de départ de Perdrix (ma critique), le premier long métrage du réalisateur et scénariste Erwan Le Duc, que j'ai rencontré à Paris plus tôt cette année dans le cadre des Rendez-Vous d'Unifrance...

Quelles étaient les intentions de départ derrière votre film?

J'avais envie de quelque chose d'assez joyeux. Une comédie qui part un peu dans tous les sens et qui déborde en assumant que ça déborde. L'histoire d'amour était là aussi, mais un peu cachée. Elle s'est imposée au fur et à mesure de l'écriture. Il y a un moment où j'ai assumé que c'était un film d'amour, de grands sentiments. Mais ça pris un peu de temps. Il fallait que je me libère d'un peu de pudeur.

Justement, c'est aisé de faire un film sur l'amour, qui est probablement le thème le plus exploré au cinéma? Tomber dans le kitch semble si aisé...

C'est ça qui me faisait peur. Ce n'est pas un sujet. Ça parle de quoi? D'amour. Oui, mais bon, tous les films parlent d'amour. Tout parle d'amour. Ça veut tout et rien dire. Et comment fait-on pour le raconter autrement, pour que le film soit aussi singulier qu'on le rêve? Je me suis dis que si je voulais traiter d'amour, il fallait vraiment que j'en parle.

Il y a une scène dans le film où Juliette interpelle Perdrix, quand il lui fait une déclaration, et elle lui dit «Pourquoi l'amour?». Lui il esquive. C'était comme moi. C'est un peu ce qui s'est passé à l'écriture. Un moment donné, il fallait que je le dise, l'écrive, le mettre noir sur blanc. Prendre ce risque-là.

Après ce qui m'intéressait, c'était de raconter ça sous différentes formes. L'amour est le thème principal et il y a des variations sous des formes différentes. Il y a l'amour amoureux comme le coup de foudre, l'amour filial et incapable d'un père pour sa fille, l'amour éternel et gravé dans le marbre de leur mère pour son mari qui est mort 20 ans avant. Chaque personnage est traversé par ça et ces sentiments-là me servent de base pour en aborder d'autres, pour questionner un peu tout le reste de manière parfois ambiguë et ambivalente.

J'aime cette maxime dans le film: «Attrapez les choses comme elles se passent». Comme quoi dans la vie il ne faut pas trop intellectualiser ce qui se passe.

En tout cas, ce n'est pas du tout ce que pense le personnage principal au début. Mais justement, c'est un peu le trajet qu'il fait: d'être capable de se libérer et de retrouver une manière de vivre au présent, de ne pas être tout le temps à distance.

C'est aussi la question de la légèreté. Je voulais que le film, dans sa forme et son rythme, soit assez rapide, tendu, toujours un peu virevoltant. Alors qu'il y a beaucoup de thèmes, de choses. On reproche souvent aux premiers films qu'ils débordent, qu'on met trop de choses. Moi j'ai voulu mettre trop de choses. Et on va quand même essayer de faire quelque chose de léger avec ce trop de choses. En assumant ça. En gardant toujours à l'esprit que ça devait être solaire, léger, rapide, ludique. Que dans la même scène, on puisse avoir un questionnement existentiel un peu abyssal et que ça se termine avec un gag débile.

L'humour est pétillant, absurde, au sein d'un récit volontairement étrange et imprévisible. Tu sens que ce style vient de ta personnalité ou il s'est développé à force d'écrire et de travailler?

C'est un peu des deux. C'est vrai que le scénario, je l'ai travaillé pendant longtemps. Ce fut assez ingrat. C'est un film qui n'a pas été facile à financer en France. Parce qu'il sort un peu des cases habituelles et je ne voulais pas qu'il entre dans une case. (rires) Donc je ne voulais pas me plier à ça.

Pour moi, le défi du tournage, c'est de tout remettre en cause au moment où la caméra tourne. Cette urgence peut être paralysante mais elle est aussi un vrai bonheur créatif. Et ça, je crois que ça dépend beaucoup aussi par qui on est entouré...

