samedi 31 octobre 2020

FNC: Out of the Blue


Décédée plus tôt cette année, Linda Manz aura marqué le cinéphile pour deux immenses rôles: Days of Heaven, évidemment, mais également Out of the Blue (1980) où elle campe une inoubliable adolescente en pleine crise existentielle. Une performance plus grande que nature qui donne toute la vigueur à ce film culte de Denis Hopper qui enchantait par son énergie brute et la trame sonore de Neil Young. ****

Sorties cinéma: Love Child, Oliver Sacks: His Own Life, Come Play, Beasts Clawing at Straws, Champions, La relève


28 jours plus tard et les cinémas québécois sont toujours fermés en zones rouges. Cela n'empêche pas les films de prendre l'affiche, en salles ou en vidéo sur demande. Voici les plus récentes nouveautés...

Love Child: Ce superbe documentaire suit une famille iranienne réfugiée en Turquie qui attend impatiemment de pouvoir s'envoler pour l'Amérique. En alternant les moments de suspense et ceux de la vie quotidienne où l'effet du temps se fait clairement ressentir, Eva Mulvad propose un essai complexe et bouleversant, qui ne cesse de remuer. ***1/2

Oliver Sacks: His Own Life: Filmé dans les derniers mois de son existence, ce chaleureux portrait du neurologue Oliver Sacks insuffle finesse et humanité à une figure hors pair. La mise en scène toute en retenue de Ric Burns insère l'homme dans son époque, laissant parler l'émotion qui ne tarde pas à couler à flot. ***1/2

Come Play: Que serait l'Halloween sans une nouvelle oeuvre horrifique? En adaptant son court métrage en long, Jacob Chase signe une création angoissante sur un garçon autiste qui se fait harceler par un monstre sortant tout droit d'écrans ! Classique mais efficace, cette méditation sur la solitude plaira à coup sûr aux amateurs du genre et de Babadook en particulier. *** Ma critique

Beasts Clawing at Straws: Plus sanglant est ce divertissement réalisé avec panache par Kim Yong-hoon qui, à l'instar des premiers opus de Guy Ritchie et Danny Boyle, rappelle que l'argent corrompt bien des gens. Bien que trop long et brouillon, l'ensemble ludique se veut particulièrement amusant. ***

Champions: En filmant deux athlètes souffrant de déficience intellectuelle (dont son propre frère), Helgi Piccinin propose un documentaire sensible et empathique, conventionnel dans sa structure mais non dénué d'inspiration. ***

La relève: Il y a un manque criant de vétérinaires loin des zones urbaines. Ce constat important patauge dans les morales, les lourdeurs et les bons sentiments au sein de cet effort de Julie Manoukian, où un récit platement filmé et écrit - évidemment que le clivage ville/village est martelé - sent les conventions à plein nez. **

Film du jour: The Nightingale

Jennifer Kent (The Babadook) frappe fort avec The Nightingale (2018), une oeuvre horrifique parsemée de viols et de massacres. Ce qui n'aurait pu qu'être une simple série B barbare sous fond de vengeance se transforme en hymne intense et mélancolique sur le colonialisme, alors que l'empire britannique doit affronter les conséquences de la souffrance qu'elle a perpétrée envers la minorité irlandaise et les peuples indigènes australiens. Une virée en Enfer qui vaut son pesant d'or, autant sur le plan cinématographique que celle de l'interprétation. ****

vendredi 30 octobre 2020

FNC: Êxtase, This is Not a Burial It's a Resurrection


Des documentaires sur l'anorexie, il y en a eu des dizaines. Mais aucun ne ressemble à Êxtase de Moara Passoni, où le spectateur pénètre littéralement dans la tête d'une adolescente de 15 ans. Immersif, introspectif, sensoriel et expérimental tout en demeurant les deux pieds sur terre, l'essai fascine et happe allègrement, se transformant parfois en oeuvre horrifique. Un tour de force cinématographique et humain, qui s'est mérité le Prix de l'innovation au FNC. ****


Se déroulant entre le monde tangible et celui invisible, This is Not a Burial, It's a Resurrection de Lemohang Jeremiah Mosese est un film fragile et envoûtant, porté par la dévotion de son inoubliable grand-mère (prix d'interprétation au FNC pour Mary Twala Thlongo) qui tente de ramener un peu d'humanité et de spiritualité à sa communauté. Imparfait lorsqu'il se tient dans le réalisme, l'effort qui traîne quelque peu en longueur séduit amplement lorsqu'il pose le pied du côté du mythe onirique, sortant des cancans afin d'offrir quelques moments qui marquent les esprits. Voilà un cinéaste à suivre de près. ***1/2

Film du jour: The Town That Dreaded Sundown

Avant de réaliser le remarqué Me and Earl and the Dying Girl, Alfonso Gomez-Rejon s'était commis pour Blumhouse sur The Town That Dreaded Sundown (2014), qui est à la fois un remake et une variation méta du film d'horreur culte de 1976. Comportant aucun réel frisson, l'exercice un peu laborieux sur le plan du scénario et de l'interprétation amuse toutefois à ses heures tant la parodie à la Scream est poussée à son paroxysme. Déjà là, on voyait un cinéaste maîtriser les codes du genres en offrant une mise en scène clinquante. **1/2

jeudi 29 octobre 2020

FNC: The Shepherdess and the Seven Songs, Bad Roads


Aujourd'hui, le Festival du nouveau cinéma rime avec du cinéma féminin et féministe.

