Quelques années après avoir travaillé ensemble dans l’excellent The Assassination of Jesse James by the
Coward Robert Ford, l’acteur Brad Pitt et le cinéaste Andrew Dominik
remettent ça avec Killing Them Softly.
Le résultat final n’est peut-être pas aussi mémorable, mais le film n’est pas
dénué d’intérêts pour autant.
En pleine période de crise économique, des malfrats se font voler leur
argent par deux jeunes délinquants. Pour retrouver leur margot et éliminer les
responsables, ils font affaire à un tueur à gages (Brad Pitt) qui a plus d’un tour
dans son sac.
Les amateurs de Fargo et de Pulp Fiction se sentiront en terrains
connus dans cette adaptation d’un roman du trop peu connu George V. Higgins. Ce
sont les dialogues qui dominent ce thriller policier qui a été présenté en
compétition officielle à Cannes en mai dernier. En fait, comme dans n’importe
quel long métrage de Quentin Tarantino, les personnages ne font que parler,
pour le meilleur et pour le pire.
Cette prédisposition ankylose peut-être le rythme et elle empêche
l’histoire de prendre réellement son envol, mais elle permet également aux
comédiens de briller. Bien que l’on ne voie pas autant Brad Pitt que souhaité,
l’interprète est affable dans le rôle principal. Et il est entouré de
nombreuses pointures comme Richard Jenkins, Ray Liotta, Sam Shepard et surtout
James Gandolfini qui ont tous des dialogues truculents à livrer.
La mise en scène sophistiquée de Dominik relève constamment les enjeux.
Débutant de façon minimaliste et hyper réaliste, il offre quelques magnifiques
séquences stylisées, dont cette confrontation au sommet entre Pitt et Liotta
qui demeurent un des moments les plus excitants de l’année. Après une
somptueuse introduction, sa réalisation s’amuse à recréer avec beaucoup de
maestria ce monde interlope, demeurant sans faille dans son évocation.
Au-delà de son sujet pas nécessairement original et de sa grande
violence graphique, l’effort se distingue du lot par ses aspects politiques et
économiques. Il se déroule dans la dernière grande noirceur mondiale, celle où
Obama promettait de relever la
Terre après le fléau du règne de George W. Bush. L’action est
située dans une ville meurtrie, probablement la Nouvelle-Orléans ,
et il regroupe des truands sans foi ni loi. C’est là que débarque l’antihéros
par excellence, un mercenaire qui a tout de même son propre code moral. Il
représente le nouvel homme à la croisée du chemin, celui qui s’est fait
humilier et qui doit constamment se battre pour survivre. Une métaphore
fascinante de l’état de la planète, dont la finale cynique et nihiliste ne
s’oubliera pas de sitôt.
Malgré toutes ces qualités (les personnages savoureux, la réalisation
fignolée, le discours politisé), Killing
Them Softly aurait pu être bien meilleur. On sent que le récit s’enlise à
la première occasion et qu’il n’offre que le minimum requis au lieu d’en mettre
plein la vue (comme Drive, par
exemple). Ce sera pour une prochaine fois. En attendant, on regardera cette
sombre et verbeuse fresque de l’Amérique à tête reposée, avec un sourire en
coin, en ne s’attendant pas nécessairement à un divertissement, mais à quelque
chose de plus ambitieux, qui aurait pu marquer 2012 mais qui n’arrive pas à
assembler tous ses beaux morceaux correctement.
3/5
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