vendredi 30 novembre 2012

Killing Them Softly (critique)


Quelques années après avoir travaillé ensemble dans l’excellent The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford, l’acteur Brad Pitt et le cinéaste Andrew Dominik remettent ça avec Killing Them Softly. Le résultat final n’est peut-être pas aussi mémorable, mais le film n’est pas dénué d’intérêts pour autant.

En pleine période de crise économique, des malfrats se font voler leur argent par deux jeunes délinquants. Pour retrouver leur margot et éliminer les responsables, ils font affaire à un tueur à gages (Brad Pitt) qui a plus d’un tour dans son sac.

Les amateurs de Fargo et de Pulp Fiction se sentiront en terrains connus dans cette adaptation d’un roman du trop peu connu George V. Higgins. Ce sont les dialogues qui dominent ce thriller policier qui a été présenté en compétition officielle à Cannes en mai dernier. En fait, comme dans n’importe quel long métrage de Quentin Tarantino, les personnages ne font que parler, pour le meilleur et pour le pire.

Cette prédisposition ankylose peut-être le rythme et elle empêche l’histoire de prendre réellement son envol, mais elle permet également aux comédiens de briller. Bien que l’on ne voie pas autant Brad Pitt que souhaité, l’interprète est affable dans le rôle principal. Et il est entouré de nombreuses pointures comme Richard Jenkins, Ray Liotta, Sam Shepard et surtout James Gandolfini qui ont tous des dialogues truculents à livrer.

La mise en scène sophistiquée de Dominik relève constamment les enjeux. Débutant de façon minimaliste et hyper réaliste, il offre quelques magnifiques séquences stylisées, dont cette confrontation au sommet entre Pitt et Liotta qui demeurent un des moments les plus excitants de l’année. Après une somptueuse introduction, sa réalisation s’amuse à recréer avec beaucoup de maestria ce monde interlope, demeurant sans faille dans son évocation.

Au-delà de son sujet pas nécessairement original et de sa grande violence graphique, l’effort se distingue du lot par ses aspects politiques et économiques. Il se déroule dans la dernière grande noirceur mondiale, celle où Obama promettait de relever la Terre après le fléau du règne de George W. Bush. L’action est située dans une ville meurtrie, probablement la Nouvelle-Orléans, et il regroupe des truands sans foi ni loi. C’est là que débarque l’antihéros par excellence, un mercenaire qui a tout de même son propre code moral. Il représente le nouvel homme à la croisée du chemin, celui qui s’est fait humilier et qui doit constamment se battre pour survivre. Une métaphore fascinante de l’état de la planète, dont la finale cynique et nihiliste ne s’oubliera pas de sitôt.

Malgré toutes ces qualités (les personnages savoureux, la réalisation fignolée, le discours politisé), Killing Them Softly aurait pu être bien meilleur. On sent que le récit s’enlise à la première occasion et qu’il n’offre que le minimum requis au lieu d’en mettre plein la vue (comme Drive, par exemple). Ce sera pour une prochaine fois. En attendant, on regardera cette sombre et verbeuse fresque de l’Amérique à tête reposée, avec un sourire en coin, en ne s’attendant pas nécessairement à un divertissement, mais à quelque chose de plus ambitieux, qui aurait pu marquer 2012 mais qui n’arrive pas à assembler tous ses beaux morceaux correctement.

3/5

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