vendredi 4 mai 2012

Habemus Papam: Mais où est le pape?


Le pape devient le sujet d’un des films les plus drôles de l’année dans «Habemus Papam», une comédie à la fois absurde et terriblement humaine qui est issue de l’esprit de Nanni Moretti, l’enfant terrible du cinéma italien. Tout à fait recommandable.

À la mort du pape, le conclave se réunit pour choisir un successeur. C’est le cardinal Melville (Michel Piccoli) qui a recueilli le plus de votes. Sauf que ce dernier hésite devant l’ampleur de la tâche. Pour le convaincre, on convoque dans le plus grand secret un psychanalyste (Nanni Moretti) qui a déjà son lot de problèmes familiaux.

Aux premiers abords, Nanni Moretti était la personne toute désignée pour s’attaquer à ce sujet. Il l’avait déjà abordé par le passé (par l’entremise de «La messe est finie») et après son délirant «Le caïman», il était légitime de penser que le cinéaste possédait tout le venin nécessaire pour éclabousser le dogme de l’Église. Surprise! Au lieu d’utiliser le sarcasme et l’ironie comme pouvait le faire Bunuel à une époque, le créateur du bouleversant «La chambre du fils» surprend par son approche. Il ne se moque pas des membres du clergé, bien au contraire. Il a l’intelligence de les filmer avec humanité et compassion dans leurs doutes et leurs incertitudes. Pourtant, comme l’athée qu’il est sûrement, le réalisateur prend son temps pour étayer au grand jour les paradoxes et la vacuité de certaines traditions. Il le fait subtilement, sans attirer l’attention, ce qui donne cependant une finale mémorable, d’une noirceur sardonique.

Avant d’en arriver là, l’homme derrière les très authentiques «April» et «Journal intime» développe son projet en suivant deux chemins parallèles. Le premier et le principal est la fuite de son personnage principal qui, lorsque tout s’ouvre devant lui, se dérobe. Il ne doute pas de sa foi, mais de ses choix de vie, de son parcours qui aurait rendu n’importe qui heureux sauf lui. Une approche sensible et pleine d’émotions maximisées par la présence forte de Michel Piccoli qui trouve là un très grand rôle. Parfaitement appuyée par une mise en scène alerte et discrète qui fait la belle part aux détails importants (la place du théâtre et de Tchekhov, la nécessité de renouer avec son essence première), l’acteur fétiche de Bunuel (tiens, tiens) est tout simplement formidable. Le tout aurait pu tourner au mélo sans cette seconde dimension, volontairement plus ludique, où Moretti apparaît dans la peau d’un psychanalyste, un personnage qu’il connaît comme sa poche. Grâce à cette parenthèse enchantée, il peut se moquer gentiment de la presse et des «guérisseurs d’âme», multipliant les allusions savoureuses qui font mouche à tout coup.

Moins immédiat que d’autres opus de leur auteur, «Habemus Papam» n’en demeure pas moins une oeuvre de très grande qualité, qui fait beaucoup avec une grande économie de moyens. On y passe par toute la gamme des émotions, de la joie aux larmes, en s’identifiant pleinement à cette figure tourmentée. En espérant qu’il ne faudra pas attendre aussi longtemps avant d’obtenir en sol québécois le nouveau long métrage de Nanni Moretti.

4/5

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