Cela commence en force avec The Shepherdess and the Seven Songs de Pushpendra Singh, l'adaptation d'écrits du 14e siècle qui deviennent la parfaite métaphore de la situation au Cachemire et du désir d'émancipation et de liberté de sa vigoureuse héroïne. D'un esthétisme à couper le souffle, cette création évocatrice au rythme posé enchante allègrement par sa poésie, ses chansons et sa magnifique nature parsemée de moutons. ****

En transposant sa propre pièce Bad Roads, Natayla Vorozhbit traite des relations malsaines entre l'Ukraine et la Russie. Sombre et violent, le récit parfois insoutenable n'en demeure pas moins lourd à ses heures. L'interprétation intense ne fait qu'un avec le propos, important et verbeux, dont la mise en scène étudiée a conservé les rudiments théâtraux, pour le meilleur comme pour le pire. ***

Film du jour: Lucky Chan-sil


C'est ce soir que débute la 7e édition du Korean Film Festival Canada, qui se déroulera en ligne jusqu'au 30 novembre. On pourra notamment découvrir Lucky Chan-sil de Kim Cho-hee, une charmante comédie romantique et existentielle sur les difficultés d'une productrice à se remettre de la mort de son réalisateur vedette. Sensible et spirituelle, cette oeuvre sur la vie et le septième art évoque le cinéma de Hong Sang-soo en plus accessible. Le long métrage prend également «l'affiche» au Cinéma Moderne. ***1/2

mercredi 28 octobre 2020

FNC: Il n'y a pas de faux métier, Tout simplement noir


Olivier Godin est certainement un des meilleurs dialoguistes du cinéma québécois. Il le prouve à nouveau avec Il n'y a pas de faux métier, son film le plus ambitieux et soigné en carrière, où une plume drôle, sensible et acérée permettent à une multitude de personnages excentriques de prendre réellement forme. Éclaté et imprévisible, l'ensemble en est un de trop plein, à la fois d'intrigues et de destins, de mots et de types d'humour exploré. À tel point que c'est justement cette tendance à ratisser si large, à traîner en longueur, qui en fait son charme. ***1/2

Faux documentaire sur un homme qui cherche à organiser une marche de contestation noire en France, Tout simplement noir est une comédie irrésistible de Jean-Pascal Zadi et John Wax. Drôle, engagé et divertissant, le récit est peuplé de moments absurdes souvent hilarants. Si seulement l'ensemble était poussé un peu plus loin, cela lui aurait permis de réellement marquer les esprits. Bien que la réalisation ne casse rien, elle est entièrement au service des interprètes qui s'amusent avec leur image. L'idéal pour entamer une discussion sur la question. ***

Film du jour: Laurin


C'est dans un univers ensorcelant comme un rêve que se déroule Laurin, la fresque trop peu connue que Robert Sigl a réalisé en 1989. Non seulement une fillette doit faire le deuil de sa mère, mais elle assiste également à la disparition d'enfants. Mêlant horreur et psychanalyse, ce récit sur le regard bénéficie d'une photographie exceptionnelle et d'une forte présence de la jeune protagoniste qui devient littéralement une femme sous nos yeux. ****

mardi 27 octobre 2020

FNC: DAU. Natasha, Judy Versus Capitalism, The Republics


Le projet DAU. défie l'entendement. C'est l'époque soviétique qui est reproduite dans un des plus grands studios européens. Pendant plus de 10 ans de production et 700 heures de rushes, acteurs et non-acteurs défilent au détour de 15 films qui mélangent fiction et documentaire! Un de ceux-ci est Natasha, du nom de l'employée d'une cantine qui passera un mauvais quart d'heure à cause de ses fréquentations. Cette expérimentation n'en est pas seulement une pour l'équipe, mais également pour le spectateur qui vivra des séances de beuverie, de sexe et de violence - simulées ou pas - dans des décors aseptisés d'un naturalisme hallucinant. La réalisation volontairement figée comme le système en place permet réellement de se rapprocher des personnages œuvrant dans ce microcosme et la première demi-heure pas nécessairement agréable ou engageante laisse place à une étrange fascination, autant pour le récit de plus en plus écrasant que l'Histoire artistique qui s'en dégage. C'est à essayer à ses risques et périls, mais il n'y aura rien de plus ambitieux cette année. ***1/2

En l'espace d'une heure seulement, Mike Hoolboom dresse avec Judy Versus Capitalism le portrait de l'activiste Judy Rebick dans ses luttes féministes, notamment pour le droit à l'avortement. Passionnant, le documentaire intimiste s'attaque au patriarcat en revendiquant sa liberté, qui est justement offert par une forme cinématographique expérimentale et sans compromise, séparée en chapitres. Lorsque le sentiment d'un flottement ou d'excès stylistiques se fait ressentir, une nouvelle idée est mise en valeur, renforçant la densité de l'essai. Grand prix de la Compétition nationale du FNC. ***1/2

Sur un mode encore plus introspectif se trouve The Republics de Huw Wahl, un documentaire portant sur le poète Stephen Watts. Centré autour de ses champs d'intérêt (langage, mémoire, archéologie, etc.), l'effort pourrait paraître hermétique aux non-initiés. Alors mieux vaut ne pas trop analyser et se laisser porter par la voix de l'auteur et les enveloppantes archives qui passent sans cesse du passé au présent afin d'accéder à un autre univers. ***

Film du jour: Green Room

Avant que Netflix détruise sa carrière, Jeremy Saulnier avait tout un parcours. Suite à son excellent Blue Ruin, le cinéaste américain a répliqué en 2015 avec Green Room, un récit de survie tendu qui n'est pas sans rappeler les classiques de Boorman et de Carpenter. Lorsqu'un groupe de musique s'isole afin de résister à des méchants, la tension ne peut qu'exploser au visage. Celle qui est accompagnée d'hémoglobine et de scènes dérangeantes. Prévisible, le récit n'en est pas moins extrêmement efficace, gracieuseté d'une mise en scène assurée et d'un casting irréprochable. ***1/2

lundi 26 octobre 2020

FNC: Wim Wenders Desperado, A Yellow Animal


Avec Wim Wenders, Desperado, Eric Friedler et Campino consacrent un documentaire éloquent au monstre sacré du septième art, revenant sur ses plus grands succès (Paris, Texas et Les ailes du désir, évidemment) et ses échecs (relation difficile avec Francis Ford Coppola à l'époque d'Hammett, pourquoi aujourd'hui il excelle davantage dans le documentaire que la fiction). Sans être complet ou novateur, l'ensemble ne manque pas d'intérêt et son montage s'amuse à inclure le cinéaste dans ses propres oeuvres. ***

