vendredi 28 septembre 2018

Film du jour: Parlez-moi de la pluie

Le tandem le plus mordant du cinéma français offre Parlez-moi de la pluie, une fantaisie illuminée intelligemment écrite qui se moque de tout et de rien. Peut-être pas un grand crû dans la filmographie d’Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri, mais néanmoins un petit film léger et ultra sympathique pour égayer les journées plus grises.

La plume de Jean-Pierre Bacri et d’Agnès Jaoui est certainement une des plus affûtée de France. Elle est généralement juste et hilarante, sarcastique et brillante. Grâce à leurs mots, Alain Resnais a pu remettre un peu de pimpant dans sa carrière (notamment grâce à son éblouissant diptyque Smoking/No Smoking et au tordant  On connaît la chanson) et Cédric Klapisch a accouché de son meilleur film (Un air de famille) en carrière. Ce n’était qu’une question de temps avant que ce couple qui n’en est plus un se retrouve derrière la caméra. Tout d’abord avec l’inoubliable Le goût des autres, puis le vigoureux Comme une image: deux œuvres marquantes dont la suite est attendue avec impatience. C’est là que débarque Parlez-moi de la pluie, un récit beaucoup plus simple et linéaire qui, sans rivaliser avec les précédents ouvrages, s’avère nettement plus pertinent que la majorité des longs-métrages à l’eau de rose.

Agathe (Jaoui) est une féministe qui vient de se lancer en politique. De retour dans la maison de ses parents, elle retrouve sa sœur Florence (Pascale Arbillot) qui vit un mariage difficile. Karim (Jamel Debbouze) est un ami de la famille et il prépare un documentaire sur Agathe. Sauf que ni lui ni son ami Michel (Bacri) ne savent réellement respecter un échéancier. Au gré des jours de tournage, ils se laisseront tous envahir par les tracas du quotidien qui risquent parfois d’avoir le dernier mot.

En digne héritier de Michel Audiard, le scénario finement ficelé par Bacri et Jaoui fait instantanément réagir tout en demeurant en phase avec les obsessions de leurs auteurs. Encore une fois, il est inutile de mélanger les classes sociales. Les riches restent avec les riches, les pauvres avec les pauvres, les gens de cinéma ne fréquentent que des personnes de leur propre milieu, etc. Ce leitmotiv est toujours accompagné de personnages en plein quête identitaire qui sont souvent disposés à sacrifier leur relation amoureuse et amicale pour vivre réellement, retrouver le grand amour ou faire quelque chose de leurs dix doigts.

Ces thèmes qui laissent toute la latitude nécessaire aux dialogues humoristiques et aux réparties cyniques sont ici relevés par de nouveaux défis. Le duo s’attaque au sort des femmes en politique et leur constat ne manque de clairvoyance. Il décide au passage de confronter une bourgeoisie huppée à une servante immigrante moins fortunée qui fait écho à la domination sous-entendue de la France sur l’Algérie qui s’exprime par un racisme latent. Ces nouveaux pôles de bataille ne sont toutefois pas parfaits. La charge est un peu grosse et elle manque parfois de subtilité. Ce ton peut même être moralisateur et il l’est. Comme les précédents opus de l’inséparable duo, Parlez-moi de la pluie continue de traiter des malaises de société en emplissant constamment le silence de bruits où personne ne s’écoute et personne ne se comprend. Cette fois, le résultat est plus gris que noir, et ce sont les êtres humains qui sont au centre de l’échiquier avec leurs gaucheries et leurs raisonnements parfois tendancieux où le sentimentalisme ne prend pas trop de place.

Les facéties des comédiens, toujours parsemées de clins d’œil et d’imposantes prestances physiques, semblent reprendre leurs propres stéréotypes, si ce n’est que pour les amener ailleurs. Jean-Pierre Bacri est encore ce gros nounours en mal de câlins. Cette figure à sens unique est cependant teintée d’une vulnérabilité à fleur de peau qui fait instantanément sourire. Un constat similaire chez la réalisatrice et actrice qui, dans un premier temps, pourra en énerver plus d’un avec son caractère inquisiteur. C’est pour mieux cacher de subtiles lésions sous-jacentes. Le nouveau venu dans cette famille est Jamel Debbouze qui détonne légèrement avec l’ensemble, demeurant sur le qui-vive, attendant le moment précis pour se mettre en valeur. Le reste de la distribution ravit par son mélange de réalisme et de pathétisme qui demeure constamment dans le ton.

La pire erreur est d’avoir des attentes envers Parlez-moi de la pluie. Malgré ses dialogues caustiques, ses personnages savoureux et son humour qui fait souvent mouche, ce n’est ni Le goût des autres ni Comme une image. Il s’agit plutôt d’un essai tendre, gentil et oubliable qui, en revanche, possède beaucoup plus de contenu que de nombreux longs-métrages traitant de sujets similaires. Les admirateurs de Bacri et de Jaoui seront peut-être déçus d’une telle simplicité et de ces discours parfois moralisateurs. Mais depuis quand des cinéastes  accomplis accouchent à chaque fois de films majeurs ? ***

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