Pauvre Denys Arcand! Son dernier
film n’a pas été sélectionné à Cannes, les journalistes ne se gênent pas pour
le remettre à sa place après des propos douteux sur les meilleurs réalisateurs
québécois et avec la sortie de son dernier long métrage, Le règne de la beauté, il
n’échappera pas à la critique. Ça fait changement des Invasions barbares, n’est-ce pas? Malheureusement, ce n’est pas ici
une très bonne nouvelle, comme lui comme pour nous.
Sur papier, Le règne de la beauté est pourtant du Arcand tout craché. Il y a un
groupe d’amis qui discutent d’amour et de cul autour de la table comme dans Le déclin de l’empire américain, des
gens malades dont un à l’article de la mort qui rappelle beaucoup Les invasions barbares, une fascination
pour les poncifs verbeux sur l’économie et la politique et des morales collantes
sur le risque d’aller voir ailleurs (bonjour L’âge des ténèbres!). Beaucoup de surenchère pour encadrer une
histoire qui aurait dû demeurer intimiste : le coup de foudre d’un
architecte (Éric Bruneau, plutôt à l’aise) heureux en couple (normal, il est
avec Mélanie Thierry même si elle est particulièrement inexpressive), qui
décide d’aller voir ailleurs (on peut le comprendre, c’est avec Melanie
Merkosky qui semble tout droit sortir d’un essai d’Emmanuel Mouret).
On sent rapidement que le
cinéaste a voulu se faire plaisir. Il filme dans un environnement riche et
luxueux de belles personnes qui portent du beau linge et conduisent de belles
voitures. Cette beauté se répercute sur les paysages et la photographie, qui
rappellent par moments certaines cartes postales. C’est partout et même dans le
titre, pourquoi y voir autre chose? Pendant que le spectateur cherche ce qu’il
y a sous le verni, le metteur en scène ne se soucie guère de son intrigue. Ah,
mettons une scène de hockey ici, une de tennis par là et une autre de ski à cet
endroit, faisant tous les sports qu’il apprécie pour montrer comment la vie des
aisés de ce monde est belle - encore ce concept qui revient - et heureuse.
Pour la profondeur et même la vraisemblance, il faudra
revenir. Car on les cherche encore, autant dans les personnages ternes (dommage,
ils sont défendus par de bons comédiens) que dans leurs motivations, dans les
situations tirées par les cheveux et même au sein des dialogues assommants.
Et si Arcand avait fait exprès de
décrire ses trentenaires comme des individus superficiels et froids, dénués
d’humanité et de valeurs? Son film lui rend bien, au même titre que sa
réalisation beaucoup trop sage et impersonnelle.
Le créateur de Jésus de Montréal semble pourtant tenir
à cœur ces destins où l’intérêt vacille constamment. Des rares éléments
comiques, satiriques ou ironiques, il préfère embrasser le drame lourd et la
romance exacerbée, où une mélodie involontairement hilarante se fait
irrémédiablement entendre lors d’un coït qui est, évidemment, toujours effectué
dans la même position. Pourtant, s’il y a un âge où on ne devrait pas manquer
d’originalité, c’est bien celui-là. Du cynisme et de la désillusion qui
enrobaient son cinéma, il y a maintenant que de la place pour la sentimentalité
fleur bleue.
Difficile donc de prendre Le règne de la beauté pour autre chose
qu’un coup d’épée dans l’eau. L’œuvre est plastiquement intéressante mais d'une fadeur abyssale, avec un chef d’orchestre qui semble constamment se parodier. Un échec
retentissant, plus encore que ses précédents Stardom, De l’amour et des
restes humains et L’âge des ténèbres
et qui annonce peut-être bien la rupture amoureuse avec son œuvre (surtout pour
quiconque considère Le déclin de l’empire
américain comme un classique culte). On laisse évidemment la chance au
coureur et avec la carrière qu’il a derrière lui, Arcand peut se permettre
n’importe quoi. L’avenir ne semble toutefois pas très prometteur de ce côté. **
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