Philippe Falardeau est un des réalisateurs les plus talentueux du cinéma québécois. Ses opus La moitié gauche du frigo et Congorama ont fait la joie des cinéphiles partout sur leur passage, tout en remportant de nombreux prix importants. Ses premiers films, aussi géniaux soient-ils, sont toutefois restés des succès confidentiels. Cela explique peut-être pourquoi le cinéaste a voulu davantage se tourner vers le public avec le plus accessible C’est pas moi, je le jure ! (2008).
L’été 1968 ne sera pas de tout repos pour les Doré. Le jeune Léon (Antoine L’Écuyer), 10 ans, multiplie les mauvais coups et les suicides ratés afin d’attirer l’attention de ses parents. Cela ne fonctionne guère, car maman (Suzanne Clément) décide de déménager ses pénates en Grèce, laissant seul son mari (Daniel Brière) et ses deux enfants. Antoine a pourtant plus d’un tour dans son sac pour faire signifier sa présence, et il pourrait même être une mauvaise influence envers une jeune amie (Catherine Faucher) qui semble avoir autant de problèmes que lui.
Ce n’est pas un hasard si l’histoire ressemble à s’y méprendre au récent Maman est chez le coiffeur. La poésie de Léa Pool est cette fois remplacée par une charge plus cérébrale, mais le scénario provient de la même famille Hébert. Dans son troisième long-métrage, le metteur en scène a décidé d’adapter les romans C’est pas moi, je le jure ! et Alice court avec René de Bruno Hébert en se gardant bien de ne pas trop faire peur aux spectateurs. Si le personnage de Léon est doté d’un féroce humour noir, sa folie paraît moins palpable, plus contrôlée.
Le succès du récit, très bien réalisé avec une trame narrative plus que satisfaisante (hormis peut-être cette finale qui croule sous les symboles et les morales), découle de cette infinie tendresse et de ce sensible mélange de drames et de moments rigolos qui arrivent au tournant. Le tout ne serait cependant pareil sans la présence des excellents comédiens. Antoine L’Écuyer porte le film sur ses épaules et il s’en sort avec les lauriers grâce à son énorme charisme. Il n’éclipse toutefois pas ses jeunes partenaires de jeu, dont Catherine Faucher et Gabriel Maillé (l’autre frère) qui montrent beaucoup de talent. Chez les adultes, Suzanne Clément fait feu de tout bois, avant de s’éclipser pour donner toute la latitude à Daniel Brière qui évite aisément les stéréotypes d’usage.
La récréation d’époque est assez soignée et elle explore des thèmes universels (familles éclatées, rôle du clergé, mal de vivre quotidien, etc.) qui, en 1968, pouvaient être tabous. La jolie photographie d’André Turpin offre une superbe luminosité et de très beaux plans. La musique, efficace à défaut d’être surprenante, juxtapose à nouveau un tube extrêmement émotif de Sigur Ros aux chaudes mélodies de Patrick Watson.
Sans avoir le même charme et la même inventivité que ses précédents et excellents deux premiers films, Philippe Falardeau a réussi à mettre à sa main un projet plus charnel comme C’est pas moi, je le jure !. C’est toutefois la prestance des acteurs –le jeune L’Écuyer en tête – qui donne tout le cachet à cette œuvre plus grand public qui comporte néanmoins le sceau de son auteur. ***1/2
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