lundi 5 mai 2014

Entrevue: Mathieu Kassovitz parle d'Apocalypse la 1ère Guerre mondiale

Après l’énorme succès mondial de Apocalypse la 2e Guerre mondiale, les cinéastes Isabelle Clarke et Daniel Costelle continuent à retourner dans le temps. Ils s’intéressent cette fois à la Première Guerre mondiale, ce conflit de tranchées extrêmement violents et barbares qui fête cette année son 100e anniversaire.

Comme toujours, c’est Mathieu Kassovitz qui assure la narration. Nous avons pu rencontrer l’acteur et réalisateur lors de son passage à Montréal.

Vous êtes un passionné d’histoire?
Non, pas du tout.

En voyant Apocalypse la 1ère Guerre mondiale, vous avez pu y apprendre des choses?
Ah oui, plein de choses. Je n’y connaissais rien.


C’est votre quatrième collaboration avec les deux réalisateurs? Selon vous, pourquoi ils sont venus vous chercher?
Parce qu’ils cherchaient une voix nouvelle. Ils voulaient toucher un public un peu plus jeune, rendre le film le plus accessible possible à une jeunesse pour pas que les gens oublient.

Que sentiez-vous qui était différent avec cette collaboration-ci? Ils voulaient quelque chose de nouveau?
Non, on a commencé un travail avec La traque des nazis et au fur et à mesure, on en a fait quatre séries. Donc il y a une continuité dans le travail qui est tout à fait logique et normal.

Quelles sont les particularités au niveau de la narration?
Ils veulent raconter l’histoire de la guerre et que le spectateur soit émotionnellement attaché à l’histoire, avec un grand H et avec un petit h. Ce qu’ils m’ont demandé, c’est d’être le plus humain possible.

Un travail de doublage comme celui-ci prend environ combien de temps?
Une journée par épisode. Donc cinq jours en tout. Ce n’est pas grand-chose.

Sentez-vous que par rapport à d’autres conflits, comme la 2e Guerre mondiale ou la guerre du Vietnam, on parle moins de la 1ère Guerre mondiale? Car tous les problèmes que l’on vit présentement découlent de cet événement…
Non, ce n’est pas qu’on en parle moins. C’est qu’on a de moins en moins de survivants. Plus on va s’éloigner du temps, plus on va perdre les témoins de ces guerres-là et moins on va en parler. C’est pourquoi c’est important de se souvenir à travers ces images et de ne pas laisser les images vieillir. Pour que ça soit toujours d’actualité et qu’on se souvienne d’où on vient, pour comprendre où l’on va et pour comprendre où on est.

Que pensez-vous du processus de colorisation des images et le fait de rajouter des effets sonores?
Ces images-là sont difficiles à voir. Elles sont vraiment dans un sale état. Si on les regarde dans l’état qu’elles sont aujourd’hui, c’est impossible à voir. Et c’est impossible à voir pour toute une génération. Parce qu’il n’y a pas de son, c’est noir et blanc, c’est accéléré et on voit rien. Ce travail est essentiel. C’est un travail de mémoire. Si on ne faisait pas ce travail-là, on oublierait ces images parce qu’elles ne sont pas intéressantes à voir, à part au niveau historique. Mais à un niveau émotionnel, il faut arriver à les remettre dans leur contexte et remettre dans leur contexte, c’est leur donner de la couleur par exemple, c’est de leur donner le son qu’il y avait à l’époque.

Il y a un sentiment de trahir ces images?
Non, parce que ce n’est pas comme si on mettait des voix off ou on choisissait des couleurs. Qu’on prenait un film de Chaplin et qu’on allait dire qu’on veut que ça soit rouge. Et que comme il n’y avait pas de son, on va mettre une musique différente. Non. Ce n’est pas des images d’artistes, ce sont des images d’archives, faites par des reporters, par des journalistes, par des gens qui pouvaient filmer ce qu’ils faisaient. C’était vraiment de la documentation. Et cette documentation-là, si on peut la dépoussiérer, c’est tant mieux.


