lundi 13 juillet 2020

L'homme sifflera plein de fois (entrevue Les siffleurs)

Qui a dit que le cinéma roumain offrait seulement des drames déprimants? Corneliu Porumboiu prouve le contraire avec Les siffleurs, qui plaira à coup sûr aux admirateurs de Quentin Tarantino.

À en croire le septième art roumain qui arrive sur nos écrans, les journées y sont grises et douloureuses, faisant autant souffrir les individus (Cristian Mungiu et son chef-d'oeuvre 4 mois, 3 semaines, 2 jours) que leur famille (Cristi Puiu avec son opus phare Sieranevada).

« Pourtant les Roumains ont une belle tradition dans l'absurde, le comique », assure Corneliu Porumboiu, rencontré en marge du Festival international du film Toronto de 2019.

Depuis sa brillante satire politique 12h08 à l'est de Bucarest qui lui a permis de mettre la main sur la Caméra d'Or en 2006, son travail baigne dans l'humour décapant. Le voilà se dépasser avec sa nouvelle création, produite notamment par Maren Ade (Toni Erdmann) et présentée à Cannes l'année dernière en compétition officielle, qui mélange les genres avec une rare aisance, passant du polar au western, avant que la romance devienne synonyme de grande violence.

« J'ai eu beaucoup de plaisir à faire ce film et ça se voit! », concède son metteur en scène quadragénaire, qui repart à l'aventure de la fiction après son hilarant Le trésor.

Pour une rare fois dans sa carrière, l'action ne se déroule pas seulement dans sa Roumanie natale mais aux Îles Canaries, alors qu'un flic - celui-là même qu'on retrouvait il y a une décennie dans l'étonnant Policier, adjectif et qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Michael Keaton -  tente d'y voir plus clair au sein d'une intrigue sinueuse, qui regorge d'êtres douteux et corrompus.

«  Je voulais faire un film sur un monde où l'argent dicte tout, surtout en cette période de post crise économique, révèle son réalisateur et scénariste. J'ai rêvé de films noirs des années 40, de classiques que j'ai beaucoup regardés, comme ceux de Howard Hawks, de Fritz Lang. »

Dans un univers aussi flou et tordu, où le héros aliéné et paranoïaque - ainsi que le spectateur - ne comprend plus rien (gracieuseté des délicieuses ellipses de temps et de lieux), le salut réside dans l'apprentissage d'une nouvelle forme de communication.

« C'est pourquoi le policier va apprendre le langage sifflé, explique le cinéaste. C'est sa seule manière d'échanger avec les autres. Le langage est au coeur du film, sa colonne vertébrale. Tous les personnages l'utilisent pour avoir une position plus forte. C'est un jeu de pouvoir. »

Le pouvoir pour Corneliu Porumboiu, c'est d'être un créateur libre, qui suit ses instincts en accomplissant les projets qu'il désire, sans se soucier s'ils se retrouveront en festivals.

« Chaque film que j'ai fait était une décision réfléchie, note celui dont les oeuvres sont souvent difficiles à voir au Québec. L'important est d'être honnête envers soi-même, pouvoir se regarder dans le miroir. »

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« Tous les films sont politiques à la fin. C'est le monde d'où l'on vient qui les dicte. » - Corneliu Porumboiu, réalisateur des Siffleurs.

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En complément, la présence des Siffleurs dans le 7e Ciel du Métro.

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