Le cinéma est également le coeur de A Yellow Animal de Felipe Bragança, alors qu'un jeune réalisateur ferait n'importe quoi pour réaliser un film. Voilà une odyssée assez incroyable qui mélange les fantômes du passé et les possibilités de l'avenir, créant une foudroyante métaphore du Brésil d'aujourd'hui. L'ensemble séparé en chapitres s'avère un peu bordélique et l'intérêt va-et-vient constamment. Sauf que son réalisme magique à la Jodorowsky et, surtout, sa façon un peu naïve de rêver le monde d'aujourd'hui en font un objet hors norme. ***

Film du jour: A Cure For Wellness


Après l'échec de Lone Ranger, Gore Verbinski a voulu retourner au cinéma d'épouvante qui a lancé sa carrière (le remake de The Ring) avec A Cure For Wellness (2017), qui a toutefois été décrié par le public et la critique. Une injustice parce que ce film trop long ne manque pas d'ambition, débutant dans les conventions - c'est presque un hommage à tous les films d'horreur à succès - avant de perdre complètement la tête en multipliant excès grotesques et stylistiques. L'ensemble ne fait jamais peur, mais il divertit diablement ***

dimanche 25 octobre 2020

FNC: Conference, Khamsin


Le FNC se termine dans une semaine et il y a encore des titres majeurs comme Conference d'Ivan Tverdovsky. En s'intéressant aux conséquences de la prise d'otage du théâtre Dubrovka, le cinéaste russe signe son meilleur film en carrière. Délaissant les aspects politiques pour leur préférer les considérations humaines, cette fiction intense et rigoureuse utilise la parole afin de libérer les âmes. La mise en scène ponctuée de longs plans ajoute à l'impact et au recueillement. ****

C'est également dans le souvenir que se développe généralement Khamsin de Grégoire Couvert et Grégoire Orio. De superbes mélodies post-rock deviennent le symbole d'un Liban entre guerre et paix, dont la complexité n'échappe pas à ses habitants. L'essai brut et artisanal ne manque surtout pas de poésie, de clairvoyance et d'effets cinématographiques. Lauréat du Prix des nouveaux alchimistes. ***1/2

Film du jour: I See You


Ce n'est pas parce qu'on sait jouer avec sa narration en cumulant quelques surprises que cela donne un bon film. C'est le cas de I See You d'Adam Randall, qui mélange l'horreur, le suspense policier et le drame familial. Après un début prometteur qui flirte avec le fantastique, le scénario vire du tout au tout, multipliant les invraisemblances jusqu'à se terminer dans la farce. La réalisation vigoureuse avec la musique dans le tapis ne peut racheter la pauvreté de l'intrigue et l'interprétation figée, qui ne permet nullement à Helen Hunt de briller. **1/2

samedi 24 octobre 2020

FNC: Atlantis, Maggie's Farm


Fable écologique se déroulant dans une Ukraine ravagée,
Atlantis est un tour de force de Valentyn Vasyanovych, qui réalise cet impressionnant long métrage tout en scénarisant, montant et s'occupant de la photographie. Comme celle qu'il a assuré sur le mémorable The Tribe, le long plan - cette fois généralement fixe - mène le bal, permettant de marquer l'individu (pratiquement tous des non-acteurs exposés à la guerre) dans son environnement tout en jouant avec la notion de temps. Cela donne des moments époustouflants de beauté et de poésie. Ce procédé austère a toutefois tendance à entraver un peu la démarche tant la mécanique, apparente, peut nuire à la force des dialogues. Mais jamais pendant très longtemps. Lauréat de la Louve d'or. ***1/2

Le long plan fixe et l'importance du temps qui passe sont également à l'honneur dans Maggie's Farm du vénérable James Benning, qui invite le spectateur à regarder réellement (déjà, c'est beaucoup) et à se créer un film à partir des images filmées. Évidemment, cela demande une concentration accrue à la maison, mais dès qu'on y arrive, l'évasion s'avère totale et on remarque ce qu'on ne voit malheureusement plus dans nos existences si rapides. ***  

Film du jour: Amulet


L'Halloween débute dans une semaine et d'ici là, il n'y aura pratiquement que des films horrifiques à l'honneur! Cela commence avec Amulet, le premier film de l'actrice Romola Garai sur le désir d'une vie meilleure d'un sans-abri qui est pris en charge par une religieuse et son entourage. Sinistre et inquiétant sans être réellement angoissant, ce long métrage parfait pour l'ère #metoo bénéficie d'une atmosphère étouffante et de vibrants acteurs. Cela est suffisant pour maintenir le scénario instable à flot, lui qui débute dans la suggestion pour se conclure dans l'abondance de références (Exorcist, Psycho, Babadook...) et la twist un peu trop encombrante. En vidéo sur demande. ***

vendredi 23 octobre 2020

FNC: Si c'était de l'amour, Sisters With Transistors


Si c'était de l'amour aurait pu être un documentaire comme les autres qui tente de dévoiler l'envers d'une pièce théâtrale. Le réalisateur Patric Chiha en a décidé autrement, filmant le personnel pour décrire l'universel tout en multipliant les liens entre la fiction et le réel. Cela donne un essai extrêmement cinématographique, qui plonge dans l'univers des raves en utilisant son essence - musique, mouvements - afin de décrire l'état des choses. Le résultat n'est rien de moins que vibrant... à condition évidemment d'avoir une prédisposition pour ce genre de spectacle. ***1/2