Chaque acteur va amener sa singularité qui va provoquer quelque chose. Je pense que c'est ce qui donne son énergie au film. L'idée c'est de partir de quelque chose de prévu et idéalement d'inventer autre chose qui ne l'est pas. Donc de capter ce moment éphémère de l'invention. Ça c'est un dialogue entre moi ce que je propose avec mon scénario et la mise en scène, et eux ce que les acteurs inventent avec ça. Je filme ce qu'ils inventent avec mon scénario.

Comment faire exister le comique et l'émotion? Aller chercher la sincérité alors que les situations loufoques mènent le bal? Faire coexister le sensible, le poétique, le surréalisme et une forme de réalisme?

C'est une très bonne question, que je me suis posée tout le long de la fabrication. Il fallait trouver cet équilibre entre quelque chose de farfelu, virevoltant, qui part un peu dans tous les sens et de raconter une histoire, des personnages, donc d'être au plus près de leurs émotions à eux. L'enjeu était de trouver cet équilibre entre les deux pour que le film puisse marcher sur ses deux jambes, à la fois un monde un peu particulier et des émotions et des personnages très universels qui puissent parler à tout le monde.

Le travail du montage a été important sur le rythme, pour trouver cet équilibre-là et faire des choix qui soient cohérents, que l'émotion soit la règle première du film. Ma monteuse a trois règles. Pour elle, le montage c'est l'émotion, l'émotion et l'émotion.

Vous avez été journaliste, tâté un peu la politique. Comment vous, vous êtes retrouvés à être réalisateur?

Quand j'étais adolescent, je voulais faire du cinéma. Je faisais des petits films avec des copains, avec la caméra vidéo 8 de mes parents que je les avais obligé d'acheter pour Noël. Je faisais ça en amateur. Après, j'ai fait d'autres études. Je ne connaissais pas l'existence des études de cinéma. Ma famille ne venait pas de là. J'ai fait d'autres métiers, du journalisme, j'ai travaillé aussi pour le ministère des affaires étrangères, au ministère de la culture.

Sauf que 10 ans après, j'avais toujours envie de faire du cinéma. J'ai commencé à écrire des scénarios pour d'autres réalisateurs. Puis un jour, j'ai décidé d'en écrire un pour moi et j'ai fait un premier court métrage. Comme je n'avais pas fait d'école de cinéma non plus, j'apprenais en le faisant. Donc j'ai fait les courts métrages pendant mes vacances, puisque j'était salarié journaliste. J'essayais d'en faire un par an, pour apprendre. Et j'apprenais à chaque fois plus...

J'ai eu la chance que le film a pu exister et que ça s'est bien passé, puisque c'était presque comme un rêve avec la sélection à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs, la sortie en France s'est bien passée. C'est très joyeux.

Mais ça rejoint un peu le personnage de Pierre Perdrix. C'est ce que lui dit sa mère au début: «Est-ce que la vie que vous vivez est vraiment la vôtre?». Pendant longtemps, j'avais l'impression que ce n'était pas le cas. J'avais l'impression de devoir attendre un peu avant d'assumer que je voulais faire des films. Que je devais gagner ma vie autrement en apprenant autre chose. Sauf que finalement, il fallait aussi faire des efforts et sacrifier des choses pour que d'autres adviennent, pour que je puisse enfin exaucer mon rêve et faire du cinéma.

Film du jour: Cours Lola Cours

Ce qu'on peut s'ennuyer du jeune Tom Tykwer, dans ses années les plus folles et libres. C'est justement à cette époque que s'inscrit Cours Lola cours (1998), film culte par excellente. À partir d'une prémisse pas très éloignée de celle de Kieslowski (une histoire est vécue trois fois), le cinéaste allemand propose un divertissement explosif sur l'amour, le destin et le temps. Une déflagration de sensations fortes, alimentée par un montage exquis et une trame sonore endiablée. ****

mercredi 15 juillet 2020

Film du jour: Burn

Série B complètement stupide qui finit par divertir par l'intensité de ses situations et l’imbécillité de ses personnages, Burn de Mike Gan s'intéresse à un vol de dépanneur qui tourne mal. Un thriller clinquant, malsain à ses heures et involontairement hilarant, porté par le jeu déconcertant de Tilda Cobham-Hervey. **1/2

