lundi 31 août 2020

Irresistible (blu-ray)

Depuis qu'il a délaissé la télévision, l'animateur Jon Stewart s'est tourné vers le cinéma. Le voici de retour avec son second long métrage de fiction Irresistible. (Universal)

C'est quoi? Un stratégiste tente de convaincre un ancien colonel d'un petit village républicain de se présenter pour le Parti démocrate.

C'est comment? Il s'agit d'une satire bien de son époque, au casting étincelant (Steve Carrell, Chris Cooper et surtout Rose Byrne s'en donnent à coeur joie).

Et pourtant? Cela ressemble parfois à un téléfilm mou et trop gentil, qui ménage la chèvre et le chou. L'humour est daté et les stéréotypes éculés.

Techniquement? Un grand soin technique (pistes sonores de qualité, images précises, teintes souvent somptueuses, etc.) ne compense pas pour un scénario qui manque sérieusement de mordant.

Suppléments? Cette édition comporte un blu-ray, un dvd et une copie numérique. Les bonus comprennent quelques scènes ratées ou allongées, un bêtisier, un documentaire sur le tournage et des segments superficiels en compagnie de la distribution et du cinéaste.

Au final? Même s'il a fait un meilleur travail que sur son pénible Rosewater, Jon Stewart a encore des croûtes à manger, à la fois comme réalisateur et scénariste. Ce film avait tout le potentiel pour marquer les esprits, sauf que son traitement fade manque singulièrement de relief. Meilleure chance la prochaine fois. **1/2

Film du jour: Labyrinth of Cinema (Fantasia)


En guise de testament, Nobuhiko Obayasi (le père de Hausu, qui est décédé plus tôt cette année) propose Labyrinth of Cinema, qui est non seulement l'un des meilleurs films que l'on pourra voir cette année à Fantasia, mais également en 2020. Il s'agit d'un opus complètement cinglé, gorgé de couleurs et d'hommages, qui revient pendant trois heures sur la Seconde Guerre mondiale en revisitant pratiquement tous les genres cinématographiquement japonais à la façon de Millenium Actress. Le voyage pourra sembler épuisant (surtout si on ne voit pas le tout dans une salle de cinéma), mais les plus aventureux seront récompensés d'une oeuvre unique qui ne s'oubliera jamais. À voir ce soir. ****

dimanche 30 août 2020

Les films préférés de... Pierre Trividic et Patrick-Mario Bernard


Cela fait plus de deux décennies que Pierre Trividic et Patrick-Mario Bernard réalisent des films ensemble, que ce soit des documentaires (Good) ou des oeuvres de fiction (L'autre, Une famille parfaite, Dancing). Je les ai rencontré pour L'angle mort (mon entrevue), un film de super-héros hors de l'ordinateur, et je leur ai demandé quels étaient leurs longs métrages préférés...

Patrick-Mario Bernard: 2001, le Satyricon de Fellini.

Pierre Trividic: Tous les films de Fritz Lang.

PMB: The Arrival de Villeneuve. Solaris de Soderbergh, pas de Tarkovski.

PT: Tree of Life.

PMB: Sils Maria d'Assayas. Alphaville de Godard.

PT: Et puis plein d'autres.

PMB: Alain Resnais.

PT : Votre question est étourdissante.

PMB: Mais aussi des films plus indignes que ça, toute sorte de choses.

PT: Les 101 Dalmatiens.

PMB: Après, ce sont des réponses de personnes qui font des films. Ça change tout le temps en fait. La chose se déplace.

PT: Et pour rajouter: Rencontres du troisième type.

PMB: Oui, évidemment.

PT: On ne peut pas répondre à votre question.

PMB. Sinon on va citer tous les films qui existent.(rires)

Films du jour: Sheep Without a Shepherd et Detention (Fantasia)


Lorsqu'il ne s'amuse pas à copier Hollywood, le cinéma populaire chinois peut être fort intéressant. C'est le cas de Sheep Without a Shepherd de Sam Quah, un très divertissant jeu de chat et de souris où les autorités cherchent à coincer un père - et amateurs de films! -  ainsi que sa famille suspectées de meurtre. Offrant une heureuse symbiose entre suspense, comédie et mélo, le récit à la réalisation hyper efficace amuse malgré ses excès et ses invraisemblances. En vidéo sur demande. ***

Rare adaptation d'un jeu vidéo qui tienne la route, Detention de John Hsu se déroule à Taïwan en 1962, à l'époque de la Terreur blanche (préséance et censure de la Chine... qui conduit jusqu'à la mort de la population récalcitrante). Un contexte politique puissant qui perd un peu de son mordant lorsqu'il est mélangé au film d'horreur plus classique. Bien que l'ensemble ne fasse jamais peur, ses prouesses techniques et la mélancolie qui en ressort compensent pour des personnages superficiels et une histoire simpliste qui abuse des ellipses afin de paraître complexe. ***

samedi 29 août 2020

Films du jour: Life: Untitled, Lapsis (Fantasia)


En adaptant sa propre pièce de théâtre au cinéma, Kana Yamada propose avec Life: Untitled une plongée dans le monde de la prostitution. Un sujet fort au traitement qui laisse parfois à désirer tant la multiplication des personnages évoque la série destinée à la télévision et que l'ensemble, en faisant abstraction d'une introduction et une conclusion incendiaires, manquent d'assurance cinématographique. L'interprétation se révèle néanmoins alerte et la légèreté n'a aucune difficulté à côtoyer des moments plus graves. En location. ***

C'est également un premier long métrage de fiction qu'offre Noah Hutton avec Lapsis. Ce qui débute comme un fascinant récit de science-fiction fauché (sur le capitalisme, le monde du travail, la technologie qui est en train d'avaler tout rond l'être humain) se transforme en un simple épisode de Black Mirror, mis en scène avec soin mais au scénario limité et aux jeux de comédiens assez inégaux. En location. **1/2

vendredi 28 août 2020

Sorties au cinéma: Ne croyez surtout pas que je hurle, The Body Remembers When the World Broke Open, Tenet, Résistance: la police face au mur, Petit pays, Bill & Ted Face the Music


Les sensations fortes sont à l'honneur cette semaine dans un cinéma près de chez vous.