Avec Sisters With Transistors, Lisa Rovner s'intéresse plutôt aux pionnières trop souvent oubliées de la musique électronique en multipliant archives et entrevues. S'adressant autant aux fans qu'aux néophytes, le documentaire est riche en observations diverses. Il n' y manque toutefois que cette excentricité artistique qui aurait fait toute la différence en élevant l'ensemble au-dessus des conventions. ***

Film du jour: Coming Home Again


Après des débuts plus que prometteurs (Chan is Missing, The Joy Luck Club), Wayne Wang a erré, cumulant les projets oubliables. Le voici enfin de retour avec Coming Home Again, son film le plus satisfaisant depuis 25 ans (Smoke célèbre cette année son quart de siècle), où il filme une relation mère/fils avec retenue et beaucoup d'émotions. Minimaliste, sa mise en scène va droit au but, révélant allègrement l'âme de ses personnages... tout en faisant saliver les papilles gustatives! Présenté virtuellement dans quelques salles de cinéma. ***1/2

jeudi 22 octobre 2020

FNC: Servants, Apples, Night Has Come


Servants du Slovaque Ivan Ostrochovsky possède presque tout pour lui: un sujet en or qui confronte communisme et religion, des élans de film noir, une magnifique photographie en noir et blanc, un format d'image qui évoque l'enferment, de la musique stridente de circonstance. Cela a toutefois tendance à laisser le spectateur à l'extérieur de l'équation, lui qui admirera cet exercice lent et posé d'austérité (on pense parfois à Bresson) sans y participer réellement, sans s'y investir émotionnellement. Le climat d'étrangeté, l'ambiance étouffante presque horrifique et le scénario elliptique plaira toutefois aux amateurs des supérieurs Ida et Cold War. ***1/2

Plus doux et harmonieux est Apples de Christos Nikou, qui relate l'existence nouvelle d'un amnésique. Combinant le drame mélancolique à la comédie décalée, ce récit au rythme laborieux prend son temps avant de dévoiler ses charmes. Laissant tout le temps de l'analyser sur le plan politique, comme cette Grèce obligée d'écouter les instructions d'instances «supérieures» et qui désire seulement se reconnecter sur elle-même, ce présent qui permet de renaître. Puis vient une vague d'humanité qui rend l'âme plus légère et les yeux tristes. ***

L'oubli est également au coeur de Night Has Come de Peter Van Goethem, un essai sur la mémoire qui navigue allègrement entre les époques et les états d'esprit du narrateur. Ses mots peuvent parfois être trop envahissants, ils accompagnent néanmoins convenablement les étonnantes archives de la Cinémathèque royale de Belgique, déployant un univers unique et souvent anxiogène où un mystérieux virus détruit les souvenirs ambiants. Difficile d'être plus d'actualité. ***

Film du jour: His Master's Voice


On avait fait la découverte de György Palfi en 2002 avec l'unique Hukkle. Le cinéaste hongrois aime les oeuvres originales, comme en fait foi His Master's Voice, une adaptation du roman de Stanislam Lem (Solaris) qui mêle quête du père, récit de science-fiction, errance paranoïaque américaine et chronique des répercussions de la Guerre Froide. Dommage que la transposition verse trop souvent dans la satire confuse et absurde, s'éparpillant dans les effets spéciaux au lieu de rester au près de l'émotion existentielle. Surtout que la construction plus classique et narrative que d'habitude finit un peu par entraver sa propre voix. En vidéo sur demande. **1/2

mercredi 21 octobre 2020

FNC: L'enlèvement de Michel Houellebecq, Thalasso, Saint-Narcisse


Fiction très drôle tournée comme un documentaire, L'enlèvement de Michel Houellebecq de Guillaume Nicloux est parsemée de répliques hilarantes et spirituelles. Cela en faisait aisément un des longs métrages les plus intéressants de l'édition 2014 du FNC. ***1/2 

Sa suite Thalasso n'est pas aussi mémorable. Si l'on reconnait le style habituel de Nicloux, le scénario, lui, va d'errance en errance, ressemblant parfois plus à un film à sketchs. L'introduction s'avère bien rigolote et il y a plusieurs moments qui mélangent avec absurdité le méta fantastique et les réflexions mélancoliques sur la mort. Sauf que l'ensemble demeure un peu mou et inconsistant, comme cette rencontre entre Houellebecq et Gérard Depardieu qui ne produit pas toujours les étincelles souhaitées. ***

Entre deux projets plus «osés» (ou pornographiques), Bruce LaBruce tâte la fiction avec retenue, comme il en fait foi avec Saint-Narcisse. Cette fois il se prend pour Cronenberg ou Ozon, accouchant d'une histoire de doubles - donc d'identité et de dualité - tout en tentant de provoquer en s'attaquant au patriarcat et au clergé. Un vaste programme pour une création si gauche et maladroite, qu'il vaut mieux prendre pour une tentative comique ratée de blasphème enfantin. La superbe photographie de Michel La Veaux est aux antipodes avec l'interprétation monocorde et le scénario sans queue ni tête. *1/2

Film du jour: La fille prodigue


Le cinéma de Jacques Doillon est parsemé de relations père/fille troubles. Cela atteint une intensité presque insoutenable dans La fille prodigue (1981), un brillant drame psychologique qui entre littéralement dans la peau tant la caméra, près des corps, ne laisse aucun échappatoire. Tout est une question d'amour et de combats entre Jane Birkin, au sommet de son art, qui s'en prend littéralement à Michel Piccoli, plus vulnérable que jamais. ****

mardi 20 octobre 2020

FNC: Topside, The Tremor


En s'inspirant de gens qui habitent dans le métro de New York, Logan George et Celine Held signent avec Topside une fiction foudroyante, généralement à la hauteur d'enfant, où l'énergie familiale d'un Beasts of the Southern Wild serait mélangée à la peur de l'inconnu de Keane. Une oeuvre forte, encore davantage lorsqu'elle s'aventure loin de son terrain de jeu narratif. ***1/2

