La révolte des
oubliés
Près d'un quart de siècle après
la sortie du film culte La haine,
voici que prend l'affiche Les misérables
de Ladj Ly qui risque de marquer autant les esprits.
En 1862 était paru Les misérables, le classique de Victor
Hugo qui mettait notamment en lumière les injustices qui se déroulaient à
Montfermeil, en banlieue de Paris. « Toutes ces années plus tard, la misère est
toujours présente sur ce territoire », laisse savoir Ladj Ly, interrogé en marge du festival de Toronto.
En 2008, le réalisateur français
y a filmé une bavure policière qui allait faire le tour du web, devenant le
sujet d'un court métrage puis de ce premier long qui a remporté le Prix du Jury
à Cannes et représente la France aux Oscars. « Ce n'est évidemment pas le
quotidien de toutes les cités, évoque-t-il avec soulagement. Mais j'ai grandi à
Montfermeil et c'était comme ça en pire. »
Construit comme de véritables
montagnes russes, le récit débute par un état des lieux, alors qu'un nouveau
flic découvre la banlieue en compagnie de deux collègues plus expérimentes. Une
immersion qui ne manque surtout pas d'humour, parce que «c'est important de
signaler que malgré les difficultés, les gens continuent à rire », rappelle le
cinéaste.
Puis arrive une bourde policière,
filmée par la population locale, qui met le feu aux poudres, soulevant la
jeunesse qui n'est plus écoutée par personne. Il n'y a alors rien pour arrêter
cette pression qui va à crescendo, prête à exploser à chaque moment, notamment
lors de cette conclusion coup de poing particulièrement violente.
Ladj Ly est issu du documentaire
et cela paraît. Le metteur en scène tourne souvent en plans
séquences, avec une caméra près des gens, rendant sa fiction la plus réaliste
possible. Il aime autant le cinéma revendicateur de Costa-Gavras et social de
Spike Lee que celui plus humaniste de Raymond Depardon et les polars américains,
de Sidney Lumet à Training Day.
« Mais j'ai surtout envie de
filmer comme j'ai envie, sans qu'il y ait de règles à respecter », avoue le
principal intéressé.
Tout en admettant que cette
version des Misérables risque de se
décupler sur plusieurs volets (il a en tête un biopic sur un ancien maire de Clichy-sous-Bois), Ladj Ly est
surtout habité d'un désir d'aider les jeunes de sa cité, ce qui l'a amené à
créer une école de cinéma à Montfermeil.
« C'est une envie de transmettre
ce qu'on a pu apprendre et former cette nouvelle génération. C'est important
aujourd'hui que ces gens s'expriment, qu'ils puissent raconter leurs histoires.
Que ça ne soit pas encore que des gens de l'extérieur qui viennent raconter des
histoires qui sont très souvent dans les clichées. »
***
« Dans le monde entier, il y a
plein de ghettos, des gens qui se sentent isolés, qui ont du mal à joindre les
deux bouts. La misère est universelle. » - Ladj Ly, qui n'est pas surpris que
son film Les misérables rencontre le
même écho peu importe le pays où il est présenté.
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