Le Cinéma Moderne frappe fort en présentant Ne croyez surtout pas que je hurle, le meilleur film de 2019. Dans ce chef-d'oeuvre (rien de moins), le réalisateur Frank Beauvais décrit son quotidien en utilisant 400 extraits de films, le combinant à une narration particulièrement poétique et politique. Comme quoi le cinéma permet réellement d'exister. ****1/2

Facilement un des meilleurs films canadiens des dernières années, The Body Remembers When the World Broke Open donne la parole à deux femmes autochtones qui ensemble, trouveront peut-être une façon d'améliorer leur existence. Le propos fort (mais non sans lourdeur) et la performance étincelante des actrices sont constamment relevés par une mise en scène de haut calibre d'Elle-Maija Tailfeathers et Kathleen Hepburn qui utilise de longs plans afin de mieux cerner les tourments des personnages. À ce sujet, la finale n'est rien de moins que bouleversante. À découvrir au Cinéma Moderne. ***1/2

Tenet: Christopher Nolan sauvera-t-il le septième art? Il essaye beaucoup avec cette effort complètement cinglé, qui ne fait aucun sens sur le plan scénaristique mais qui est gorgé de tellement de Cinéma qu'on ne peut passer à côté. Fascinant et déconcertant à la fois. ***1/2

Résistance: la police face au mur de Charles Gervais fait face aux beautés et aux pièges qui attendent de plus en plus les documentaires québécois. Il y a d'abord ce sujet ambitieux raconté avec passion par Fady Dagher, le directeur du service de police de Longueuil, qui cherche à changer les mentalités. Puis il y a ce format télévisuel qui empêche de rentrer en profondeur et qui limite grandement la forme cinématographique. ***

Petit pays: Éric Barbier est une énigme. Même si ses films ont évolués du pastiche (Le serpent, Le dernier diamant) à quelque chose de plus nourrissant (La promesse de l'aube), le résultat se laisse toujours attendre, embourbé dans la lourde démonstration qui ne fait qu'une bouchée de l'émotion. C'est le cas à nouveau de ce long métrage techniquement soigné qui se déroule au Burundi dans l'ombre du génocide rwandais. Le scénario condense les événements pour ultimement faire triompher la violence, tardant à imposer sa marque si ce n'est dans la direction d'acteurs souvent non-professionnels. **1/2

Bill & Ted Face the Music: C'est un troisième tour de piste routinier qu'offre notre duo de choc. Malgré deux comédiens qui se plaisent toujours autant à jouer ensemble et une réalisation acceptable de Dean Parisot, le scénario comporte bien peu de moments cultes ou simplement hilarants. À voir en programme double avec Tenet. **1/2

Films du jour: Tezuka's Barbara, Me and Me (Fantasia)


Osamu Tezuka n'est pas simplement le père d'Astro et autres héros pour enfants. Il a également offert des séries de mangas pour adultes comme Barbara, qui s'inspire directement des Contes d'Hoffmann. Son fils Makoto vient de l'adapter au cinéma, avec un résultat plus ou moins convaincant. Magnifiquement mis en image par Christopher Doyle et bénéficiant d'une superbe partition jazz, cette méditation sur le désir et la création sent malheureusement trop l'exercice de style tant les enjeux sont réduits à leur plus simple expression et que les personnages manquent de consistance. Ce soir à 17h. **1/2

Beaucoup plus réussi est l'énigmatique Me and Me, première réalisation de l'acteur Jung Jin-young, qui plonge un policier dans une enquête qui le dépasse largement. Fable sur l'inconscient et l'identité que n'aurait pas renié David Lynch, cette oeuvre intrigante ponctuée de ruptures de tons assez marquées est menée par d'excellents interprètes et un ton relâché où rien n'est ce qu'il semble être. ***1/2

jeudi 27 août 2020

Suggestion Fantasia: Time of Moulting


Présenté ce soir à Fantasia, Time of Moulting de Sabrina Mertens aurait sans doute eu sa place au FNC. Il s'agit d'un film d'auteur volontairement statique où chaque image ressemble à un tableau et où l'absence de rythme permet de mieux saisir les fantômes du passé. Cela n'empêche pas l'essai, visuellement époustouflant (les lieux délabrés deviennent les métaphores des personnages), de prêcher par sa suffisance, annonçant un mélange entre Akerman et Haneke pour n'offrir parfois qu'une variation intellectuelle de Paranormal Activity. ***

Film du jour: My Days of Mercy

Ellen Page et Kate Mara s'investissent corps et âme dans My Days of Mercy de Tali Shalom Ezer. Dommage que cela soit un peu en vain tant l'histoire d'amour lesbien finit par éclipser celle, beaucoup plus intéressante, sur la peine de mort. Le duo arrive pourtant à donner vie à ce récit pas toujours relevé, qui se conclut dans le mélo. En vidéo sur demande. ***1/2

mercredi 26 août 2020

Suggestion Fantasia: I WeirDo

Tourné à l'aide d'un iPhone, I WeirDo de Liao Ming-yi est le film parfait pour la pandémie: Une comédie romantique drôle et mignonne sur deux obsessifs-compulsifs qui ont peur des germes et donc du monde environnant. À mesure que le récit avance, certaines perspectives s'élargissent... au même titre que le format de l'écran. Mais ironiquement, alors que la beauté prend de plus en plus de place, le long métrage devient extrêmement mélancolique dans sa façon de traiter la normalité, jusqu'à faire émouvoir abondamment tant son interprétation est fine et son sous-texte, quoique prévisible, d'une grande limpidité. ***1/2

Film du jour: Tenet

Ça y est, Tenet, le film le plus attendu de 2020, censé sauver le septième art des effets de la pandémie, prend l'affiche ce soir. À quoi ressemble la bête?

À une oeuvre malade et complètement cinglée, comme si Christopher Nolan a voulu parodier sa filmographie entière, et Inception en particulier. D'un concept d'inversion du temps qui n'est pas sans rappeler celui de Terminator et Minority Report, le cinéaste s'est amusé à tout complexifier à outrance... ou de donner l'impression de rendre abscons ce qui est simple. Finalement, il a réalisé sa version de James Bond et Mission: Impossible en respectant ses conventions et ses clichés, développant une intrigue rocambolesque en les remplissant, volontairement ou pas, de ses propres tics. On ne compte plus les bavardes scènes de marches dans la ville où un personnage explique à notre héros ce qui se passe et ce qu'il doit faire. Comme toujours c'est lourd, sans subtilité, l'émotion est absente, le rôle de la femme en enragera plus d'un et les personnages monolithiques déambulent sur l'échiquier comme des simples pions, leurs interprètes forçant généralement la dose (Kenneth Branagh se prend pour Herzog, Robert Pattinson ressemble de plus en plus à une version angélique de Klaus Kinski, John David Washington a déjà paru plus expressif, etc.).