The Tremor de Balaji Vembu Chelli propose également la rencontre entre deux mondes, alors qu'un journaliste part à la recherche des survivants d'un séisme. Plus ancré dans le cinéma de genre, ce court long métrage extrêmement ténu vaut surtout pour son atmosphère vaporeuse et la beauté de ses paysages. Petit bémol: la trame sonore incongrue qui évoque parfois davantage la farce que la tension. **1/2

Film du jour: Cut Throat City


RZA persiste et signe avec Cut Throat City son long métrage le plus ambitieux en carrière, élaborant des ramification raciales et sociales au film de casse habituel. Sans doute que sa narration s'éparpille et qu'il ne fait pas dans la demi-mesure, mais sa mise en scène ne manque pas d'énergie et son casting soigné permet à des vieux de la vieille (Wesley Snipes, Terrence Howard, Ethan Hawkes) de se faire valoir aux côtés de jeunes acteurs prometteurs. En dvd/blu-ray et en vidéo sur demande. ***

lundi 19 octobre 2020

FNC: Shell and Joint, Poissonsexe


Parmi les nombreuses offrandes présentées au Festival du nouveau cinéma, Shell and Joint d'Isamu Hirabayasi sort clairement du lot. Il s'agit d'un étrange film concept à sketchs où des hommes et des femmes se mettent soudainement à raconter des histoires incroyables sous fond de mort et de sexe. Un pensum absurde et existentiel qui traîne volontairement en longueur (la notion du passage du temps est à la base de tout), répétitif lorsqu'il traite encore et toujours des insectes mais loin d'être dénaturé de charme et d'intérêt. Surtout que le soin esthétique et sonore s'avère constant. Une belle curiosité. ***

Presque aussi bizarre est Poissonsexe d'Olivier Babinet qui s'amuse à faire le grand écart entre la romance et le conte écologique, la comédie grivoise décalée et le drame mélancolique poétique. Ici aussi, les métaphores animales et sexuelles sont nombreuses, et si le scénario se contient constamment d'explorer à fond son potentiel, le charme de ses interprètes et la beauté de sa photographie emportent l'adhésion. ***

Film du jour: Castle in the Ground


Les toujours très crédibles Alex Wolff et Imogen Poots campent des comparses en manque de substances illicites dans Castle in the Ground. Inégal malgré une réalisation alerte de Joey Klein, cette histoire en dent de scie et pétrie de clichés débute mollement - malgré la présence de Neve Campbell - avant de trouver son rythme de croisière... puis s'écraser le nez sur le mur à la toute fin. Un scénario moins lourd et plus consciencieux auraient sans doute permis à ce récit d'apprentissage de sortir du lot. En vidéo sur demande dès demain. **1/2

dimanche 18 octobre 2020

FNC: Cocoon, Mamá, mamá, mamá


La métamorphose d'une chenille en papillon sert de métaphore à la transformation d'une fille en adolescente. Il ne faut surtout pas se fier à cette figure de style élémentaire afin de juger Cocoon de Leonie Krippendorff. Parce que ce récit d'apprentissage classique mais attentionné a beaucoup plus à offrir, que ce soit une jeune héroïne dont il est facile de se projeter, des thèmes traités avec doigtés, un surplus de sensibilité, des images baignées de soleil et une trame sonore appropriée. À tel point que l'on en ressort comblé. ***1/2

Dans la même mouvance se dresse Mama, Mama, Mama de Sol Berruezo Pichon-Rivière, un nouveau récit d'initiation au féminin qui se veut cette fois plus impressionniste. La disparition d'une fillette - et en filigrane le rapt d'enfants en Argentine - affecte une famille qui devra apprendre à demeurer unie. Une histoire ensorcelante, belle et terrifiante à la fois, aux ellipses certaines, dont la mise en scène hypnotisante et végétale rappelle les premiers opus de Sofia Coppola. ***1/2

Film du jour: Énorme


S'il y a un film qui mérite son titre, c'est bien Énorme, qui a remporté le prestigieux Prix Jean-Vigo. En traitant d'une grossesse surprise chez un des partenaires (et provoqué chez l'autre), Sophie Letourneur retourne les clichés et propose une comédie - mais est-ce vraiment une? - iconoclaste qui joue sur tous les registres - noire, satire, absurde, fantaisiste, malaisante, populaire et d'auteur - en surprenant constamment. Une fiction survoltée et délirante à bien des égards, qui peut bien déborder dans un sens comme dans l'autre, mais qui est interprétée finement par des comédiens aux antipodes et réalisée avec goût dans sa façon d'interpeller le réel (en allongeant notamment les scènes d'accouchement et en faisant appel à des non-acteurs). Comme quoi il ne faut pas toujours se fier à une certaine presse québécoise avant d'opter pour un cinéma décalé qui n'est pas nécessairement à prendre au pied de la lettre tant la farce est évidente, s'affichant notamment par ce ventre disproportionné. ***

samedi 17 octobre 2020

FNC: Drowsing City, Violation


Les histoires de vengeance sont nombreuses au cinéma. Drowsy City de Dung Luong Dinh ne sort pas du lot tant par son histoire prévisible que sa démonstration cinématographique gorgée de plans soignés et stylisés. Cruauté et silence font bon ménage dans ce récit sadique ancré sociologiquement où les animaux et les êtres humains passeront un mauvais quart d'heure. L'exercice lent et ténu qui ne traîne heureusement pas en longueur cumule avec une finale inoubliable. On ne verra plus jamais les poulets de la même façon. ***

