Tim Burton n’est plus l’ombre de lui-même. Après une série de films
consensuels qui ne le font nullement évoluer en tant que cinéaste, il continue
à perdre son temps avec «Dark Shadows», l’adaptation cinématographique d’une
série à succès. Si l’on retrouve tout ce qui fait sa marque de commerce, sa
verve fait cruellement défaut.
Depuis «Twilight» (et même avant), on sait que les vampires aiment à la
vie, à la mort. Même ceux qui ont disparu depuis deux siècles et qui
réapparaissent en 1972 pour aider leurs descendants. C’est ce qui arrive à
Barnabas Collins (Johnny Depp) qui est accueilli dans son ancien manoir par les
membres de sa famille lointaine. Mais lorsque son chemin recroise celui de son
ennemie jurée (une sorcière maléfique campée par Eva Green), c’est la reprise
des hostilités qui risque de mettre le petit village à feu et à sang…
Tim Burton a déjà été un grand cinéaste. Il a agencé gothisme et
Hollywood, réalisant son lot de films cultes tels «Edward Scissorhands» et «Ed
Wood» tout en créant un style qui lui est propre et en lançant la carrière de
ses illustres collaborateurs (Johnny Depp, le compositeur Danny Elfman). Mais
depuis plusieurs années, ses longs métrages manquent d’envergure. Même si
quelques titres demeurent de qualité («Corpse Bride» et «Big Fish» par
exemple), on le sent trop souvent sur le pilote automatique, fabricant des gros
joujoux d’une fadeur abyssale tels «Charlie and the Chocolate Factory»,
«Sweeney Tood» et «Alice in Wonderland». Pourtant, la plupart des critiques de
cinéma vivent dans le passé, le mettant encore sur un piédestal.
L’histoire se répète avec «Dark Shadows» qui n’est pas catastrophique,
mais qui est loin d’être extraordinaire. À la base, il s’agit d’une vieille
émission de télévision qui a remporté un vif succès entre 1966 et 1971. Malgré
ses moyens réduits et une qualité technique très discutable, la série se
prenait au sérieux. Tout le contraire de cette transposition qui n’a
certainement pas manqué d’argent. On sent – comme toujours chez son auteur – un
grand soin apporté à la photographie, à la direction artistique, aux costumes,
aux maquillages et aux effets spéciaux, qui n’ont pas besoin de 3D pour impressionner.
C’est magnifique à regarder et le résultat ne se prend nullement au sérieux. À
quoi bon respecter le passé si on peut le passer au rouleau compresseur pour
faire rire au passage? S’en échappe un effet «Mars Attacks !» qui est encore
moins élaboré que ce gentil hommage pas toujours au point à Ed Wood.
Sauf qu’ici, les éléments comiques prennent difficilement. Il y a bien
quelques gags qui font sourire, des situations joyeusement grotesques (la scène
de copulation entre Depp et Green) et une dernière demi-heure complètement
disjonctée. Mais il y a surtout une histoire qui s’étire, une introduction
péniblement ennuyante et un manque flagrant d’audace. Au lieu de se retrouver
devant une variation de «Beetlejuice» ou «The Addams Family», ce sont les éternels
clichés des «Visiteurs» qui s’affichent avec une multitude de gags sur l’homme
d’une autre époque qui est incapable de bien s’acclimater à la modernité. C’est
dommage parce que le potentiel dramatique y était. Une intrigue bien secondaire
sur la jeune femme maudite du héros (elle est interprétée par la ravissante
Bella Heathcote) vient tirer une corde sensible. Elle est cependant bien mal
développée et incorporée à l’ensemble.
«Dark Shadows» est donc tout au plus un divertissement de base à prendre au premier
degré, qui se plaît à se moquer des éléments mélodramatiques que l’on retrouve
dans tous les «Twilight» de ce monde. Il n’est donc pas surprenant de voir
autant de bons comédiens (comme Michelle Pfeiffer, Helena Bonham Carter, Jackie
Earle Haley, Jonny Lee Miller et Chloë Grace Moretz) s'éclater dans des rôles
tordus et libératoires. C’est seulement dommage que le résultat final ne leur
rend pas davantage justice.
2,5/5
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