On imagine déjà le cinéphile vouloir revoir encore et encore ce long métrage soit-disant cérébral, pour en extraire une thèse de philo métaphysique afin de rendre limpide les tenants et aboutissants. C'est pourtant le contraire qu'il faut faire. Le scénario est tellement tarabiscoté, construit comme un vulgaire palindrome (comme le titre du film, Tenet, qui se lit dans les deux sens), qu'il faut seulement se jeter dans le vide et goûter le cinéma avec un grand C, débarrassé de sa logique scénaristique (une histoire doit aller du point A au point B) ou celle, tout aussi chimérique, que c'est la «psychologie» des personnages qui fait toute la différence. Il n'y a pas de ça ici. Que des scènes d'action à couper le souffle (mais un poil moins spectaculaires que ce qui se retrouvait dans Dunkirk et les Batman), une succession de séquences (re)présentées à reculon, une musique omniprésente de Ludwig Göransson (encore là, tout en hommage à celles de Hans Zimmer), une photographie éblouissante de Hoyte van Hoytema et un montage renversant de Jennifer Lame. Et c'est déjà beaucoup. La technique viscérale est tellement puissante qu'on ne peut qu'adhérer à la proposition. On ne parle plus d'un film, mais d'un objet de cinéma, une expérience comme il s'en fait peu, à vivre sur grand écran et dans une salle IMAX si possible.

Comme Inception avant lui, Tenet n'est pas tant un suspense d'espionnage qu'une oeuvre sur le cinéma. L'opus grandiloquent d'un génie conscient de son talent, d'un prestidigitateur (The Prestige?) qui se plait à manipuler son public afin de rappeler le pouvoir infini de son médium. Peu importe le titre du projet, c'est Christopher Nolan qui en est la vedette, le Protagoniste, pour le meilleur comme pour le pire. Celui-là même qui est parvenu depuis plus d'une décennie à faire rimer film populaire avec film d'auteur. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre que lui, à Hollywood ou ailleurs, capable d'obtenir un budget de 250 millions de dollars et d'en faire qu'à sa tête, au sein d'une superproduction qui n'est ni une suite, un remake ou une variation sous fond de super-héros? Le tout en proposant une trame narrative nébuleuse qui ne ressemble à rien d'autre et qui s'écarte constamment des chemins formatés afin d'explorer encore et encore? Le résultat, à la fois fascinant et royalement dingue, foudroyant de virtuosité visuelle, divertit allègrement et fait rire haut la main... surtout si l'on ne prend pas tout au pied de la lettre. C'est là qu'on découvre, entre maints clins d'oeil (de North by Northwest à Casablanca) qu'il ne s'agit, en fin de compte, qu'un simple remake de Memento, sans doute le meilleur film en carrière de son metteur en scène.

Difficile à dire si Tenet sauvera le cinéma. Mais entre ce type de production ambitieuse, imparfaite mais qui ose tellement de choses en rappelant l'essence même de son art, que de simples téléfilms qui sortent chaque semaine sur Netflix et compagnie en donnant toujours tout cuit dans le bec à son public (sauf exception, évidemment), Nolan aura toujours préséance, même si l'on trouve - à raison - son style pompeux et prétentieux. Surtout qu'on pourra voir, dans ce cas-ci, comment il tente déjà de remonter le temps de la pandémie en dotant ses héros de masques et d'une mission de sauver la planète...

mardi 25 août 2020

Suggestion Fantasia: Vertigo

Découverte dans l'inoubliable Han Gong-ju, l'actrice Chun Woo-hee mène une carrière plus qu'enviable, surprenant par ses excellents choix de films. Elle est le coeur et l'âme de Vertigo de Jeon Gye-soo, qui dresse le portrait dépressif et empreint de solitude de quelques individus aliénés et isolés dans une Corée du Sud patriarcale et déconnectée. Non sans longueurs, le récit alterne entre les silences révélateurs et le désir poétique de liberté qui est porté par une agréable trame sonore. Et si les quelques effets stylisés à la Requiem for a Dream cadrent mal avec l'ensemble (tout comme le spectre du mélo), ses élans romanesques et sa finale surprenante ravissent. ***

Film du jour: Tito

C'est un singulier premier long métrage que propose Grace Glowicki avec Tito. La cinéaste se glisse dans le rôle-titre: celui d'un homme angoissé qui est incapable de nouer une relation avec les autres. Puisant aux sources de l'horreur autant que du buddy movie sous fonde de drogues, le film rappelle que l'on peut être minimaliste et cinématographique tout à la fois, posant un regard pénétrant sur l'anxiété. Et si le court récit peut paraître ténu et même agressant à ses heures, c'est pour donner toute la place à son protagoniste dont les chorégraphies expressionnistes envahissent l'écran. En vidéo sur demande. ***1/2

lundi 24 août 2020

Suggestion Fantasia: Woman of the Photographs

Facilement un des meilleurs films que l'on pourra voir cette année à Fantasia, Woman of the Photographs est un premier long métrage extrêmement maîtrisé de la part de Takeshi Kushida, qui ne manque de payer hommages à Kobo Abe et Shohei Imamura. Cette histoire tordue entre un photographe muet et une femme qui arbore une cicatrice baigne dans l'érotisme latent, interrogeant la notion de solitude et d'identité à une époque où le faux ne fait qu'une bouchée du vrai. Un grand cru qui laisse entrevoir plein de couches et où il faudra voir plus loin que son symbolisme un peu accaparant. Disponible à la carte. ****