mardi 14 juillet 2020

Film du jour: Clash of the Titans

Oubliez l'horrible remake de Clash of the Titans. Il n'y a rien comme la version originale de Desmond Davis (1981), qui charme à coup sûr avec ses effets spéciaux désuets et ses combats divertissants. L'histoire copiée sur Star Wars ne casse rien et la prestigieuse distribution (Laurence Olivier, Maggie Smith) relève de la poudre aux yeux. Mais en compagnie de Pégase et d'une chouette mécanique, il sera plutôt difficile de s'y ennuyer. **1/2

lundi 13 juillet 2020

L'homme sifflera plein de fois (entrevue Les siffleurs)

Qui a dit que le cinéma roumain offrait seulement des drames déprimants? Corneliu Porumboiu prouve le contraire avec Les siffleurs, qui plaira à coup sûr aux admirateurs de Quentin Tarantino.

À en croire le septième art roumain qui arrive sur nos écrans, les journées y sont grises et douloureuses, faisant autant souffrir les individus (Cristian Mungiu et son chef-d'oeuvre 4 mois, 3 semaines, 2 jours) que leur famille (Cristi Puiu avec son opus phare Sieranevada).

« Pourtant les Roumains ont une belle tradition dans l'absurde, le comique », assure Corneliu Porumboiu, rencontré en marge du Festival international du film Toronto de 2019.

Depuis sa brillante satire politique 12h08 à l'est de Bucarest qui lui a permis de mettre la main sur la Caméra d'Or en 2006, son travail baigne dans l'humour décapant. Le voilà se dépasser avec sa nouvelle création, produite notamment par Maren Ade (Toni Erdmann) et présentée à Cannes l'année dernière en compétition officielle, qui mélange les genres avec une rare aisance, passant du polar au western, avant que la romance devienne synonyme de grande violence.

« J'ai eu beaucoup de plaisir à faire ce film et ça se voit! », concède son metteur en scène quadragénaire, qui repart à l'aventure de la fiction après son hilarant Le trésor.

Pour une rare fois dans sa carrière, l'action ne se déroule pas seulement dans sa Roumanie natale mais aux Îles Canaries, alors qu'un flic - celui-là même qu'on retrouvait il y a une décennie dans l'étonnant Policier, adjectif et qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Michael Keaton -  tente d'y voir plus clair au sein d'une intrigue sinueuse, qui regorge d'êtres douteux et corrompus.

«  Je voulais faire un film sur un monde où l'argent dicte tout, surtout en cette période de post crise économique, révèle son réalisateur et scénariste. J'ai rêvé de films noirs des années 40, de classiques que j'ai beaucoup regardés, comme ceux de Howard Hawks, de Fritz Lang. »

Dans un univers aussi flou et tordu, où le héros aliéné et paranoïaque - ainsi que le spectateur - ne comprend plus rien (gracieuseté des délicieuses ellipses de temps et de lieux), le salut réside dans l'apprentissage d'une nouvelle forme de communication.

« C'est pourquoi le policier va apprendre le langage sifflé, explique le cinéaste. C'est sa seule manière d'échanger avec les autres. Le langage est au coeur du film, sa colonne vertébrale. Tous les personnages l'utilisent pour avoir une position plus forte. C'est un jeu de pouvoir. »

Le pouvoir pour Corneliu Porumboiu, c'est d'être un créateur libre, qui suit ses instincts en accomplissant les projets qu'il désire, sans se soucier s'ils se retrouveront en festivals.

« Chaque film que j'ai fait était une décision réfléchie, note celui dont les oeuvres sont souvent difficiles à voir au Québec. L'important est d'être honnête envers soi-même, pouvoir se regarder dans le miroir. »

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« Tous les films sont politiques à la fin. C'est le monde d'où l'on vient qui les dicte. » - Corneliu Porumboiu, réalisateur des Siffleurs.

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En complément, la présence des Siffleurs dans le 7e Ciel du Métro.

