Depuis son vénérable Mystic River en 2003, Clint Eastwood
fait partie des réalisateurs américains les plus importants du siècle. Il
le prouve à nouveau avec Changeling, une œuvre plus mineure qui
offre la chance à Angelina Jolie d’en mettre plein la vue avec son talent pas
toujours bien exploité par le passé. Une histoire vraie qui fera rapidement
réagir.
En 1928 à Los Angeles, l’existence de Christine (Jolie) est sur le point
de basculer. Son fils vient de disparaître sans laisser de traces. Quatre mois
passent et la police finit par le retrouver. Mais lors des retrouvailles, la
mère déchante rapidement : la personne qui se tient devant elle n’est pas
sa progéniture. Afin d’éviter un scandale terrible, les forces de l’ordre
l’oblige à prendre le bambin et devant ses refus multiples, elles décident de
l’interner! Il y a cependant de bons samaritains à l’extérieur pour l’aider,
dont un révérend activiste (John Malkovich) qui n’a pas la langue dans sa
poche.
Clint Eastwood a son style bien à lui et il rappelle davantage Frank
Capra qu’Alejandro Gonzalez Inarritu. Ses films sont toujours très académiques,
dotés d’une mise en scène classique dont la personnalité de l’auteur n’est pas
toujours apparente. Ce refus technique laisse paraître une maîtrise parfaite de
son médium, avec cette jolie partition musicale (la sienne!) qui tombe au bon
endroit afin de véhiculer l’émotion sans trop la souligner. De ce côté, les
surprises et les risques pris sont rares, ce qui n’est pas nécessairement une
mauvaise chose (l’exemple de l’excellent Atonement est probant).
Il dessine son récit en suivant deux axes qui ne cessent de se croiser.
Il y a tout d’abord cette quête personnelle d’une mère à la recherche de sa
propre chair. Angelina Jolie, encore fraîche de son apport plus que mémorable
au trépidant A Mighty Heart, livre à nouveau une performance
intense. Son jeu n’est pas trop appuyé et malgré sa combinaison dents toujours
blanches et maquillage abondant, elle s’en sort généralement avec les lauriers.
Son personnage est tellement fort qu’il éclipse souvent ses acolytes, pas
toujours bien développés et parfois même manichéens. Dans des rôles
secondaires, John Malkovich fait sourire, Jeffrey Donovan abuse des rictus,
Colm Feore joue un méchant aux bonnes intentions et Amy Ryan surprend par son
intensité.
Ces déchirements et ces confrontations servent des causes qui
transcendent la sphère privée pour déteindre sur la strate publique. Le rôle de
la police en prend pour son rhume avec ces problèmes d’images. Tout comme cet
étouffement de la différence et d’une réalité autre, muselée comme ces femmes
qui se font interner pour des raisons qui dépassent l’entendement. Quelques
causes que l’ancien acteur fétiche de Sergio Leone exploite dans le détail. Et
elles ne sont pas les seules! Pourquoi ne pas se moquer de ce système
judiciaire souvent déficient, de titiller la naissance du cynisme face aux
autorités et même de critiquer la peine de mort en tant qu’instrument de
vengeance? Des multiples frondes qu’un cinéaste qui n’a plus rien à perdre
ressort des boules à mites sans nécessairement doser parfaitement le venin.
Changeling n’a rien du classique en puissance comme
pouvait l’être Letters From Iwo Jima, Mystic River et Unforgiven. L’histoire traîne parfois en longueur, le rythme
n’est pas toujours soutenu et les personnages auraient pu être mieux
développés. Mais il y a cette époque, parfaitement recréée, dont émane une
merveilleuse Angelina Jolie qui trouve là un de ses meilleurs personnages en
carrière. Son désarroi est palpable et il est bien rendu par une mise en scène
opaque dont le sujet fort est la tête directrice du récit.
***1/2
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