Film du jour: Benjamin

Comédie romantique sur les soubresauts du coeur, Benjamin de Simon Amstell n'est pas là pour révolutionner quoique ce soit. Il s'agit d'une bluette sympathique qui ne se distingue ni par son scénario prévisible ni par sa mise en scène assez académique. Il y a toutefois des répliques savoureuses à revendre, des situations authentiques qui font sourire et une jolie distribution de jeunes comédiens peu connus. En vidéo sur demande. ***

dimanche 23 août 2020

Films du jour: Chasing Dream, My Punch-Drunk Boxer (Fantasia)

Après quelques années d'inactivité, Johnnie To est de retour avec Chasing Dream, une comédie kitsch ultra sucrée qui allie musique et boxe. Un divertissement amusant lorsqu'il se contente d'être drôle et ludique, mais lassant et très quelconque lorsque le désir d'être pris au sérieux apparaît au tournant. Dommage que la pandémie oblige le visionnement en ligne, parce que c'est dans la salle de cinéma parmi le public que le long métrage aurait véritablement pris son envol. **

Dans la même veine mais beaucoup plus réussi est le film coréen My Punch-Drunk Boxer qui mélange les genres avec délectation, passant par une large gamme d'émotions tout en permettant à son réalisateur Jung Hyuk-ki d’asseoir une véritable signature visuelle. Dans les deux cas, l'hommage à Rocky est à l'honneur. Tout dépend si l'on préfère la satire au ton plus sensible et humain. ***1/2

samedi 22 août 2020

Entrevue L'angle mort

C'est incompréhensible que Fantasia n'a pas mis la main sur L'angle mort, un des meilleurs films de genre français des dernières années. J'ai pu m'entretenir avec ses créateurs Pierre Trividic et Patrick-Mario Bernard où nous avons discuté de fantastique, de solitude et d'invisibilité. Mon entrevue se trouve sur le site de Cinéfilic.

Films du jour: A Witness Out of the Blue, A Hero Never Dies (Fantasia)

Louis Koo est un excellent acteur. Il le prouve à nouveau dans A Witness Out of the Blue d'Andrew Fung, où il incarne un voleur qui cherche à prouver son innocence. Malgré une performance complexe, il ne peut sauver ce script pas toujours inspiré où des touches d'humour douteuses saupoudrent un suspense inutilement complexe aux scènes d'action répétitives. C'est ironiquement lors des moments les plus posés que les personnages peuvent prendre de l'épaisseur et que l'humanité apparaît. **1/2

Sans doute que le réalisateur aurait dû demander conseils à Johnnie To, l'expert du genre. Dans son «classique» A Hero Never Dies de 1998 qui s'inspire autant de Sergio Leone que de John Woo, le cinéaste filme une incroyable amitié entre deux tueurs de clans ennemis. Après une première partie souvent hilarante parsemée de moments d'anthologie, le récit repart sur des nouvelles bases, insufflant une âme insoupçonnée. ***1/2

vendredi 21 août 2020

Sorties au cinéma: Lumière!, La virgen de agosto, L'angle mort, La bonne épouse, Les Rose, The Prey, Rustic Oracle

Le cinéma français et québécois se partagent les salles cette semaine au Québec...

Lumière!: C'est une impressionnante oeuvre d'art que propose Thierry Frémaux avec ce documentaire assemblé de vieux films des frères Lumière. Entre l'hommage aux créateurs qui étaient également des cinéastes et objet de mémoire sur l'époque, l'essai informe et amuse tout à la fois. Seul bémol: la voix off omniprésente qui empêche parfois de bien profiter de la richesse des images. ***1/2

La virgen de agosto: Impossible de ne pas vouloir s'envoler vers Madrid en regardant cette douce chronique de Jonas Trueba. Le temps s'arrête littéralement au sein de ce récit à la Rohmer, obligeant une femme (magnifique Itsano Arana) à repenser son existence. De quoi y adhérer totalement malgré quelques longueurs. Disponible virtuellement dans quelques cinémas. ***1/2

L'angle mort: Les films sur la figure de l'homme invisible se suivent sans se ressembler. Celui-ci concocté par Patrick-Mario Bernard et Pierre Trividic s'apparente à une lente réflexion mélancolique sur la solitude et la marginalité. Un traitement profond et original, d'une forte densité cinématographique.  

La bonne épouse: Martin Provost (Séraphine, Violette) est de retour avec une nouvelle oeuvre féministe, cette fois plus légère, ludique et comique. Un plaisir éphémère qui se savoure grâce à la performance truculente de ses actrices, Juliette Binoche en tête. *** 

Les Rose: En racontant l'histoire de sa célèbre famille, Félix Rose parle surtout du Québec à une époque cruciale. Celle de son entrée à l'âge adulte (les années 60), la crise d'Octobre et ses répercussions dans l'imaginaire collectif. Bien qu'un peu long et tardant à trouver son rythme, le documentaire ne peut qu'intéresser avec ses archives et ses témoignages probants. ***

The Prey: Remarqué grâce à Jailbreak, Jimmy Henderson renoue avec le genre sanglant avec ce long métrage cambodgien qui embrasse tous les clichés du genre (on pense à Hard Target qui serait croisé avec The Raid). On y retrouve pourtant un savoir-faire technique évident, des scènes d'action à couper le souffle et une bonne dose d'humour qui permet à cette sympathique série B de s'élever quelque peu du lot. Offert virtuellement dans quelques cinémas et en vidéo sur demande dès le 25 août. ***

Rustic Oracle: La disparition et le meurtre des femmes autochtones au Canada a donné de très bons documentaires, dont Ce silence qui tue de de Kim O'Bomsawin. Sonia Bonspille Boileau (Le dep) traite ce sujet important par le filtre de la fiction, avec un mélange de bonheurs (actrices touchantes, réalisation sobre) et de maladresses (musique abondante, abus de ralentis, onirisme appuyé), donnant surtout le goût de (re)voir ce qui a été fait auparavant. **1/2

Films du jour: Special Actors, Crazy Samurai Musashi (Fantasia)

Ce n'est pas la pandémie qui arrêtera Fantasia. Jusqu'au 2 septembre, le plus sanglant festival de cinéma québécois va se déployer virtuellement, offrant des oeuvres à dates/heures fixes et d'autres que l'on pourra regarder selon notre bon vouloir

