En jonglant avec plusieurs
thématiques lourdes, Villa Paranoïa
n’arrive pas toujours à atteindre cet équilibre escompté entre le mélodrame et
le feel good movie. Mais aussi
longtemps que les poules seront de la partie, le sourire ne sera jamais très
loin!
Aussi séduisant qu’irritant, ce film
danois d’Erik Clausen (Rocking Silver) semble fort populaire un peu partout sur
la planète. S’il est vrai que l’héroïne de Villa
Paranoïa peut ressembler au personnage fétiche de Jean-Pierre Jeunet, l’ensemble
s’avère toutefois beaucoup plus sombre et, malheureusement, moins intéressant.
Jorgen (Erik Clausen) est un éleveur
de poules solitaire. Au lieu de s’occuper de son père handicapé, muet et
taciturne, il cherche à améliorer le sort de sa compagnie par l’entremise de
publicités douteuses, tout en désirant trouver l’âme sœur grâce à des agences
spécialisées. Pour venir en aide à son paternel (Frits Helmuth, décédé depuis),
il engage une comédienne (Sonja Richter) à l’ego un peu proéminent.
Récalcitrante au début, celle-ci découvre graduellement que les choses ne sont
pas ce qu’elles semblent êtres. Non seulement son patient n’est peut-être pas
aussi malade qu’il le présume, mais les secrets qu’il dissimule pourraient sans
doute changer plusieurs existences.
Œuvre nettement imparfaite, Villa Paranoïa ne tarde pas à déployer
son charme. Par l’entreprise de ses personnages, crédibles et développés, le
processus de séduction se crée progressivement. Après un début quelconque, où
tous les protagonistes semblent assez antipathiques, le réalisateur de Casablanca Circus déploie son talent de
directeur d’acteurs. De son propre personnage, Jorgen, le fils indigne qui
cherche à améliorer son sort en détruisant celui de son entourage. Mais encore
plus en basant son nouveau long métrage sur deux fondations immuables :
Sonja Richter et Frits Helmuth. La première, femme-enfant autant que
manipulatrice-séductrice au grand cœur, s’avère la joie et la vie de toute
cette entreprise. C’est la renaissance de l’âme, qui redore les souvenirs en un
seul regard. Pour donner la force nécessaire à cette lumière, l’actrice de Open Hearts s’inspire de modèles récents
(Audrey Tautou), et anciens (Audrey Hepburn) qui combine la naïveté, la
fragilité, la beauté, la détermination, la séduction et la fraîcheur. Pas
toujours original, mais indéniablement sympathique. Face à elle, Helmuth (Memories of a Marriage) se veut plus
sobre et effacé. Très physique, son jeu mélancolique évite quelque peu les
archétypes et s’avère l’élément le plus inoubliable de ce récit.
Clausen arrive également à combiner
plusieurs thématiques sans donner la nausée ou perdre son fil conducteur. D’un
film sur la solitude, Villa Paranoïa
bifurque rapidement sur des chemins plus sombres (le droit des aînés, le
suicide assisté), avant de se terminer dans la légèreté et la bonne humeur.
Cette étude sur la condition humaine est également doublée d’une incessante
exploration théâtrale, où le canevas de l’histoire se superpose à la pièce Le malade imaginaire de Molière, que
plusieurs personnages secondaires sont en train de monter.
Sauf qu’à force d’injecter du soleil
dans cette noirceur, il est facile d’être victime d’une overdose. Trop présents
et appuyés, les sentiments (bons ou mauvais) sont livrés avec peu de
subtilités. Tous les protagonistes ont beaucoup soufferts et ces torts sont
amplifiés par la trame sonore dégoulinante de Kim Huttel, où le piano et les
violons cherchent à soutirer le maximum de larmes. Surtout que la dichotomie à
ce mélodrame est, bien entendu, la force de l’amour. Ce poncif, appuyé encore
et encore, exaspère profondément et laisse un arrière-goût un peu terne à un
petit film qui cherchait à devenir majeur.
En forçant un peu trop la note, Villa Paranoïa perd de cette aura humaniste
qui semblait le destiner au départ. Incapable de s’inscrire parmi les grands
réalisateurs danois (Carl Theodor Dreyer, Lars Von Trier, Bille August) qui
traitent de sujets graves avec maestria et hermétisme, Erik Clausen préfère
demeurer l’homme du peuple et proposer des longs métrages sympathiques, mais facilement
oubliables. C’est son droit! ***
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