Film du jour: You Can't Take It With You

Tiré d'une pièce qui a reçu le prix Pulitzer, You Can't Take It With You (1937) jongle avec tous les thèmes fétiches de Frank Capra (l'Amérique pendant la Dépression, cette confrontation de valeurs entre hommes riches et fiers, etc.), les respectant tendrement dans la première partie plus romantique avant de les faire éclater lors de situations hilarantes et rocambolesques, qui doivent beaucoup aux personnages attachants (incarnés par James Stewart, Jean Arthur et surtout Lionel Barrymore qui vole la vedette à tout le monde). De quoi inspirer en troquant le cynisme pour l'espoir... surtout que le long métrage est réparti avec les Oscars du meilleur film et de la réalisation. ****

dimanche 12 juillet 2020

Les films préférés de... Corneliu Porumboiu

Depuis qu'il a remporté la Caméra d'or pour son excellent 12h08 à l'est de Bucarest, le Roumain Corneliu Porumboiu a développé une surprenante carrière cinématographie où il mélange allègrement l'absurde et le politique. Cela a donné de riches fresques comme Policier, adjectif et Le trésor, ainsi que des documentaires plus personnels tels Match retour et Football infini. J'ai pu lui parler pour la sortie de son foisonnant Les siffleurs et je lui ai demandé quels étaient ses films préférés. Comme plusieurs personnes avant lui, il m'a répondu avec ses cinéastes préférés...

« Il y en a beaucoup. On peut partir de l'un et de l'autre. Il y a Buster Keaton, Chaplin, les films noirs de Hawks, Lang, Bresson. Il y a toujours des films intéressants. Scorsese aujourd'hui, les frères Coen, Tarantino. Il y en a beaucoup. C'est un art où il y a beaucoup de films géniaux. De plus en plus, dans les dernières années, j'ai redécouvert un espèce de classicisme et je vois des films incroyables. »

Film du jour: Fun Mom Dinner

Comme si Bad Moms n'était pas déjà assez mauvais, maintenant il faut se farcir des pâles imitations comme Fun Mom Dinner de Alethea Jones. Mis à part l'honnête chimie entre ses quatre héroïnes, le film n'est qu'une source sans fin d'embarras avec ses situations stupides, ses dialogues risibles, sa psychologie à deux sous et sa mise en scène sans éclat. *1/2

samedi 11 juillet 2020

Film muet de la semaine: Avril

Les amoureux de Tati voudront absolument voir l'irrésistible Avril du Géorgien Otar Iosseliani, un film censuré à son époque (1961) sur un couple qui arrive à faire fonctionner l'eau et l'électricité seulement par leur amour. Mais en déménageant, la pression est telle d'accumuler les biens et leurs pouvoirs disparaissent... Fable poétique et humaniste sur l'art, le consumérisme, la Terre et les valeurs d'antan, il s'agit d'un bonheur incommensurable pour quiconque se dit cinéphile. En complément, il est également possible de découvrir Aquarelle (1958), un court métrage qui jetait les bases de ce bonheur simple et qui annonçait les prouesses d'ellipses et de mise en scène.

Film du jour: Carnal Knowledge

Parler de sexe autant que dans Carnal Knowledge devrait être interdit. Cela le fut d'ailleurs dans quelques états américains, à la sortie du film en 1971. Crû et implacable, cette satire sur deux hommes qui cherchent ardemment à multiplier les conquêtes féminines traite du male gaze ambiant. Et face aux excellents Jack Nicholson et Arthur Garfunkel, le scénario a l'intelligence de les confronter aux incontournables Ann-Margret et Candice Bergen. On ajoute à cela des dialogues savoureux et une mise en scène extrêmement maîtrisée de Mike Nichols, faite de longs plans ravageurs, et on obtient une des études de couples les plus pénétrantes. ****

vendredi 10 juillet 2020

Sorties de la semaine: First Cow, Le jeune Ahmed, In My Blood It Runs, Sol souverain, Vivarium, Catch and Release, Guest of Honour

La vie reprend normalement son cours, avec la sortie notamment de nouveaux films d'Atom Egoyan et des frères Dardenne. Un titre se révèle toutefois essentiel cette semaine...