La vengeance s'avère plus psychologique dans l'intense film canadien Violation, où il est question de consentement dans les rapports hommes/femmes. Solidement interprété par Madeleine Sims-Fewer (qui signe la réalisation aux côtés de Dustin Mancinelli), l'ensemble bénéficie d'une photographie particulièrement impressionnante qui ajoute aux mystères en place et qui fait mieux accepter les invraisemblances et les ellipses chaotiques. ***

Film du jour: I Am Greta


En alternant constamment entre la sphère privée et publique, le documentaire I Am Greta de Nathan Grossman permet de mieux cerner les combats de Greta Thunberg, surtout qu'on suit la jeune activiste «de l'intérieur». Quoique conventionnelle, la mise en scène intimiste ne manque pas d'émotion, utilisant une odyssée sur l'Atlantique comme métaphore de ses longues luttes, présentes et à venir. Il n'y a sans doute rien de mieux pour inspirer la jeunesse. Présenté dans les cinémas québécois hors des zones rouges. ***

vendredi 16 octobre 2020

FNC: Kill It and Leave This Town, The Book of Vision


Avec l'animation Kill and Leave This Town, le réalisateur polonais Mariusz Wilczynski invite le cinéphile aventureux dans sa tête. Et ce qui s'y trouve dépasse l'entendement! Cela ressemble parfois à un cauchemar surréaliste peuplé de délires inquiétants et d'images brutales. Une satire cinglante qui débute dans la provocation un peu facile pour ensuite humaniser quelque peu son propos. Le rythme ne s'avère pas toujours soutenu et il est facile de s'y perdre, sauf que l'odyssée demeure hors norme et elle se bonifie sans doute au fil des visionnements. ***

Tout aussi intrigant mais beaucoup moins réussi est The Book of Vision de Carlo S. Hinterman, qui pastiche le grand Terrence Malick (ici producteur exécutif) à coup de voix off, de caméras volatiles, de nature envahissante, etc. Malgré la qualité exceptionnelle de certaines images, on retient davantage sa lourdeur, son symbolisme de bas étage, sa naïveté chronique, son interprétation figée, sa dichotomie primaire entre le masculin/féminin et sa philosophie pseudo-spirituelle et existentielle qui finit par faire rire involontairement. **

Film du jour: Les chiens-loups


Après l'essai Alex marche à l'amour, le réalisateur Dominic Leclerc refait équipe avec le comédien Alexandre Castonguay qui retourne dans son patelin - Rouyn-Noranda - afin de monter la fable Les chiens-loups avec des enfants d'âge primaire. Joli et inspirant, ce documentaire sur la liberté ne manque pas de poésie, dévoilant autant le quotidien des jeunes âmes que la réalité de son authentique «professeur». En résulte un des essais québécois les plus touchants et enivrants des dernières années. Disponible sur la plateforme Tënk. ***1/2

jeudi 15 octobre 2020

FNC: Moving On, Sin La Habana


C'est un premier long métrage particulièrement réussi que propose Yoon Dan-bi avec Moving On. Ce qui n'aurait pu qu'être un récit d'apprentissage comme les autres devient une histoire tendre et souvent poignante sur la famille. Surtout que la fine mise en scène de la réalisatrice ne manque pas de sensibilité, prenant son temps de bien regarder et décrire ce qui se passe en faisant constamment confiance aux personnages, qui sont défendus par d'attachants comédiens. De la douceur sans mièvrerie, cela fait toujours du bien. ***1/2

Les cellules familiales présentées dans Sin La Habana de Kaveh Nabatian s'avèrent plus cyniques, alors qu'un danseur cubain séduit une Canadienne d'origine iranienne afin d'obtenir des papiers de citoyenneté et ainsi faire venir son amoureuse au pays. Débutant dans la surenchère stylistique et démonstrative, l'ensemble gagne graduellement en intérêt, se terminant par une conclusion particulièrement relevée. Et si le scénario n'est pas toujours très subtil, l'interprétation d'ensemble emporte l'adhésion. ***

Film du jour: Colossal Youth


Pedro Costas termine sa trilogie sur le quartier de Fontainhas avec Colossal Youth (2006), une oeuvre exigeante et renversante qui mélange les ombres du présent aux fantômes du passé. Ses âmes errent, les dialogues abondent, les magnifiques plans fixes regorgent de pénombre et le travail sur le son ne se veut rien d'autre que sidérant. L'odyssée hermétique ne sera évidemment pas pour tous, mais les chanceux ne verront plus jamais le cinéma de la même façon. ****

mercredi 14 octobre 2020

FNC: Wisdom Tooth, Oasis


Le destin d'un frère et d'une soeur prendra une drôle de tournure lorsqu'une troisième personne viendra aménager avec eux dans Wisdom Tooth, le très solide premier film de Liang Ming qui évoque le travail de Jia Zhang-ke et Lee Chang-dong. Campé dans le froid de l'hiver et bénéficiant de superbes trouvailles visuelles et sonores, le récit quelque peu tortueux dans sa sous-intrigue policière séduit amplement lorsqu'il se concentre sur ses fabuleux personnages, qui sont campés par d'excellents comédiens. ***1/2

Oasis d'Ivan Ikic est également porté par un troublant triangle-amoureux. Se déroulant dans un (véritable) institut psychiatrique et suivant trois de ces jeunes (véritablement) atteints de déficience intellectuelle, cette fiction célèbre l'authenticité à tout prix, oubliant quelque peu son script pour se rapprocher au plus près de ses personnages. Ces derniers errent généralement en silence, utilisant justement la fureur des sons et des bruits pour se faire valoir. Cela aurait pu être du même calibre que l'exceptionnel The Tribe si seulement l'ensemble ne traînait pas tant en longueur. ***

