Clint Eastwood peut enfin souffler. Les critiques tièdes de son potable Flags of Our Fathers seront remises aux
calendes grecques grâce à l’excellent et émouvant Letters from Iwo Jima. Un « autre » film de guerre qui,
sous ses habits classiques, renferme beaucoup de profondeur et de justesse.
Le cinéaste derrière Unforgiven
adore le travail. Malgré son âge avancé, il garde le meilleur pour la fin. Un
dérangeant Mystic River, un
légèrement surestimé mais néanmoins touchant Million Dollar Baby et là, un combo sur la Deuxième Guerre
mondiale. Après la vision patriotique honnête de Flags of Our Fathers, place à Letters
from Iwo Jima, une de ses meilleures réalisations à ce jour.
Ce nouvel essai prend le point de vue japonais sur une des nombreuses
batailles du Pacifique. Le général Tadamichi Kuribayashi (Ken Watanabe) doit
trouver des tactiques pour motiver ses hommes et repousser les troupes
américaines qui cherchent à prendre Iwo Jima, une position géographique et
stratégique enviable. Sauf que sa troupe est largement inférieure et le renfort
ne pourra venir à temps. Dans cette « attente » de la mort, des âmes
veulent survivre et d’autres sont rappelées à l’ordre par le code d’honneur.
Le film de guerre semble être une étape obligée pour couronner les
grands cinéastes et Clint Eastwood vient de remporter une très grande victoire.
Lentement, entièrement tourné en langue nippone, son hymne à la paix est une
dénonciation de la violence sous toutes ses formes, proposant des individus
universels qui aspirent aux mêmes valeurs. La futilité du combat est extrême,
le sacrifice semble parfois vain et les cycles ne font que se répéter.
À priori, pas grand-chose de nouveau sous le soleil. Voilà un genre
difficile à transcender et si Terrence Malick a pu le faire avec son magistral The Thin Red Line, il est certainement
le seul en plus de vingt années de cinéma. Monsieur The Bridge of Madison County n’innove guère au niveau de sa technique.
De toute façon, il ne l’a jamais fait. Voilà une figure droite et posée comme
le roc qui filme toujours de la même façon. La précision au détriment du style.
L’émotion annoncée d’emblée qui touche profondément dans la dernière moitié.
Cette fois, la musique n’est pas trop envahissante et le piano bouleverse
autant que les airs plus populaires.
Curieusement, c’est dans ses scènes de combats qu’Eastwood se veut le
plus ordinaire. L’action tombe souvent à point, elle réveillera les spectateurs
qui sont peu habitués aux sous-titres en les amenant directement sur le champ
de bataille. Ce n’est peut-être pas Saving
Private Ryan et c’est tant mieux. Néanmoins, il y a beaucoup trop de
séquences musclées et la répétition n’a pas meilleur goût. C’est plutôt lorsque
les personnages posent les armes, qu’ils se préparent ou qu’ils méditent entre
deux attaques que le tout atteint le nirvana. La psychologie est prononcée avec
des ellipses qui n’hésitent pas à retourner dans le temps. Le climat politique
et historique de l’être humain est soigné sans tomber dans la surenchère ou
l’abus de morales. Le microcosme choisit est japonais et il y a cet éternel
combat entre tradition et modernité. Le tout sans simplifier les modes de vie
et les croyances.
La trame narrative s’intéresse à plusieurs figures, toutes formidables.
Ken Watanabe brûle l’écran avec son regard enflammé, sa sobriété, son humour si
distinct et son charisme indéniable. Son général est tourmenté et jamais
totalement saisissable. Autour de lui, il y a le héros un peu plus typique Kazunari Ninomya et un second charismatique
en Tsuyoshi Ihara. Des noms peu connus qui valent
possiblement tous les Brad Pitt de la planète.
Dans son approche formelle, Letters
from Iwo Jima sent le classicisme à plein nez. Pourtant, c’est un récit
exemplaire, fort et souvent envahissant, peuplé de comédiens épatants et de
constats sans équivoque sur la condition humaine. Avec Le Soleil et Millenium
Actress, voici un troisième conte qui permet de
mieux saisir l’essence des racines japonaises modernes. Un Golden Globes mérité
pour ce « meilleur film étranger » qui aurait facilement pu décrocher
les honneurs dans les catégories de tête.
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