Radicalement différent de ses précédents opus et nécessitant une
concentration accrue du spectateur, The
Fountain de Darren Aronofsky est une œuvre maîtresse et renversante, aussi universelle qu’est l’amour
chez les âmes.
Les sentiments amoureux et la mort sont les sources rédemptrices de
trois histoires se déroulant dans des lieux et des temps différents. Au 16e
siècle, Tomas (Hugh Jackman) cherche à trouver la fontaine de jouvence pour
acquérir l’immortalité. Dans le monde présent, un jeune scientifique délaisse
son épouse malade (Rachel Weisz) au profit de son métier. Quelque part en 2600,
un astronaute traverse l’espace pour trouver un sens à l’existence. Ensemble,
ces trois figures forment l’évolution des humains : individualistes dans les
époques sombres, remplis de remords lorsque les situations ne tournent pas bien
et spirituels devant la dévotion.
Attendu depuis des lustres par une horde de cinéphiles, tourné à
Montréal il y a quelques années avant de disparaître de la surface de la
planète, longtemps reporté après le désistement de Brad Pitt et de Cate
Blanchett qui sont allés tourner l’inférieur et suffisant Babel, amputé de la moitié de son budget : c’est un miracle si
The Fountain est arrivé à se pointer
le nez sur les écrans. Si la pression après les immensément cultes Pi et, surtout, Requiem for a Dream se fait ressentir, il faut avouer que cette
troisième réalisation de Darren Aronofsky (qui s’occupe également du scénario et
qui agit en tant que producteur) déboussole complètement les sens tant elle est
différente des précédentes. Le climat est toujours aussi noir, quelques scènes
sont des hommages directs et il y a toujours une troublante Ellen Burstyn, mais
le reste est une rupture presque complète et uniforme.
Ce nouveau sommet est un poème lent et contemplatif, à mi-chemin entre
le 2001 de Kubrick et le Solaris de Tarkovsky. Les prémisses se
réunissent au centre d’un trou noir qui s’accapare des émotions et des desseins
des personnages. Les répétitions, aussi nombreuses que nécessaires, montrent
comment la vie se répète et que l’évolution ne peut s’effectuer que par
l’entremise de sacrifices. Grâce à un montage expert, des séquences deviennent
légèrement moins floues, quoique le film mérite d’être visionné à différents
moments de l’existence, une façon de toujours saisir des éléments nouveaux et
significatifs.
Le rythme vaporeux et le manque total d’action physique risquent de
poser plusieurs problèmes à un public non averti qui ne veut pas trop s’activer
les neurones et à ceux qui ont des attentes proéminentes. The Fountain est une nouvelle forme de religion, aussi riche
qu’inaccessible. Les magnifiques décors font titiller la rétine, béate devant
des visons hallucinantes de l’au-delà. La trame sonore du fidèle complice Clint
Mansell est teintée d’atmosphères lugubres et mélancoliques, triomphantes aux
endroits les plus insoupçonnés. Matières volatiles aux motivations troubles,
Hugh Jackman et Rachel Weisz forment un couple à la limite de la perfection. Le
premier est taillé dans un roc qui se désagrège au contact de la pression et
des réminiscences. La seconde n’aura jamais paru
aussi belle, aussi majestueuse en tant que céleste créature, source d’existence
et d’éternelles soumissions.
Rigoureux sans être trop verbeux, magnifiquement évasif devant cette
raison qui se dérobe, le récit regorge de métaphores puissantes. L’amour est au
centre de tout et s’en libérer s’avère pratiquement impensable. Ce sujet,
maintes fois traité, s’avère ici incroyablement juste, jamais trop mièvre.
Devant tant de beauté, impossible de rester insensible. Des gens pourront en
rire, d’autres ne rien comprendre. La plupart seront émus devant cette
expérience inoubliable, jamais trop précieuse ou présomptueuse. ****1/2
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