Film du jour: Riens du tout


Si l'on a l'impression que Cédric Klapisch s'est perdu ces dernières années, il faut revenir à ses premiers films pour se convaincre de son talent. C'est le cas de son premier long métrage Riens du tout (1992), une oeuvre chorale oubliable mais pleine d'entrain, qui séduit avec sa mise en scène musicale fortement inspirée de Tati et ses répliques qui font mouche. Le scénario satirique ne fait pas dans la subtilité et l'interprétation s'avère trop souvent inégale, mais quelques comédiens sortent du lot, que ce soit Fabrice Luchini,  Jean-Pierre Darroussin et Karine Viard. À voir sur le site de TFO. ***

mardi 13 octobre 2020

FNC: Uppercase Print, Lua Vermella


Moins (re)connu que ses camarades Christian Mungiu ou Cristi Puiu, Radu Jude demeure pourtant un des cinéastes roumains les plus importants de son époque. Il le prouve à nouveau avec Uppercase Print, une brillante docu-fiction se déroulant à l'époque de Ceausescu qui retrace un fait divers à l'aide de recréations de documents de la police secrète et d'archives kitsch de propagande. Très conceptuel et radical, le récit alterne entre la farce et le délire kafkaïen, finissant par donner froid dans le dos dans sa façon de décrire cette impitoyable machine paranoïaque. C'est peut-être un peu trop long, monocorde et répétitif, sauf que c'est voulu ainsi. ***1/2

Tout aussi imaginatif est Lua Vermella (Red Moon Tide), un long métrage minimaliste de Lois Patino qui révèle les mystères de la Galice, déjà à l'honneur de l'étonnant Viendra le feu. Cette région austère semble être le lieu de passage des vivants et des morts issus de contes et légendes d'une fulgurante beauté, que n'aurait pas renié Apichatpong Weerasethakul. La narrativité volontairement floue tient toutefois davantage de l'exploration formelle et elle en frustrera plus d'un. Surtout en ces temps obscurs où il n'est plus possible d'aller s'enfermer dans une salle de cinéma afin de vivre pleinement l'expérience ultime. ***

Film du jour: Totally Under Control


Le vétéran cinéaste Alex Gibney et ses coréalisateurs n'ont pas perdu de temps avant d'offrir un documentaire sur l'actuelle pandémie. À travers Totally Under Control, la gestion de la crise américaine est sévèrement critiquée à coup de faits implacables, d'intervenants incroyables et de réactions déplorables, rappelant tous les torts qui peuvent arriver lorsque la science n'est jamais écoutée. De nature journalistique, la technique demeure efficace à défaut d'être toujours cinématographique, et si l'ensemble traîne quelque peu en longueur avec sa finale bâclée, il demeure d'une importance capitale. Disponible en ligne. ***

lundi 12 octobre 2020

FNC: The Cloud in Her Room, La hija de un ladron


Il y a des films dont le pouvoir d’envoûtement est tel que l'on ne voudrait plus jamais en ressortir. C'est le cas de The Cloud in Her Room, le superbe premier long métrage de la cinéaste Zheng Lu Xinyuan, qui souffle tout avec sa magnifique photographie en noir et blanc. On y suit l'ennui d'une jeune femme qui cherche sa place dans le monde - et, par ricochet, celui de la Chine en éternelle reconstruction - en multipliant les errances. Face au spectre de la mort (ces cigarettes qui s'allument et se terminent presque en un clignement d’œil), c'est la vie qui est à l'honneur avec cette eau salvatrice. Le rythme volontairement relâché laisse la place à de soudaines et fulgurantes ébullitions de la mise en scène qui enchantent par leur poésie. Et si les références demeurent parfois trop visibles, on s'y love néanmoins avec délectation. Disponible jusqu'au 18 octobre. ****

C'est également un premier film que propose Belen Funes avec La hija de un ladron. La famille et surtout le patriarcat - donc l'Espagne en filigrane - en prennent pour leur rhume dans cette création énergique où une jeune femme fera l'impossible pour sauver ses proches. Trop similaire aux opus supérieurs de Ken Loach et des frères Dardenne, l'oeuvre pourtant sincère n'arrive jamais totalement à sortir du lot. Elle fait toutefois preuve de détermination et la jeune Greta Fernandez campe une merveilleuse héroïne, slalomant habilement entre les épreuves attendues qui se terminent sur une dernière scène crève-coeur. ***

Film du jour: Book Club

Des femmes du troisième âge s'émoustillent à la lecture de Fifty Shades of Grey et tentent de remettre du piquant à leur existence dans Book Club, une comédie à numéros de Bill Holderman qui croule sous les clichés, les morales collantes et les situations molles. Encore un long métrage qui pense qu'un casting prestigieux de vieilles têtes talentueuses - Diane Keaton, Jane Fonda, Mary Steenburgen, Andy Garcia, Don Johnson, Richard Dreyfuss - peuvent ressusciter la gloire d'antan. **

dimanche 11 octobre 2020

FNC: Desterro, Caught in the Net


Le cinéma brésilien a vraiment le vent dans les voiles, que l'on pense aux récents et excellents Bacurau et La vie invisible d'Euridice Gusmao. C'est au tour de Desterro, le premier film de fiction de la poétesse Maria Clara Escobar, de marquer les esprits. Sa dislocation de la famille nucléaire ne manque pas de radicalité et de clairvoyance, alors que le non-dit parle souvent plus que les mots, et où le travail sur l'image happe allègrement les sens dans sa façon d'évoquer le fantastique. Le tout pourrait s'avérer hermétique et c'est justement ce saut dans le vide qui force l'admiration, obligeant le cinéphile à se débarrasser de ses ornières afin de vivre pleinement le septième art. Et puis il y a cette scène de danse, la plus mémorable de l'année. ****

