Après l’énorme succès mondial de Apocalypse la 2e Guerre mondiale,
les cinéastes Isabelle Clarke et Daniel Costelle continuent à retourner dans le
temps. Ils s’intéressent cette fois à la Première Guerre mondiale, ce
conflit de tranchées extrêmement violents et barbares qui fête cette année son
100e anniversaire.
Comme toujours, c’est Mathieu
Kassovitz qui assure la narration. Nous avons pu rencontrer l’acteur et
réalisateur lors de son passage à Montréal.
Vous êtes un passionné d’histoire?
Non, pas du tout.
En voyant Apocalypse la 1ère
Guerre mondiale, vous avez pu y apprendre des choses?
Ah oui, plein de choses. Je n’y
connaissais rien.
C’est votre quatrième collaboration avec les deux réalisateurs? Selon
vous, pourquoi ils sont venus vous chercher?
Parce qu’ils cherchaient une voix
nouvelle. Ils voulaient toucher un public un peu plus jeune, rendre le film le
plus accessible possible à une jeunesse pour pas que les gens oublient.
Que sentiez-vous qui était différent avec cette collaboration-ci? Ils
voulaient quelque chose de nouveau?
Non, on a commencé un travail
avec La traque des nazis et au fur et
à mesure, on en a fait quatre séries. Donc il y a une continuité dans le
travail qui est tout à fait logique et normal.
Quelles sont les particularités au niveau de la narration?
Ils veulent raconter l’histoire
de la guerre et que le spectateur soit émotionnellement attaché à l’histoire,
avec un grand H et avec un petit h. Ce qu’ils m’ont demandé, c’est d’être le
plus humain possible.
Un travail de doublage comme celui-ci prend environ combien de temps?
Une journée par épisode. Donc
cinq jours en tout. Ce n’est pas grand-chose.
Sentez-vous que par rapport à d’autres conflits, comme la 2e
Guerre mondiale ou la guerre du Vietnam, on parle moins de la 1ère
Guerre mondiale? Car tous les problèmes que l’on vit présentement découlent de
cet événement…
Non, ce n’est pas qu’on en parle
moins. C’est qu’on a de moins en moins de survivants. Plus on va s’éloigner du
temps, plus on va perdre les témoins de ces guerres-là et moins on va en
parler. C’est pourquoi c’est important de se souvenir à travers ces images et
de ne pas laisser les images vieillir. Pour que ça soit toujours d’actualité et
qu’on se souvienne d’où on vient, pour comprendre où l’on va et pour comprendre
où on est.
Que pensez-vous du processus de colorisation des images et le fait de
rajouter des effets sonores?
Ces images-là sont difficiles à
voir. Elles sont vraiment dans un sale état. Si on les regarde dans l’état
qu’elles sont aujourd’hui, c’est impossible à voir. Et c’est impossible à voir
pour toute une génération. Parce qu’il n’y a pas de son, c’est noir et blanc,
c’est accéléré et on voit rien. Ce travail est essentiel. C’est un travail de
mémoire. Si on ne faisait pas ce travail-là, on oublierait ces images parce
qu’elles ne sont pas intéressantes à voir, à part au niveau historique. Mais à
un niveau émotionnel, il faut arriver à les remettre dans leur contexte et remettre
dans leur contexte, c’est leur donner de la couleur par exemple, c’est de leur
donner le son qu’il y avait à l’époque.
Il y a un sentiment de trahir ces images?
Non, parce que ce n’est pas comme
si on mettait des voix off ou on
choisissait des couleurs. Qu’on prenait un film de Chaplin et qu’on allait dire
qu’on veut que ça soit rouge. Et que comme il n’y avait pas de son, on va
mettre une musique différente. Non. Ce n’est pas des images d’artistes, ce sont
des images d’archives, faites par des reporters, par des journalistes, par des
gens qui pouvaient filmer ce qu’ils faisaient. C’était vraiment de la
documentation. Et cette documentation-là, si on peut la dépoussiérer, c’est
tant mieux.