First Cow: Auteure d'une feuille de route sans fausse note, Kelly Reichardt se surpasse avec cette magnifique histoire d'amitié masculine, questionnant la notion de capitalisme dans l'ADN même des États-Unis. Une oeuvre d'art contemplative et réconfortante, qui séduit amplement par son script nuancé et ses immenses prouesses techniques. ****
Mon entrevue avec la réalisatrice

Le jeune Ahmed: Les frères Dardenne s'intéressent au radicalisme religieux avec cette nouvelle proposition implacable sur la jeunesse perdue, qui s'est mérité le prix de la mise en scène à Cannes en 2019. Sans être aussi nécessaire que leurs précédents opus, il s'agit d'un long métrage maîtrisé et généralement captivant, jusqu'à sa finale qui fera amplement discutée. ***1/2
Mon entrevue avec les cinéastes
Ma critique

Le Cinéma Moderne propose deux nouveautés en location en ligne. Puissant documentaire sur le colonialisme et le désir de résistance des peuples aborigènes en Australie, In My Blood It Runs (***1/2) de Maya Newell fait le tour de la question sans jamais négliger son aspect cinématographique, dont plusieurs passages épiques rappellent Beasts of the Southern Wild. Beaucoup plus conventionnel, Sol souverain (***) de David Curtis présente le quotidien de cultivateurs qui cherchent l'autosuffisance dans le Yukon sauvage. Inspirant et visuellement soigné, l'essai peine toutefois à sortir des sentiers battus.

Vivarium: Cette création de Lorcan Finnegan avait tout pour séduire: une intrigante prémisse sur une vie de banlieue qui avale littéralement ses pauvres héros, un grand soin visuel et sonore, des acteurs crédibles dépassés par les événements (mention spéciale à Imogen Poots). Sauf que l'ensemble traîne en longueur, étant incapable de se renouveler après quelques surprises bien amenées. Cela finit alors par ressembler à un épisode de Twilight Zone. **1/2

Catch and Release: Cette adaptation de la célèbre pièce de Jane Martin sur un groupe religieux qui kidnappe une jeune femme afin de la convaincre de ne pas se faire avorter bénéficie du talent de Laurence Leboeuf, dont l'isolement en nature (Mont Foster) lui va décidément bien. Parce que si le texte peut paraître didactique et la réalisation de Dominique Cardona et Laurie Colbert trop sage et académique, les comédiens sauvent la mise. Offert virtuellement dans quelques cinémas et dès le 14 juillet sur itunes. **1/2

Guest of Honour: Mais que se passe-t-il avec Atom Egoyan? Même si ses plus récents efforts contiennent tous ses thèmes fétiches, les résultats laissent à désirer. C'est le cas de cette exploration des secrets du passé qui n'est ni crédible ni vraiment engageante malgré la performance sentie de David Thewlis. **
Mon entrevue avec le réalisateur

Film du jour: Widow of Silence

Disponible aujourd'hui virtuellement par l'entremise de quelques cinémas, Widow of Silence est un film courageux de la part de Praveen Morchhale, qui s'inspire de différentes histoires vraies. Se déroulant au Cachemire, une femme est incapable d'obtenir le certificat de décès de son mari, disparu depuis 7 ans. Du régime machiste au système bureaucratique absurde, le récit célèbre la résistance et  la dignité féminine. Formellement très soigné (entre alternance de magnifiques plans fixes et scènes de route comme chez Kiarostami) et doté d'un rythme lent, le scénario peut s'égarer dans ses répétitions et moments plus démonstrateurs, offrant néanmoins à Shilipi Marwaha un rôle considérable. ***1/2

jeudi 9 juillet 2020

Entrevue First Cow

Possiblement le meilleur film de 2020, First Cow conjugue amitié et capitalisme au sein d'une oeuvre d'une beauté à couper le souffle, dont la lenteur de la démarche donne le goût d'aller s'y perdre. Je me suis entretenu avec sa réalisatrice Kelly Reichardt et mon entrevue se trouve dans les pages du journal Métro d'aujourd'hui.