C'est hier que les festivités furent lancées avec The Reckoning de Neil Marshall. Mais le film que tout le monde attendait fut toutefois Special Actors de Shinichiro Ueda. Dans cette délirante comédie, le pouvoir de «faire croire» est plus fort que tout, alors que des acteurs tentent de percer à jour les desseins d'une secte. Charmant, amusant et intelligent, le récit méta peuplé de personnages attachants est parsemé de surprises (parfois prévisibles, comme la finale à la Fincher), compensant largement pour ses moments relâchés et son humour qui fait plus sourire que rire réellement. ***

Quiconque a vu l'incroyable One Cut of the Dead, le premier long métrage d'Ueda, ne voudra pas manquer Crazy Samurai Musashi de Yuji Shimomura, qui offre un long plan séquence de 77 minutes où un samouraï (Tak Sakaguchi, en grande forme) tient tête à près de 600 hommes! Écrit par Sion Sono, cet exercice de style haletant et volontairement essoufflant sent la gimmick à plein nez (évidemment que le héros combat 3-4 adversaires pendant que les autres les regardent, ne se faisant pratiquement jamais attaquer de dos, les morts s'écartent de la caméra et on reconnaît même quelques figurants qui reviennent littéralement à la vie). Pourtant une forme de transcendance finit par émaner du procédé, où les répétitions laissent place à une sorte d'abstraction et d'aliénation. **1/2

jeudi 20 août 2020

Film du jour: The King of Staten Island

Judd Apatow signe son film le plus mature en carrière avec The King of Staten Island, qui est malheureusement passé un peu inaperçu à cause de la pandémie. (Universal)

C'est quoi? Un jeune homme mésadapté voit mal le béguin soudain de sa mère pour un pompier.

C'est comment? Le mélange d'humour et de drames est au point, au détour d'un scénario doux-amer qui évoque les fantômes du 11 septembre 2001. Tous les interprètes - et spécialement Pete Davidson dans le rôle titre - s'avèrent épatants.

Et pourtant? Il y a comme toujours chez le réalisateur quelques longueurs, des détours plus moralisateurs et d'autres conservateurs.

Techniquement? Les images soignées regorgent de détails, de textures et de couleurs. Les pistes sonores riches et immersives privilégient les dialogues.

Suppléments? Cette édition comporte un blu-ray, un dvd et une copie numérique. Outre une rigolote piste de commentaires du cinéaste et de l'acteur principal (enregistrée sur Skype avec une connexion qui fait parfois défaut!), on retrouve deux conclusions différentes, des scènes ratées, un bêtisier, une bande-annonce et la possibilité d'entendre directement quelques répliques mémorables. On peut également accéder à un documentaire sur le tournage, des notes de production et une multitude de courts segments portant sur les comédiens, l'univers des pompiers, etc.

Au final? Judd Apatow propose avec cette oeuvre drôle et mélancolique son long métrage le plus intéressant depuis des lustres. Toutes ses obsessions sont là, dosées un peu différemment, ce qui est loin d'être une mauvaise chose. ***1/2

mercredi 19 août 2020

Film du jour: A Year of the Quiet Sun

Lion d'or à Venise en 1986, A Year of the Quiet Sun de Krzysztof Zanussi relate les difficiles secondes chances d'un Américain et d'une Polonaise dans l'après-guerre. Tour à tour sombre et lumineuse, cette romance bouleversante campée dans des décors stupéfiants est mené par la performance incandescente de Maja Komorowska. Malgré l'ombre du mélo ou le spectre du spectacle plus académique, le long métrage arrive à inscrire son propre chemin personnel et cinématographique. ****

mardi 18 août 2020

Entrevue La bonne épouse

Juliette Binoche s'amuse beaucoup dans La bonne épouse, le nouveau récit féministe de Martin Provost (Séraphine). J'ai pu rencontrer l'actrice et le réalisateur lors d'un séjour à Paris et mon entrevue est à lire dans le journal Métro.

Film du jour: I Only Want You to Love Me

Ce qui est bien de Rainer Werner Fassbinder, c'est que même les titres obscurs de sa filmographie s'avèrent très souvent des pépites d'or. C'est le cas de I Only Want You To Love Me (1976), un projet destiné à la télévision et qui porte sur l'aliénation d'un homme face aux moeurs de la société qui le pousse sans cesse à consommer. Avec ses jeux de miroirs élaborés et sa réalisation morcelée, cette histoire œdipienne donne froid dans le dos tant elle s'avère toujours pleinement d'actualité. ****

lundi 17 août 2020

Film du jour: Un jour, le Nil

À la base, cette coproduction égypto-soviétique de 1964 fut une oeuvre de propagande qui a échappé à son réalisateur Youssef Chahine. Mais il existe une copie approuvée par son cinéaste, intitulée Un jour, le Nil, qui se suit comme une saga maussade sur la fin des illusions, des modes de vie d'hier et d'amour malheureux. Un cinéma de grande liberté, qui multiplie les intrigues et les personnages jusqu'à plus soif, baignant le récit d'une voix hors champs en total décalage avec ce qui se passe. Lorsque les mots abondent, il faut se fier aux images et à la naïveté d'un geste artistique qui fait fi des intentions politiques.

dimanche 16 août 2020

Film du jour: Only Angels Have Wings

Only Angels Have Wings (1939) aurait pu être l'ultime film romantique, alors que le coeur de Cary Grant est disputé à la fois par Jean Arthur et Rita Hayworth. Mais Howard Hawks en a décidé autrement, développant une histoire beaucoup plus sombre et tragique sur un clan masculin (des aviateurs qui mettent constamment leur vie en jeu) qui tente de faire des grandes choses en milieu hostile. Le tout se déroulant sur un terrain de jeu parsemé d'ombres et de prouesses cinématographiques. Un grand plaisir d'aventure et de suspense. ****

samedi 15 août 2020

Sorties au cinéma: Crash 4K, L'oiseau bariolé, Femme(s), La fille au bracelet, SpongeBob Movie - Sponge on the Run, House of Cardin, Les blagues de Toto, Unhinged

Les films qui font «mal» sont nombreux à prendre l'affiche cette semaine au cinéma...

