Pendant toute sa carrière, Gus Van Sant n’a pourfendu qu’une seule
obsession majeure : celle de la marginalité. Son œuvre, qui se compose en
cycles assez inégaux, se trouve sur une belle spirale depuis le tendre Gerry en 2002. Il faut cependant être prêt pour ses derniers
récits. Malgré sa Palme d’Or, Elephant
en a laissé plusieurs de glace. Et que
dire de ce Last Days qui a irrité au plus haut point les fans de
Nirvana? C’est justement dans cette mouvance que s’inscrit le poétique Paranoid Park qui déambule sur le fil
de la vie.
Le titre renvoie à un parc de la région de Portland où les adolescents
aiment bien faire du skate-board. Sauf que pendant une fin de semaine, un agent
de sécurité est retrouvé mort près d’une voie ferroviaire. La police enquête,
cumule les témoignages et les soupçons se portent sur Alex (Gabe Nevins), un
adolescent de 16 ans. Entre sa vie normale à l’école et ses relations amicales,
amoureuses et familiales avec ses parents en instance de divorce, le jeune
homme prend soin d’écrire les faits et gestes des dernières journées…
Le réalisateur de l’époustouflant Drugstore
Cowboy a toujours aimé les
contrastes et il se dépasse pour son ce long métrage qui a pris part à la
sélection officielle du Festival de Cannes de 2007. Tout y est en demi-teinte,
en équilibre instable entre la beauté et la laideur. Le scénario a été inspiré
par le roman de Blake Nelson et cela paraît par cette utilisation de la voix
hors champs. Cependant, le récit cumule les ellipses temporelles, s’avérant
toujours cinématographique.
Déjà au générique de l’inutile remake de Psycho du même Gus Van
Sant, l’excellent directeur de la photographie Christopher Doyle oublie son
travail remarqué au côté de Wong Kar-Wai pour épouser un style carré et même
cubique, multipliant les longs plans séquences et ceux qui demeurent sans
mouvement. Sa capacité de capter le cadrage parfait en clair obscur (en 35mm)
au réalisme lourd de sens se marie étonnamment bien à ce support en super 8 qui
permet de filmer sur un skate-board. Lorsque la caméra est sur les planches à
roulettes, l’oxygène apparaît, la liberté est totale et la distribution semble
vouloir s’envoler comme des oiseaux hors de leurs cages.
Cette dualité entre le monde des adultes et celui des enfants
(l’adolescence?) se matérialise même sur les ingénieux choix musicaux. Le son
distille la mélodie, la rendant souvent bizarre et imprévisible. Lorsqu’une
scène possède un potentiel dramatique certain, un air plus léger et parfois
même humoristique se fait entendre, rappelant que les problèmes de la jeunesse
américaine est souvent futile face à la guerre en Irak et la pauvreté chronique
de l’Afrique.
Les figures de monsieur Good Will
Hunting sont souvent des
archétypes ambulants. Comme dans Elephant,
ce sont des gens qui se cherchent sans se trouver, qui errent pour grandir et
qui finissent par se mettre les pieds dans les plats. Lorsque les parents sont
absents ou impuissants, la quête de repères pourra en sauver – ou en perdre –
plus d’un. Rien de très nouveau de ce côté. L’interprétation est néanmoins
saisissante de réalisme. Afin d’être plus vrai que nature, le créateur du
jouissif To Die For a recruté ses
protagonistes par l’entremise de myspace,
ce qui offre au passage des gens au physique exemplaire qui n’ont pas à jouer
juste ou seulement à lorgner vers une large palette d’émotions.
Le cinéma de Gus Van Sant finit quelque peu par tourner un peu en rond.
Malgré sa mise en scène magistrale et son ton naturaliste, il y a peu de lieux
nouveaux qui sont explorés. Cela dit, les amateurs de sa phase plus expérimentale
trouveront à coup sûr leur compte. ***1/2
Présenté ce soir à la Cinémathèque québécoise.
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