Film du jour: Mary is Happy, Mary is Happy

Faire un film à partir de tweets (410, plus exactement). C'est un peu l'idée folle qu'a eu le cinéaste thaïlandais Nawapol Thamrongrattanarit avec Mary is Happy, Mary is Happy (2013). Et étrangement, cela fonctionne plutôt bien! Malgré quelques longueurs et baisses de régime, ce récit d'apprentissage sur deux amies arrive à traiter de la vacuité de la jeunesse et de son désir de vie, justement. Une mise en scène attentive et des actrices épatantes confèrent à ce petit ovni ses lettres de noblesse. ***1/2

mercredi 8 juillet 2020

Film du jour: The Smiling Lieutenant

The Smiling Lieutenant (1931) est un peu le film de la transition d'Ernst Lubitsch, entre ses sympathiques vieilles comédies et ses classiques à venir. Une transition qui s'effectue en passant du muet au sonore, en affirmant son style et même en troquant la gloire d'hier (Claudette Colbert) pour celle de demain (Miriam Hopkins). Deux excellentes actrices qui mettent le pauvre Maurice Chevalier dans leur poche au sein de cette pétillante farce mélancolique qui, sans être transcendante, comporte son lot de mots d'esprit et une finale particulièrement irrésistible. ***1/2

mardi 7 juillet 2020

Film du jour: The Prince

Si Un prophète de Jacques Audiard avait frayé davantage avec le sexe que la violence, le résultat aurait sans doute ressemblé à The Prince de Sebastian Munoz, un drame carcéral chilien se déroulant sous le régime d'Allende. Malgré ses quelques clichés et passe-droits, ce récit vigoureux propose des scènes d'intimité puissantes qui mettent en valeur la mise en scène adroite et l'interprétation à la fois virile et délicate. En dvd et vidéo sur demande. ***

lundi 6 juillet 2020

Film du jour: Cold Blood

S'il n'y a qu'un seul rôle à retenir de la carrière Jean Reno, c'est bien celui de tueur au grand coeur dans Léon. C'était en 1994, avant une succession d'échecs et de navets. Voilà qu'il reprend du métier avec Cold Blood de Frédéric Petitjean, où il incarne à nouveau un gentil méchant solitaire. Malgré une ou deux images généralement muettes qui exploitent convenablement les couleurs ambiantes (principalement le blanc), il n'y a rien à retenir de cette série B pétrie de clichés, si lente et prétentieuse dans sa façon de vouloir jouer avec la temporalité. Disponible dès demain en vidéo sur demande et Apple TV. *1/2

dimanche 5 juillet 2020

Sorties de la semaine: Les siffleurs, Un fils, 100 kilos d'étoiles

Les cinémas ont finalement pu ouvrir leurs portes! On en profitera pour découvrir sur grand écran quelques films qui en valent la peine et qui étaient jusque-là uniquement disponible à la location (comme It Must Be Heaven et Brumes d'Islande). Au niveau des nouveautés...

Les siffleurs: Il y a ce savoureux polar roumain de Corneliu Porumboiu (12h08 à l'Est de Bucarest) qui charmera à coup sûr les amateurs de Quentin Tarantino avec son intrigue joyeusement bordélique, ses situations saugrenues et son savant mélange de genres. On en redemande. ***1/2

Un fils: Un attentat perpétré en Tunisie devient la métaphore identitaire de ce puissant premier long métrage de Mehdi M. Barsaoui, plus éloquent lorsqu'il demeure au niveau du drame familial que lorsqu'il s'aventure du côté du suspense infernal. La distribution sans fausse note menée par le bouillant Sami Bouajila compense pour un scénario parfois tiré par les cheveux. ***
Ma critique

100 kilos d'étoiles: Ce récit d'initiation pour jeunes adolescents de Marie-Sophie Chambon ne manque pas de candeur dans sa façon de traiter des rêves et de la différence. Il demeure cependant trop convenu et appuyé. Dans le même genre, Jeune Juliette y était supérieur. **1/2