Crash: Sans aucun doute LE chef-d'oeuvre de David Cronenberg, ce récit qui a fait scandale à Cannes en 1996 n'a pas perdu de son pouvoir d'évocation dans sa façon de lier le sexe à des accidents d'automobiles. Voilà la symbiose parfaite afin de ramener un peu de sensations à des êtres déshumanisés. À redécouvrir de toute urgence en 4K. ****1/2

L'oiseau bariolé: S'il y a un long métrage qui bénéficie du grand écran, c'est bien cette spectaculaire adaptation du roman de Jerzy Kosinski par Vaclav Marhoul. Les images en noir et blanc, éblouissantes, en mettent plein la vue, alors que la longue durée du récit (près de trois heures) cumulent les scènes sanglantes et insoutenables se déroulant pendant la Seconde Guerre mondiale. L'effet de saturation ne tarde cependant pas à survenir, et c'est à se demander si le cinéaste ne verse pas dans le sadisme gratuit. Un peu comme l'aurait imaginé Lars von Trier en refaisant Come and See. ***1/2

La fille au bracelet: Inspiré d'une histoire véridique, cette création de Stéphane Demoustier pose son regard sur le procès d'une jeune femme de 18 ans, accusée du meurtre de sa meilleure amie. Sans passion ni ennui, ce récit prenant à ses heures - merci la musique - est porté par de très bons interprètes (Roschdy Zem, Chiara Mastroianni, Anaïs Demoustier) souvent sous-utilisés, ce qui n'aide pas toujours à renforcer la psychologie des personnages. ***

Femme(s): En donnant la parole à des milliers de femmes de 50 pays différents, ce documentaire d'Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand éclaire largement sur leurs combats quotidiens. Intéressant et pertinent, l'essai qui célèbre la dignité et la résilience ne manque parfois que d'un réel regard cinématographique afin de sortir du lot. ***

SpongeBob Movie: Sponge on the Run: Pour sa troisième aventure au cinéma, Bob l'éponge revient en CGI au sein d'une intrigue passe-partout mais efficace, agrémentée de valeurs collantes sur l'amitié mais également d'un rêve complètement cinglé. Les enfants risquent d'aimer. *** Critique

House of Cardin: Ce documentaire sur le célèbre couturier Pierre Cardin avait un sujet en or et des archives de choix pour faire des grandes choses. Dommage que l'effort réalisé par P. David Ebersole et Todd Hughes se contente de visiter des lieux communs sans rien remettre en question. Au contraire, le ton est constamment à l'admiration, à la louange du sujet. **1/2

Les blagues de Toto: Qui n'a jamais rit en entendant les blagues de ce classique de la culture populaire francophone? Et hop, quelques plaisanteries et on passe à autre chose. Sauf que d'élaborer un long métrage entier sur les illuminations d'un jeune garçon ne peut fonctionner et le projet de Pascal Bourdiaux, techniquement satisfaisant, fait rapidement bailler aux corneilles par son absence d'enjeux. **

Unhinged: Mais que vient faire Russell Crowe dans cette série B violente de Derrick Borte? Parce qu'en méchant psychopathe, l'acteur en fait des tonnes et se démène dans une oeuvre barbare et prévisible comme il y en a des tonnes. **  Critique

Film du jour: The Lone Ranger

Il n'y a rien de plus difficile que de prédire le succès d'une superproduction hollywoodienne. Pour des navets qui se déclinent en suites, il y a des divertissements potables qui mordent la poussière. C'est un peu le cas de la nouvelle adaptation The Lone Ranger, qui s'est complètement cassé la gueule en 2013. Vrai que le réalisateur Gore Verbinski a tenté de refaire une énième version de Pirates of the Caribbean et que l'ensemble est beaucoup trop long, violent et répétitif. Sauf qu'il y a tout de même de belles idées scénaristiques (sur le sort accordé aux autochtones, l'inclusion du narrateur peu fiable) au détour d'un plaisir coupable hilarant et explosif, qui en met plein la vue et les oreilles dans sa première partie et lors d'une finale particulièrement décoiffante. **1/2

vendredi 14 août 2020

Film du jour: 24 Frames

Prendre la réalité pour y greffer des éléments de fiction afin de se rapprocher au plus près de la vérité. Telle est la démarche de l'oeuvre d'Abbas Kiarostami qui utilise par l'entremise de son essai 24 Frames (2017) une peinture et des photographies en les faisant littéralement vivre à l'aide d'effets numériques! Le résultat, enchanteur et rafraîchissant au possible (les animaux et la neige y sont omniprésentes), aurait eu sa place dans une installation de musée. Le cinéaste construit des petites histoires de 4 minutes et demi en créant des liens insoupçonnés entre les segments. Jusqu'à un dernier plan bouleversant - celui de sa propre vie, puisqu'il est décédé en cours de production - qui rappelle que le cinéma continue longtemps après la mort. ***1/2

jeudi 13 août 2020

Film du jour: Ride With the Devil

Réalisé entre ses extraordinaires The Ice Storm et Tigre et dragon, Ride With the Devil (1999) a toujours été le film mésestimé d'Ang Lee. Sans être un grand cru (scènes de combats brouillonnes, dialogues appuyés), cette exposée intime et ambitieuse à la fois de la guerre de Sécession comporte son lot d'immenses qualités, dont une photographie majestueuse et des personnages complexes, qui prennent sens lors de moments calmes et révélateurs. Comme toujours chez le cinéaste, la dynamique familiale l'emporte sur l'histoire et l'époque. Puis il y a le casting hétéroclite (Tobey Maguire, Skeet Ulrich, Jeffrey Wright, la chanteuse Jewel, Jonathan Rhys Meyes, Jim Caviezel, Jonathan Brandis, Tom Wilkinson, Mark Ruffalo), un des plus étranges de son époque. ***

mercredi 12 août 2020

Film du jour: Brand Upon the Brain!

