En attendant la sortie québécoise d'Only Lovers Left Alive, pourquoi ne pas se replonger dans quelques films de Jim Jarmusch? On commence avec son plus populaire, Broken Flowers...
Regard sur la vie et la postérité avec Broken Flowers, un Jarmusch
mineur qui met en scène un mélancolique Bill Murray. Léger, mais charmant.
L’ancien Don Juan Don Johnston (un Bill Murray qui insiste pour qu’on
mentionne le T) est confronté à son passé la journée même que sa copine (Julie
Delpy) décide de le quitter. En effet, il trouve une lettre rose, à l’écriture
rouge, qui lui apprend que son fils est à sa recherche. Non seulement l’homme
d’âge mûr ignorait l’existence de sa paternité, mais il ne sait même pas qui
lui a fait parvenir cette missive ! Avec l’aide d’un voisin fouineur au grand
cœur (Jeffrey Wright), Don décide de rendre visite à cinq de ses anciennes
flammes afin d’en savoir davantage dans toute cette histoire. Pendant son
périple, il rencontrera une veuve payée pour faire le ménage dans la vie des
autres (Sharon Stone), sa fille nymphomane (Alexis Dziena), une agente
immobilière un peu coincée (Frances Conroy), une femme qui communique avec les
animaux (Jessica Lange), une âme en peine un peu récalcitrante (Tilda Swinton) et plusieurs autres personnages féminins aussi
mystérieux qu’inaccessibles.
Pour apprécier Broken Flowers
à sa juste valeur, il faut absolument faire abstraction de la carrière passée de
son réalisateur Jim Jarmusch. En effet, de Stranger
Than Paradise à Down by Law, en
passant par Mystery Train, Dead Man et Ghost Dog, l’Américain a toujours représenté un cinéma de cinéphile
indépendant, philosophique et humaniste. Il tourne peut-être peu, mais chacun
de ces longs métrages sont généralement des orfèvres riches et précieux, qu’il
faut absolument chérir. Mais depuis quelques années, l’homme derrière Night on Earth enfile les productions en
un temps record. Après un très tiède Coffee
and Cigarettes (qui n’était qu’une relecture d’un essai précédent) en 2003,
ce film risque de décevoir les
fans qui s’attendent à une œuvre forte et majeure.
Au lieu de cela, Jarmusch offre un cinéma léger et vaporeux, très
accessible mais également un peu quelconque. Comme oeuvre d’initiation à un
réalisateur hors norme, il n’y a toutefois rien de mieux. L’homme se cherche,
il est fondamentalement seul, il aimerait nier la Providence, mais il en est
incapable. Poussé par des forces extérieures, il rentre au bercail afin de
mieux saisir les conséquences de ses actions antérieures. Sauf qu’il ne peut
rien y changer. Il décide alors de confronter le futur en vivant dans le
présent. Jusqu’à un point où la crainte devient un désir que la réalité ne peut
atténuer. Dans le rôle titre, Bill Murray est tout simplement parfait. Présent
dans presque toutes les scènes, l’ancien de Saturday
Night Live est tour à tour mélancolique et vulnérable, impassible et déconnecté.
Sauf que notre Ghostbusters préféré
n’étonne plus. Entre Rushmore, The Royal Tenenbaums, Lost in Translation
et The Life Aquatic With Steve Zissou,
le niveau d’interprétation est un peu le même.
Là où le changement est de mise, c’est dans la façon de Jarmusch de peindre
ses personnages féminins, plus importants que jamais et véritables muses de Broken Flowers. En évitant généralement
les stéréotypes, elles deviennent les êtres beaux et forts, qui arrivent à
transcender l’homme afin de s’épanouir (ou non). Petite leçon féministe
adorable pour un réalisateur qui se trouve à mille lieux de son conformiste
premier long métrage Permanent Vacation
(1982)!
Oui, l’histoire de Broken Flowers
est extrêmement mince et ne réinvente pas le genre. Le film, au rythme lent et
doux-amer, est loin de rivaliser avec celui, peut-être plus nécessaire, de Sideways. Et il y a des problèmes
de raccords entre différentes scènes qui font penser que le réalisateur préfère
s’intéresser à soigner sa trame sonore (qui est excellente) plutôt que de
s’investir totalement à créer une œuvre maîtresse et intemporelle. Mais ce
serait passer à côté d’un petit film sympathique et délicat, qui est capable de
rassembler tout en proposant des messages qui ne sont pas coulés dans le béton.
Même s’il n’aurait peut-être pas mérité un Grand Prix du Jury du festival de Cannes, ça fait du bien à
voir. ***1/2
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