Film du jour: On Through The Olive Trees

Ultime tome de la trilogie Koker, On Through The Olive Trees (1994) est l'aboutissement de la réflexion d'Abbas Kiarostami, qui se sert du cinéma pour réfléchir la vie. Cela se passe par une horde de mises en abyme somptueusement élaborées à l'aide de magnifiques plans symétriques. Son art évolue de plus en plus vers la poésie et si son récit pourrait paraître ténu, il comporte tellement de couches (sur l'humain, la nature, les villages éloignés) que l'on ne voudra que se replonger dans cette trilogie qui apaise instantanément l'âme. ****

samedi 4 juillet 2020

Film muet de la semaine: L'hirondelle et la mésange

Inventeur du terme «mise en scène», André Antoine fait le plein de réalisme social dans L'hirondelle et la mésange (1920), où l'aspect documentaire semble plus important que l'intrigue amoureuse qui en découle. À tel point qu'un immense pouvoir de fascination s'exerce sur ces bateaux qui errent au sein d'une photographie somptueuse, gorgée d'angles immersifs et révélateurs.

Film du jour: The Truman Show

Pour la fête nationale des États-Unis, on voudra certainement revoir The Truman Show, le film visionnaire de Peter Weir, basé sur le scénario brillant d'Andrew Niccol (qui, en 1998, n'était pas le has-been d'aujourd'hui). En traitant à la fois de télé-réalité et du désir de liberté d'un homme face à l'existence, le long métrage ratisse large, explorant les arcanes du cinéma tout en conférant à Jim Carrey un de ses plus grands rôles en carrière. L'ensemble est évidemment trop gentil, sauf que sa charge demeure toujours aussi efficace. ****

vendredi 3 juillet 2020

Les meilleurs films de... juin 2020

Enfin, les salles de cinéma ouvrent à nouveau leurs portes aujourd'hui! En attendant d'y accéder, voici les meilleurs films que l'on a pu découvrir (en vidéo sur demande) en juin 2020...

- House of Hummingbird

- It Must Be Heaven

- L'extraordinaire voyage de Marona

- Brumes d'Islande

- Surrogate

Film du jour: Muriel's Wedding

Succès surprise de 1994, Muriel's Wedding de Paul John Hogan est une relecture de Cendrillon, alors qu'une femme amoureuse d'Abba tente de tout changer dans son existence afin de se marier un jour. Drôle et grave à la fois, ce récit qui affiche déjà le poids des années vaut surtout pour la performance phénoménale de Tony Collette, méconnaissable dans le rôle titre. C'est grâce à elle qu'on accepte plus volontairement les faiblesses du script. ***

jeudi 2 juillet 2020

Film du jour: A Regular Woman

Le crime d'honneur a été l'objet de nombreux films. A Regular Woman de Sherry Hormann a la particularité de relater une histoire vraie à travers la fiction mais en conservant des éléments documentaires. On y suit ainsi les désirs d'émancipation d'une femme de sa famille toxique musulmane. Efficace mais convenu, le récit quelque peu manipulateur s'articule autour de la performance forte de sa jeune protagoniste et d'une mise en scène sentie, qui brise régulièrement le quatrième mur. De quoi enrager au plus haut point. Disponible virtuellement dans quelques cinémas. ***

Film du jour: Le toit de la baleine

Raoul Ruiz a réalisé plusieurs films cinglés. Le toit de la baleine (1982) est un de ceux-là. Largement improvisé, le long métrage multiplie les thèmes - langue, maxime, colonisation et compagnie - en multipliant les scènes de miroir et d'expérimentations, perdant allègrement le cinéphile au passage, qui sera hypnotisé par les images fascinantes d'Henri Alekan. Un trip impressionniste prenant la forme d'un cauchemar, dont l'écho à Proust se fait amplement ressentir.  À voir sur le site de la Cinémathèque française. ***1/2

mercredi 1 juillet 2020

Film du jour: Hammer

Bien que largement imparfait, Hammer permet au cinéaste canadien Christian Sparkes de laisser sa trace, développant des images marquantes qui font grande impression. Le scénario en forme de mythe grec sur une famille qui fera tout pour protéger les siens n'est pas neuf (l'ombre de James Gray y plane allègrement) et la psychologie primaire des personnages laisse à désirer, sauf que Will Patton offre une composition nuancée et vigoureuse en patriarche dépassé par les événements. **1/2