Sur le plan documentaire, Caught in the Net de Barbora Chalupova et Vit Klusak ne s'oubliera pas de sitôt. Des actrices majeures sont embauchées afin d'incarner derrière l'écran de l'ordinateur des fillettes de 12 ans qui tenteront de mieux comprendre le phénomène du harcèlement sexuel en ligne... et même de coincer quelques pédophiles au tournant! Se regardant comme un suspense, cet essai tchèque à la construction classique fait oeuvre utile et devrait presque être présenté dans les classes d'école malgré l'obscénité de certaines images. ***1/2

Film du jour: For a Few Dollars More

Un des films les plus amusants de Sergio Leone, For a Few Dollars More (1965) s'avère un divertissement exemplaire parsemé d'action et de rires. Entre Clint Eastwood et Lee Van Cleef qui se chamaillent à qui mieux mieux, Gian Maria Volonté en méchant sanguinolent, le réalisateur qui se plaît à multiplier les plans incroyables et la musique Ennio Morriconne qui enchante allègrement, il y a de quoi sourire du début jusqu'à la fin et ce, même si l'ensemble assez ludique ne possède pas l'étoffe des autres épisodes de la série. ***1/2

samedi 10 octobre 2020

FNC: Last and First Men, Siberia


En adaptant le roman d'Olaf Stapledon, le regretté compositeur Johann Johannsson propose avec Last and First Men une odyssée de science-fiction libre et philosophique, qui utilise des images sidérantes et une trame sonore renversante afin de créer un vortex hypnotique. À tel point que la narration de Tilda Swinton en devient vite superflue et redondante. Tout ce qu'on a besoin est d'embarquer et de se laisser porter par tant de stimulus. L'expérience en devient alors plus significative. ***1/2


Le réalisateur Abel Ferrara peut tout se permettre. En retravaillant à nouveau avec son alter-ego Willem Dafoe, il pousse la machine encore plus loin, jusqu'à la faire - volontairement? - dérailler. Quelques mois à peine après son joli et terre-à-terre Tommasso, on peut découvrir Siberia, un projet encore plus ambitieux qui peut se lire comme un pensum psychanalytique sur l'existence. Lourd et prétentieux avec son symbolisme de bas étage, assez navrant dans sa façon de représenter le féminin à l'écran, l'ensemble peut s'avérer vain s'il est pris au premier degré. Pourtant c'est bien l'oeuvre d'un cinéaste rebelle qui est présentée, celui-là même qui fait fi des conventions en exigeant un abandon complet du spectateur. Rien ne dit que ce dernier y trouvera une totale satisfaction, sauf qu'il sera happé d'images fantasmagoriques et d'une vision unique à la limite cauchemardesque qui aurait cependant dû être poussée davantage. **1/2

Film du jour: To Catch a Thief

Jouant à fond la carte de l'exotisme et de la romance, Alfred Hitchcock propose avec To Catch a Thief (1955) un de ses films les plus ludiques, cyniques et divertissants. En limitant le suspense au minimum, c'est pour mieux plonger dans le désir de changement de son héros: un voleur qui doit prouver son innocence. Il est incarné à la perfection par Cary Grant, qui forme avec Grace Kelly un couple mythique. Lorsque les deux roulent à toute allure dans les magnifiques paysages de la Riviera française, le long métrage se permet de ne plus regarder en arrière et de faire rêver, encore et encore. ****

vendredi 9 octobre 2020

Sorties cinéma: Sibyl, The Curse of Audrey Earnshaw


Avec la fermeture des salles en zones rouges (Montréal, Québec...), les nouveautés se font rares au cinéma. Il y a toutefois quelques films qui méritent le coup d'oeil et qui sont disponibles en ligne. Puis il y a toujours le Festival du nouveau cinéma qui se déroule numériquement jusqu'au 31 octobre...

Sibyl: Après son délicieux Victoria, Justine Triet confie un autre grand rôle à Virginie Efira, qui crève l'écran en psy qui se sert de la fiction afin de donner encore plus de sens à son existence. La mise en scène au montage élaboré qui cumule des nombreuses ruptures de tons est en parfaite osmose avec ce personnage plus grand que nature. Du bonbon. Présenté en ligne grâce au cinéma du Parc. ***1/2

The Curse of Audrey Earnshaw: Présenté cet été à Fantasia, ce western horrifique gothique de Thomas Robert Lee prend son temps pour construire un univers de peste et de gens isolés en y intégrant des sous-entendus de sorcellerie, de vampirisme et d'héritages déchus. Le tout étant baigné d'un visuel extrêmement soigné qui ne fait toutefois pas oublier la mise en scène parfois trop télévisuelle et l'interprétation quelque peu figée. Aucun grand frisson en vue, mais un regard qui mérite d'être suivi. Présenté sur quelques écrans de cinéma et en vidéo sur demande dès le 20 octobre. ***

FNC: Ondine


En détournant le mythe d'Ondine, Christian Petzold (Transit, Barbara) propose un drame romantique d'une folle beauté doublée d'une lettre d'amour puissante à Berlin. Malgré la transformation de l'architecture fantomatique des sentiments, le désir demeure entier et il trouve son chemin dans les dédales intérieurs de la vibrante Paul Beer, récompensée au dernier Festival de Berlin. À côté de ça, Shape of Water est de la petite bière. ***1/2

Film du jour: Lying and Stealing

Film de vols à l'ancienne qui mélange suspense, mensonges, humour et romance, Lying and Stealing de Matt Aselton n'est pas aussi mauvais qu'il aurait pu être. Le long métrage avait seulement besoin d'une réalisation conséquente et d'un meilleur personnage masculin (Theo James, quelle farce) pour que l'ensemble puisse s'élever haut-dessus de l'anonymat. **