dimanche 12 août 2018

Film du jour: Red Road

Premier film de la réalisatrice Andrea Arnold, Red Road a réussi à remporter le Prix du Jury au Festival de Cannes de 2006. Un bel exploit qui n’a surtout pas été laissé au hasard.

Jackie (Kate Dickie) est opératrice. Son métier consiste à regarder des dizaines de caméras pour s’assurer que la sécurité règne dans un coin de la ville de Glasgow en Écosse. Par son pouvoir optique, elle peut donc observer les gens et entrer dans leur quotidien. Un jour, elle s’attarde longuement à un homme. Une présence diabolique qui lui rappelle des cauchemars, des pensées impossibles à enterrer. Pour pouvoir à nouveau exister, elle doit continuer à l’épier et même aller lui parler, afin de régler ce qui aurait dû être fait il y a de cela plusieurs années…

Red Road est une œuvre qui ne laisse pas indifférente et c’est tant mieux. Le sujet, qui n’est pas sans rappeler l’excellent Crossing Guard de Sean Penn, s’avère particulièrement opaque, avec ses nombreuses dissimulations et ses motivations pas toujours éclairantes. Le climat de tension se veut rapidement voyeur avec ces nombreux yeux dans le ciel qui observent le quotidien de la population, évoquant la protection de l’individu. La vue sera donc le sens le plus utilisé dans cette odyssée vers la noirceur qui espère ardemment, à chaque moment, que la lumière fasse son entrée.

La mise en scène rugueuse d’Arnold pourrait faire penser – à tort – que le schéma du long métrage épouse le Dogme. Rien n’est pourtant plus faux. Il n’y a aucune improvisation, le texte s’avère particulièrement bien écrit. Les décors et l’éclairage tendent à être très naturels, mais le recours aux techniques artificielles peut apparaître, ce qui est normal et même peut-être bénéfique. Au sein du récit qui pourrait paraître froid et austère, c’est la présence de la magnifique Kate Dickie qui amène beaucoup de chaleur. Cette beauté unique au magnétisme indéniable est déchirée par des sentiments violents et profonds et sa démarche s’avère souvent imprévisible.

Le quartier de Glasgow n’est pas particulièrement riche et les décors suivent cette tangente de la pauvreté. La caméra est dépouillée de la majorité de ses artifices, captant simplement les soubresauts de vie. Le sens du détail est inné, très précis, décuplant au passage le réalisme. Les couleurs froides offrent de jolies teintes et, progressivement, le tout se laisse envahir par des éclairages et des reflets, rouges, bleus et orangés, progression normale de la nuit vers le jour. Les zones d’ombres s’avèrent ainsi le deuxième personnage principal et les contrastes ne déçoivent pas.

La musique apparaît généralement à l’écran, hormis ce générique qui offre une reprise plus douce du classique Love Will Tear Us Apart de Joy Division. Les airs rock, techno et mélancoliques représentent l’état psychologique des protagonistes.

C’est triste que Red Road n’est pas bénéficié d’une plus grande sortie tant ses qualités sont intrinsèques. Par sa lenteur, son mystère hypnotisant et sa fascination pour le passé, la joie est loin de transcender la production. Pourtant, c’est la vie dans toute sa beauté qui ressort, avec les remords et le goût de la vengeance. À la Cinémathèque dans le cadre du cycle Femmes, femmes. ****

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