jeudi 29 novembre 2012

Anna Karenina (critique)


Opulente réinterprétation toute personnelle du chef-d’œuvre littéraire de Tolstoï, la version d’Anna Karenina de Joe Wright est un tour de force visuel et technique qui laisse malgré tout sur sa faim.

L’histoire n’a guère changée depuis toutes ces décennies. Divisée entre son mari (Jude Law) et son enfant et son nouvel amant (Aaron Taylor-Johnson), la belle Anna Karenina (Keira Knightley) doit choisir son camp, au risque d’y perdre son âme et peut-être même plus.

On a adapté ce classique tellement souvent qu’il est aisé de craindre la vieille version poussiéreuse et académique. Ce n’est heureusement pas ce que propose cette énième transposition qui possède beaucoup plus de chien qu’il n’y paraît. Au contraire, le cinéaste britannique décide de camper son action dans les arcanes du théâtre, conférant un climat de superficialité propice à son sujet, rappelant toute la vacuité dans ces rapports de classes sociales qui séparent les êtres humains.

En fait, la mise en scène de Joe Wright est le véritable héros du long métrage. Sa réalisation ponctuée d’étonnants plans séquences est spectaculaire, explosive, férocement originale, jouant avec les métaphores, abusant des symboles, en mettant plein la vue pour essayer d’apporter un peu du neuf à du vieux. À tel point qu’on a l’impression qu’il se prend pour le grand Max Ophüls, se plaisant à multiplier les obstacles entre le spectateur et ses personnages, payant quelques hommages aux illustres Lola Montès et Madame de…

Bien entendu, tout ça cache quelque chose. Le style est peut-être flamboyant, mais le récit ne semble pas toujours incarné. Au lieu de se concentrer sur son triangle amoureux, le scénario fait des digressions, s’attardant trop longtemps aux personnages secondaires, renfonçant par la répétition cette idée que le couple adultère et en crise peut être sauvé (le frère d’Anna) et que la passion amoureuse peut se réaliser sur une longue durée (le rouquin qui aimerait bien jouer chez Terrence Malick). Autant de jeux de miroirs pas toujours subtils pour mettre en relief la dimension tragique de la prémisse.

Sauf que débarrassée de ses sous-entendus politiques, l’intrigue ne peut que manquer de souffle. La pire idée est d’avoir confié un rôle aussi important que celui de l’amant au tiède Aaron Taylor-Johnson. Il était peut-être potable dans Kick-Ass, mais il s’avère ici monolithique et bien peu convaincant. Du coup, on se demande pour quelles raisons Anna veut tout quitter pour lui. Abonnée aux films à costumes, Keira Knightley s’en sort plutôt bien, sauf lors des moments de crises où elle semble toujours à un doigts de chuter dans l’hystérie. Des pièges qu’arrivent à éviter l’excellent Jude Law, que l’on voit malheureusement trop peu, et dont le «méchant» de l’histoire semble ici plus «gentil» et «compréhensif», en comparaison d’Anna dont il est parfois difficile de prendre en pitié.

Beaucoup moins complexe et réussi que l’ultime version de 1935 qui mettait en vedette Greta Garbo, le Anna Karenina de Joe Wright demeure un objet de grande classe, un peu tape-à-l’œil et superficiel, qui se regarde tout de même avec intérêt, et dont l’humour insoupçonné en surprendra plus d’un. Sans rivaliser avec son superbe Atonement, cela fait tout de même du bien de voir son auteur revenir à quelque chose de plus substantiel après son terriblement ordinaire Hanna.

3/5

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