C’est propre à toutes les guerres, mais on remarque encore plus après avoir vu cette série que ce sont toujours les pauvres qui se battent…
Si les pauvres pouvaient prendre des décisions, on ne partirait pas en guerre. Car ils savent comment c’est dur d’être sur un terrain, de subir et de souffrir, d’être séparés de sa famille et de changer de vie complètement. Les gens savent. Mais les dirigeants ne le savent pas, car ils vivent une autre vie. Ça toujours été le cas et ça sera toujours le cas.

Vous allez être des prochains Apocalypse?
Oui, tout à fait. Les réalisateurs travaillent sur d’autres sujets, sur d’autres époques. Ils reviennent plus proche de nous. Il y a tellement de choses à traiter. On a 100 ans de guerre derrière nous. Tous les jours, de façon quotidienne, il n’y a que des guerres depuis 100 ans et ça n’a jamais arrêté.

Et je ne pense pas que ça va s’arrêter…
Non. Mais c’est important de l’observer et de se souvenir.

Prêter sa voix à cette série donne le goût de le refaire, pour d’autres documentaires ou même des animations?
Oui. Ça peut donner envie. Mais bon, je suis déjà content de participer à ces documents-là d’une manière ou d’une autre. Comme ça, ça me permet de ne pas me taper des films compliqués à faire. Tout est dit là-dedans.

Vous parlez de films compliqués. Comment se porte la carrière de cinéaste?
Ça va. Pour l’instant je suis tranquille parce que je n’ai pas grand-chose à dire. Mais j’ai la chance de pouvoir être acteur. Donc je gère ma vie autrement.

Il y a une certaine amertume avec les derniers projets, comme Babylon AD et L’ordre et la morale, où vous avez été un peu vilipendé à gauche et à droite?
Non. J’ai eu des très bonnes critiques sur mon dernier projet (L’ordre et la morale). Mais le public a besoin de rigoler, il n’a pas besoin de réfléchir trop. Il a trop de problèmes dans sa vie, le quotidien, bon. Le soir on a envie de penser à autre chose et je comprends.

Sentez-vous que sans donner ce que le client veut, ça peut vous pousser à modifier votre façon de travailler?
Oui… Il faut que j’aille quelque chose à dire et il faut que je sache comment le dire, c’est tout.

Plein de gens doivent vous associer à La haine
Oui…

Est-ce qu’on vous dit souvent  «La haine, c’était tellement magnifique. Pourquoi vous n’en faites plus des films comme ça?»?
Mais j’en ai fait. Ça dépend de comment les gens voient ce qui leur a plu. La Haine, ça a plu aux gens parce que c’était une comédie. Après, s’ils veulent que je fasse des comédies… Je ne sais pas, j’ai des trucs à raconter et ça ne m’intéresse pas ce que les gens veulent de moi. Alors je fais mon truc et on va voir ce qui se passe.


Et en tant qu’acteur, comment ça va?
Là, j’ai fait deux films qui vont sortir cette année (Vie sauvage de Cédric Kahn et Un illustre inconnu avec Marie-Josée Croze) et j’ai un projet qui risque de se faire cet été en tant que producteur. Tout va bien.

Comment vous choisissez vos rôles? C’est le scénario, les autres comédiens, le metteur en scène? Car vos deux derniers films à voir le jour au Québec étaient La vie d’une autre et Le guetteur
Je cherche à participer à des trucs qui sont intéressants. Cela dépend des projets. Des choses qui sont intéressantes parce que le réalisateur est intéressant, parce que le sujet est intéressant, d’autre parce que l’argent est intéressant, parce que le lieu de tournage est intéressant. Il y a plein de raisons pour accepter ou refuser un film.


Apocalypse la 1ère Guerre mondiale débute ce soir à 21h00 sur TV5. Les autres épisodes sont diffusés le jeudi 8 mai (19h00), lundi 12 mai (21h00), lundi 19 mai (21h00) et 26 mai (21h00), et en rediffusion les jeudis 15, 22 et 29 mai à 19h00.

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