dimanche 22 juin 2014

Film du jour: Letters From Iwo Jima

Clint Eastwood peut enfin souffler. Les critiques tièdes de son potable Flags of Our Fathers seront remises aux calendes grecques grâce à l’excellent et émouvant Letters from Iwo Jima. Un « autre » film de guerre qui, sous ses habits classiques, renferme beaucoup de profondeur et de justesse.

Le cinéaste derrière Unforgiven adore le travail. Malgré son âge avancé, il garde le meilleur pour la fin. Un dérangeant Mystic River, un légèrement surestimé mais néanmoins touchant Million Dollar Baby et là, un combo sur la Deuxième Guerre mondiale. Après la vision patriotique honnête de Flags of Our Fathers, place à Letters from Iwo Jima, une de ses meilleures réalisations à ce jour.

Ce nouvel essai prend le point de vue japonais sur une des nombreuses batailles du Pacifique. Le général Tadamichi Kuribayashi (Ken Watanabe) doit trouver des tactiques pour motiver ses hommes et repousser les troupes américaines qui cherchent à prendre Iwo Jima, une position géographique et stratégique enviable. Sauf que sa troupe est largement inférieure et le renfort ne pourra venir à temps. Dans cette « attente » de la mort, des âmes veulent survivre et d’autres sont rappelées à l’ordre par le code d’honneur.

Le film de guerre semble être une étape obligée pour couronner les grands cinéastes et Clint Eastwood vient de remporter une très grande victoire. Lentement, entièrement tourné en langue nippone, son hymne à la paix est une dénonciation de la violence sous toutes ses formes, proposant des individus universels qui aspirent aux mêmes valeurs. La futilité du combat est extrême, le sacrifice semble parfois vain et les cycles ne font que se répéter.

À priori, pas grand-chose de nouveau sous le soleil. Voilà un genre difficile à transcender et si Terrence Malick a pu le faire avec son magistral The Thin Red Line, il est certainement le seul en plus de vingt années de cinéma. Monsieur The Bridge of Madison County n’innove guère au niveau de sa technique. De toute façon, il ne l’a jamais fait. Voilà une figure droite et posée comme le roc qui filme toujours de la même façon. La précision au détriment du style. L’émotion annoncée d’emblée qui touche profondément dans la dernière moitié. Cette fois, la musique n’est pas trop envahissante et le piano bouleverse autant que les airs plus populaires.

Curieusement, c’est dans ses scènes de combats qu’Eastwood se veut le plus ordinaire. L’action tombe souvent à point, elle réveillera les spectateurs qui sont peu habitués aux sous-titres en les amenant directement sur le champ de bataille. Ce n’est peut-être pas Saving Private Ryan et c’est tant mieux. Néanmoins, il y a beaucoup trop de séquences musclées et la répétition n’a pas meilleur goût. C’est plutôt lorsque les personnages posent les armes, qu’ils se préparent ou qu’ils méditent entre deux attaques que le tout atteint le nirvana. La psychologie est prononcée avec des ellipses qui n’hésitent pas à retourner dans le temps. Le climat politique et historique de l’être humain est soigné sans tomber dans la surenchère ou l’abus de morales. Le microcosme choisit est japonais et il y a cet éternel combat entre tradition et modernité. Le tout sans simplifier les modes de vie et les croyances.

La trame narrative s’intéresse à plusieurs figures, toutes formidables. Ken Watanabe brûle l’écran avec son regard enflammé, sa sobriété, son humour si distinct et son charisme indéniable. Son général est tourmenté et jamais totalement saisissable. Autour de lui, il y a le héros un peu plus typique Kazunari Ninomya et un second charismatique en Tsuyoshi Ihara. Des noms peu connus qui valent possiblement tous les Brad Pitt de la planète.

Dans son approche formelle, Letters from Iwo Jima sent le classicisme à plein nez. Pourtant, c’est un récit exemplaire, fort et souvent envahissant, peuplé de comédiens épatants et de constats sans équivoque sur la condition humaine. Avec Le Soleil et Millenium Actress, voici un troisième conte qui permet de mieux saisir l’essence des racines japonaises modernes. Un Golden Globes mérité pour ce « meilleur film étranger » qui aurait facilement pu décrocher les honneurs dans les catégories de tête.

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