C’est propre à toutes les guerres, mais on remarque encore plus après
avoir vu cette série que ce sont toujours les pauvres qui se battent…
Si les pauvres pouvaient prendre
des décisions, on ne partirait pas en guerre. Car ils savent comment c’est dur
d’être sur un terrain, de subir et de souffrir, d’être séparés de sa famille et
de changer de vie complètement. Les gens savent. Mais les dirigeants ne le
savent pas, car ils vivent une autre vie. Ça toujours été le cas et ça sera
toujours le cas.
Vous allez être des prochains Apocalypse?
Oui, tout à fait. Les réalisateurs
travaillent sur d’autres sujets, sur d’autres époques. Ils reviennent plus
proche de nous. Il y a tellement de choses à traiter. On a 100 ans de guerre
derrière nous. Tous les jours, de façon quotidienne, il n’y a que des guerres
depuis 100 ans et ça n’a jamais arrêté.
Et je ne pense pas que ça va s’arrêter…
Non. Mais c’est important de
l’observer et de se souvenir.
Prêter sa voix à cette série donne le goût de le refaire, pour d’autres
documentaires ou même des animations?
Oui. Ça peut donner envie. Mais
bon, je suis déjà content de participer à ces documents-là d’une manière ou
d’une autre. Comme ça, ça me permet de ne pas me taper des films compliqués à
faire. Tout est dit là-dedans.
Vous parlez de films compliqués. Comment se porte la carrière de cinéaste?
Ça va. Pour l’instant je suis
tranquille parce que je n’ai pas grand-chose à dire. Mais j’ai la chance de
pouvoir être acteur. Donc je gère ma vie autrement.
Il y a une certaine amertume avec les derniers projets, comme Babylon AD et L’ordre et la morale, où vous avez été un peu vilipendé à gauche et
à droite?
Non. J’ai eu des très bonnes
critiques sur mon dernier projet (L’ordre
et la morale). Mais le public a besoin de rigoler, il n’a pas besoin de
réfléchir trop. Il a trop de problèmes dans sa vie, le quotidien, bon. Le soir
on a envie de penser à autre chose et je comprends.
Sentez-vous que sans donner ce que le client veut, ça peut vous pousser
à modifier votre façon de travailler?
Oui… Il faut que j’aille quelque
chose à dire et il faut que je sache comment le dire, c’est tout.
Plein de gens doivent vous associer à La haine…
Oui…
Est-ce qu’on vous dit souvent «La haine, c’était tellement magnifique.
Pourquoi vous n’en faites plus des films comme ça?»?
Mais j’en ai fait. Ça dépend de
comment les gens voient ce qui leur a plu. La Haine,
ça a plu aux gens parce que c’était une comédie. Après, s’ils veulent que je
fasse des comédies… Je ne sais pas, j’ai des trucs à raconter et ça ne
m’intéresse pas ce que les gens veulent de moi. Alors je fais mon truc et on va
voir ce qui se passe.
Et en tant qu’acteur, comment ça va?
Là, j’ai fait deux films qui vont
sortir cette année (Vie sauvage de
Cédric Kahn et Un illustre inconnu avec
Marie-Josée Croze) et j’ai un projet qui risque de se faire cet été en tant que
producteur. Tout va bien.
Comment vous choisissez vos rôles? C’est le scénario, les autres
comédiens, le metteur en scène? Car vos deux derniers films à voir le jour au
Québec étaient La vie d’une autre et Le guetteur…
Je cherche à participer à des
trucs qui sont intéressants. Cela dépend des projets. Des choses qui sont
intéressantes parce que le réalisateur est intéressant, parce que le sujet est
intéressant, d’autre parce que l’argent est intéressant, parce que le lieu de
tournage est intéressant. Il y a plein de raisons pour accepter ou refuser un
film.
Apocalypse la 1ère Guerre mondiale débute ce soir à 21h00
sur TV5. Les autres épisodes sont diffusés le jeudi 8 mai (19h00), lundi 12 mai
(21h00), lundi 19 mai (21h00) et 26 mai (21h00), et en rediffusion les jeudis
15, 22 et 29 mai à 19h00.