Brand Upon the Brain! est certainement le film qui résume le mieux la carrière de Guy Maddin. En puisant au sein même de sa passion des films muets (ici le mythe du vampire est à l'avant-plan), le cinéaste canadien arrive à faire revivre le passé, le mêlant à ses obsessions personnelles afin de faire rejaillir un univers de possibles. Cela se fait ressentir sur le plan formel, médusant de la première à la dernière image, où la poésie surréaliste finit par triompher d'une noirceur angoissante que n'aurait pas renié Edgar Allan Poe. ****

mardi 11 août 2020

Film du jour: Lucky Grandma

Après Crazy Rich Asians et The Farewell, c'est au tour de Lucky Grandma de Sasie Sealy de prouver que le cinéma sino-américain a de beaux jours devant lui. Dans cette comédie noire sous fond de gangsters, une grand-mère se met le crime organisé à dos! Le scénario assez simple n'est souvent qu'un prétexte pour laisser l'irrésistible Tsai Chin chialer et s'exprimer. Alors que les clichés sont sur le point de prendre le dessus, une gravité insoupçonnée et des personnages secondaires bien dessinés font leur apparition, se greffant à un récit au rythme endiablé et à la mise en scène assurée. Disponible en vidéo sur demande. ***

lundi 10 août 2020

Les Misérables (dvd)

C'est le temps de célébrer avec la sortie dvd de Les Misérables, un des meilleurs longs métrages francophones des dernières années. (TVA Films)

C'est quoi? Lorsqu'un drone filme une bavure policière, une cité française risque de s’enflammer.

C'est comment? Sujet fort, réalisation musclée de Ladj Ly, acteurs convaincants: il s'agit d'un brûlot implacable dont la finale inoubliable marquera les esprits.

Et pourtant? La symbiose n'est pas parfaitement au point entre la première partie plus humoristique et la seconde cauchemardesque, entre le style réaliste et l'autre inspiré par le cinéma américain.

Techniquement? Les images demeurent soignées et réalistes, alors que la piste sonore mouvementée met à l'avant les dialogues (il y la possibilité d'insérer des sous-titres anglais).

Suppléments? Aucun.

Au final? 25 ans après le film culte La haine, la banlieue redevient le sujet d'un opus flamboyant et nécessaire, à ne manquer sous aucun prétexte. ****


Film du jour: She Dies Tomorrow

S'il y a un long métrage qui capte parfaitement l'air du moment, c'est bien She Dies Tomorrow de l'actrice Amy Seimetz. Fuyant toute narrativité classique pour embrasser un flux d'idées et de sensations, ce fascinant, radical et déroutant drame existentiel que n'aurait pas renié David Lynch rappelle à quel point l'anxiété généralisée finit par happer les certitudes, créant un trou béant dans l'âme dont les effets effroyables s'apparentent à un véritable film d'horreur. Disponible en vidéo sur demande. ***1/2

dimanche 9 août 2020

Film du jour: La religieuse

Interdit lors de sa sortie (1966), La religieuse est une adaptation rigoureuse du chef-d'oeuvre de Diderot, alors que Jacques Rivette pousse l'enfermement à son paroxysme (espace clos exigu, musique de circonstance) tout en recourant à des schémas théâtraux qui allaient faire sa renommée. C'est surtout un espace de jeu pour laisser triompher le talent d'Anna Karina, dont le personnage représente toutes ces femmes en quête de liberté qui se font avaler par le patriarcat. Le résultat, puissant, hante allègrement. Aujourd'hui à la Cinémathèque québécoise (à guichet fermé). ****

samedi 8 août 2020

Film du jour: Le voyage des comédiens

Immense chef-d'oeuvre de Theo Angelopoulos, Le voyage des comédiens (1975) est une tragédie sur la Grèce moderne, alors que les destin d'acteurs arpentant la nation de 1939 à 1952 s'apparentent à ceux des Atrides. Face à cette Histoire forcément tronquée par les autorités, le réalisateur y répond par un récit puissant doté d'une grammaire cinématographique exemplaire, qui multiplie les plans vertigineux en prenant son temps pour pondre une chronique hors du commun. Rarement une odyssée aura été aussi importante. *****

vendredi 7 août 2020

Sorties au cinéma: Chambre 212, A Girl Missing, Peninsula, The Burnt Orange Heresy, Divorce Club

Lorsque le cinéma américain se retire des écrans, cela permet à d'autres pays - comme la France, le Japon et la Corée du Sud - de triompher dans des genres très différents.

Chambre 212: Christophe Honoré n'a pas perdu la main. En traitant comme souvent chez lui de sujets graves (l'usure des sentiments amoureux) par la légèreté, il propose un conte magique et fantaisiste parsemé de fantômes, constamment relevé par le brio de ses comédiens et la vivacité de sa mise en scène. Un grand crû, assurément. ****

A Girl Missing: Koji Fukada (Harmonium) aime les héros ambigus. Dans son plus récent opus, il confronte une infirmière dévouée à un drame qui risque de détruire sa réputation. Frustrant et fascinant tout à la fois, cette oeuvre fragmentée qui en dit long sur le Japon contemporain obsède par sa structure narrative éclatée et la forte prestation de Mariko Tsutsui.  ***1/2

Peninsula: Cette suite spirituelle à l'acclamé Train to Busan s'apparente à un Mad Max: Fury Road coréen chez les zombies. Une déflagration pleine d'action, de sang et de pathos, dont les sous-entendus sociaux (réfugiés, capitalisme sauve) sont atténués afin d'offrir encore plus de poursuites spectaculaires. Yeon Sang-ho reprend du service derrière la caméra et s'il n'a rien perdu de son savoir-faire technique, il devrait peut-être mieux utiliser son grand talent pour revenir au cinéma d'animation dont il était un des porte-étendards. ***

The Burnt Orange Heresy: Cette adaptation laborieuse du roman de Charles Willeford sur le vol d'une peinture souffre d'un rythme laborieux et d'une réalisation prétentieuse de Giuseppe Capotondi. Malgré une interprétation sentie (hormis celle de Mick Jagger, impossible à prendre au sérieux), le récit n'intéresse qu'à parcimonie, se concluant sur des coups de théâtre ridicules. **

Divorce Club: Quoi, cela se fait encore des comédies régressives et douteuses sur des hommes qui se croient tout permis - sur la vie, les femmes - lorsqu'ils sont déprimés et que l'alcool coule à flot? Bienvenue dans la nouvelle comédie poussive de Michaël Youn qui ne fait pratiquement jamais rire et qui traite par la superficialité et la banalité le moindre de ses thèmes importants. **

