Aurait-on
trouvé l’héritier de John Cassavetes? Peut-être bien. C’est du moins un des
sentiments qui ressort de In the Family,
le formidable premier film du réalisateur Patrick Wang.
Sorti
aux États-Unis depuis plusieurs mois, l’accueil critique réservé à In the Family fut dithyrambique. Avec
raison. Pourtant, en apparence, il ne s’agit que d’un mélo digne des
traditionnels «movie of the week».
Joey
(Patrick Wang) et Cody (Trevor St. John) forment un couple modèle. À la mort de
ce dernier, son fils de six ans Chip (Sebastian Brodziak) est remis à la sœur
de Cody, ce que décide de contester en cour son amoureux éploré.
Tous
les éléments sont de la partie pour créer un drame sirupeux et moralisateur. Il
y a les injustices de la vie, le racisme envers les homosexuels et les
personnes asiatiques, l’avenir potentiellement sombre d’un enfant mignon comme
tout, le rapport de force entre les liens de sang et ceux qui se développent à
chaque jour, etc.
Des
pièges que le cinéaste évite généralement à l’aide de son propre scénario. Ses
dialogues sont particulièrement aiguisés, allant au fond des choses, créant un
surplus d’émotions à partir de simples pacotilles. Ses personnages sont vrais
et ils vivent de véritables drames. L’identification se fait presque instantanément.
Peut-être que Wang aurait pu pousser encore plus loin sa démarche et rajouter davantage
de failles à son héros. Reste qu’il possède plusieurs zones d’ombres, éclairées
en partie par de judicieuses ellipses.
L’idée
d’étirer les scènes au maximum est brillante… et un peu casse-gueule. Il était
aisé de se retrouver devant une mer de répétitions et de redites. Surtout que
l’essai dure près de trois heures. Il n’en est presque rien. C’est le réel qui
vole au grand jour, devenant palpable grâce à cette superbe mise en scène
ponctuée de longs plans fixes. Les longueurs deviennent ici lenteurs, qui
permettent de mieux entrer dans la tête des personnages.
Plus
que tout, Wang est un formidable directeur d’acteurs. Comédien au talent
limité, il sait s’entourer d’excellents interprètes peu connus, les dirigeant de main de maître. Avec son sourire et ses grands yeux qui semblent porter
toutes les joies et les souffrances du monde, Sebastian Brodziak est ce symbole
par excellence de pureté qui résiste, coûte que coûte, à l’envahisseur.
Ne
se permettant jamais de juger ses personnages, privilégiant une approche posée
et empirique, Patrick Wang prouve avec ce premier long métrage qu’il est un
réalisateur à surveiller de très près. Ce ne serait d’ailleurs pas surprenant
que son prochain opus soit retenu à Cannes en compétition officielle. En
attendant, John Cassavetes peut enfin dormir tranquille. Son véritable fils
spirituel vient peut-être bien d’être trouvé, à la grande joie des cinéphiles
qui désespéraient devant le cinéma américain qui n’était plus vraiment
indépendant et avant-gardiste.
4/5
Vendredi le 6 juillet, le
réalisateur Patrick Wang sera au cinéma AMC de Montréal pour rencontrer les
spectateurs.
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