Film du jour: Un temps pour vivre, un temps pour mourir

Premier chef-d'oeuvre d'Hou Hsiao-hsien, Un temps pour vivre, un temps pour mourir (1985) est une oeuvre sur sa jeunesse, mêlant constamment le personnel au politique à travers une mise en scène fabuleuse qui rend aisément vivant le passé. Pour une fois que ce type de récit ne verse pas dans la mélancolie. Au contraire, le cinéaste se détache d'une narration consensuelle pour donner sens à ses lieux et personnages qui hantent longtemps à la fin du visionnement... et de ceux qui suivront. ****1/2

jeudi 6 août 2020

Film du jour: Izzy Gets the F*ck Across Town

Une jeune femme cherche à reconquérir son amoureux lors d'une longue journée dans Izzy Gets the F*uck Across Town, un long métrage plus ou moins convaincant de Christian Papierniak. La première partie coincée au sein d'excès adolescents tape rapidement sur les nerfs, alors que la seconde plus mélancolique fonctionne mieux. Si la plupart des rencontres qu'effectuent l'héroïne ne sert qu'à faire la morale sur l'engagement et le destin, Mackenzie Davis livre tout de même une prestation habitée dans le rôle titre. **1/2

mercredi 5 août 2020

Entrevue Christophe Honoré (Chambre 212)

Christophe Honoré
a retrouvé la forme. Après son émouvant drame Plaire, aimer et courir vite, le voici de retour avec Chambre 212 (au cinéma ce vendredi), un conte fantaisiste profond et léger à la fois sur les tourments du coeur. Je me suis entretenu avec le cinéaste français et mon entrevue se trouve dans le journal Métro d'aujourd'hui.

Film du jour: Images

Lorsque Robert Altman flirte avec le suspense horrifique, cela donne Images (1972), un proche cousin du Repulsion de Polanski, obligeant son héroïne - et le spectateur - à constamment analyser ce qui arrive afin de déterminer si l'on se trouve dans la réalité. Amusant et dérangeant tout à la fois, magnifiquement filmé par le grand Vilmos Zsigmond et bénéficiant d'une trame sonore angoissante de John Williams, cette réflexion sur les souvenirs, la santé mentale et le désir d'émancipation d'une jeune femme offre un rôle mémorable à Susannah York. ****

mardi 4 août 2020

Film du jour: Good Bye, Lenin!

Immense succès public et critique à sa sortie en 2003, Good Bye, Lenin! de Wolfgang Becker joue à fond la nostalgie dans sa façon de faire côtoyer l'Allemagne de l'Est et de l'Ouest lors de la chute du mur de Berlin. Et bien que le film ne manque pas d'émotion et de tendresse (rarement une trame sonore - celle de Yann Tiersen - aura joué un rôle aussi important), on en oublie trop souvent la finesse de son scénario et l'humanité de son interprétation. À tel point qu'on revisite le long métrage avec ce même sentiment de bonheur et de fébrilité. **** 

lundi 3 août 2020

Film du jour: Yuli

Récit d'apprentissage classique doublé d'une histoire vraie plutôt prévisible sur l'essor difficile d'un jeune danseur qui a subi les affronts de son père, Yuli d'Iciar Bollain vaut peut-être le détour pour la toile de fond cubaine et la qualité de ses chorégraphies. Pour le reste, il s'agit d'un voyage consensuel que l'on a pu voir des dizaines de fois. **1/2

dimanche 2 août 2020

Les films préférés de... Erwan Le Duc

Dès son premier long métrage Perdrix, Erwan Le Duc a su développer un style bien à lui, mêlant la fine exploration de personnages à la poésie magique. Je l'ai rencontré plus tôt cette année (mon entrevue) et je lui ai demandé quels étaient ses films préférés...

« Il y en a énormément. Ma culture de cinéma remonte à l'adolescence et il y avait quelque chose d'assez français. À chaque fois que je venais à Paris, je passais mon temps dans les salles de cinéma, parce que on avait la chance à Paris d'avoir beaucoup de salles et de films. Je passais mon temps à aller voir différents trucs sans trop savoir ce que j'allais voir. Je me souviens d'une journée où j'avais vu à la fois Les nuits fauves de Cyril Collard et puis un film d'Éric Rohmer, L'arbre, le maire et la médiathèque, sans connaître du tout Éric Rohmer. Ça m'avait fait un choc. (rires) Je suis sorti de la salle à la médiathèque, avec Fabrice Luchini, et je ne l'ai pas revu ce film, mais il m'avait un peu traumatisé. J'étais sorti de là en me disant «Qu'est-ce que c'est que ça?».

Après, je dirais... Wes Anderson, surtout sur la Famille Tenembaum qui est un film que j'aime beaucoup. C'est celui que je préfère. Il y a aussi Takeshi Kitano que j'aime beaucoup, Aki Kaurismäki. Ce qui m'intéresse chez eux, c'est comment ils arrivaient à fabriquer quelque chose de très singulier, chacun dans leur univers, et comme ils s'autorisaient ça. C'est pour ça que je parle de Moretti aussi, parce qu'il a comme ça cette capacité, cette liberté-là, qu'il impose et ça m'intéresse toujours. »

Film du jour: Nuestras Madres

Caméra d'Or en 2019, Nuestras Madres de César Diaz (monteur des films de Jayro Bustamante) est un premier long métrage extrêmement émouvant sur la résilience de femmes survivantes à la guerre civile au Guetamela. Tourné comme un documentaire, le récit alterne entre les images évocatrices et les paroles libératrices, offrant une mise en scène limpide et une interprétation bouleversante à cet important travail de mémoire. ****

samedi 1 août 2020

Les meilleurs films de... juillet 2020

D'excellents films ont pris l'affiche au mois de juillet. Voici ceux qui méritent d'être considérés pour le palmarès de fin d'année...

- First Cow

- Nuestras madres

- Cancion Sin Nombre

- Perdrix
(critique)       (entrevue)

- Les siffleurs

- Le jeune Ahmed

- In My Blood It Runs

Film du jour: Bérénice

Transposer le chef-d'oeuvre Bérénice au cinéma n'est pas une sinécure. Raoul Ruiz respecte le puissant texte de Racine en optant pour une mise en scène épurée, dont les détours théâtraux sont accompagnés d'exquises images en noir et blanc. Le procédé pourrait paraître vieillot, son traitement  quelque peu monotone ne manque pas d'élégance, rajoutant en filigrane une conversation entre l'héroïne et ses proches, dont les apparitions en ombres évoquent les sceptres et les fantômes. Un essai à découvrir gratuitement sur le site de la Cinémathèque française. ***