De tous les
cinéastes qui sont venus faire leur tour à la dernière édition du Festival des
films du monde de Montréal, Jean-Jacques
Annaud était certainement le plus prestigieux. Avec une filmographie qui comporte
son lot d’opus (La guerre du feu, Le nom de la rose, L’ours et même L’amant),
voilà une entrevue qu’il ne fallait pas rater.
Le réalisateur
français était présent pour accompagner Wolf Totem (Le dernier loup), une superproduction chinoise - c’est la sélection
de la Chine aux
Oscars - sur un homme qui découvre les loups et la Mongolie. Une création
esthétiquement impressionnante, surtout lorsqu’on la découvre en format IMAX.
Pourquoi avoir décidé de réaliser Le
dernier loup?
Parce que c’est un de ces livres
qui réunis plein de thèmes qui sont familiers. Le thème du jeune homme dont la
vie va être transformée par l’immersion d’une société/civilisation différente
est un thème constant dans mes films. L’attrait pour les cultures autre que la
mienne aussi. Bien entendu, le rapport chaleureux entre l’homme et l’animal a
occupé un certain nombre de mes films. Et la très grande envie de connaître la Chine de l’intérieur.
L’envie de passer plusieurs années à comprendre la civilisation chinoise,
mongole, la civilisation des loups est appétissante. Et après avoir eu
conscience de ce livre rare, le fait que des gens viennent de Pékin jusqu’à
Paris pour me demander de le faire m’a énormément séduit. Vous savez, pour moi,
un film est plus qu’un film. C’est une tranche de vie.
Il n’y a pas eu une réticence de votre part ou de leur part? Car la Chine avait bannie Sept ans au Tibet lors de sa sortie au
milieu des années 90…
C’est ça qui fait partie des
choses extraordinaires. J’ai associé ça à des expériences de vie. Parmi mes
meilleurs amis, ça a commencé avec une engueulade. Et des engueulades violentes…
Je crois qu’on peut fonder des amitiés très intéressantes lorsqu’on a fait
table rase. Ce qui a joué en ma faveur, c’est que c’est une histoire d’un jeune
homme qui fait partie d’une majorité et qu’il va découvrir deux minorités. La
minorité mongole et la minorité des loups. Et que le fait d’avoir eu beaucoup
de sympathie pour les habitants du Tibet qui font partie de la Chine , c’était une garantie
sans doute que j’allais probablement aimer les Mongoles. Et aimer les loups.
Vous avez réalisé un film avec des ours, un autre avec des tigres (Deux frères) et maintenant avec des
loups…
J’ai aussi fait des films avec
des stars américaines, des femmes, des jeunes filles. Vous savez, la nature
instinctive n’est pas seulement réservée aux quadrupèdes. Les bipèdes sont
parfois aussi violents et dangereux que les quadrupèdes prédateurs.
Donc vous n’avez pas de préférence?
Non. Ce que je peux vous dire,
c’est que c’est du matériau vivant. À chaque fois que je tourne avec ces
animaux, j’apprends, je crois, à mieux diriger les acteurs humains. Parce que
je comprends à quel point, quoi qu’on fasse, la première chose qui doit être
juste, c’est de mettre l’acteur dans une situation qu’il comprend et qu’il va
aimer. Si vous choisissez le mauvais costume, le mauvais partenaire, le mauvais
dialogue, la mauvaise lumière, le mauvais décors, comment voulez-vous que
l’acteur se sente bien? Il pourrait être excellent acteur, avoir fait 10 ans de
cours de comédie, eh bien il ne pourra pas être bon. Parce que son instinct lui
dit le contraire… Il faut bien choisir ce que vous faites. C’est là l’art de la
mise en scène. Eh bien, c’est pareil avec une star hollywoodienne ou un loup.
Peu importe qu’on aime ou pas vos films, on sait qu’ils seront
visuellement magnifiques. Avec Le dernier
loup, on n’est pas déçu. Avec des images aussi puissantes, des combats
aussi enragés, est-ce difficile que le reste du long métrage, lorsqu’il faut
faire avancer l’histoire, les dialogues et tout, soit aussi fort et
intéressant?
Les scènes d’adrénaline doivent
être au service de l’histoire. Du coup, vous allez réagir émotionnellement
d’une manière différée, c'est-à-dire que la scène d’adrénaline va vous faire
palpiter le cœur, mais le moment d’émotion qui va vous plaire, c’est la
conclusion qui doit être généralement, à mon avis, fait comme la musique. Si
vous faites tout rapide tout le temps, ça ne fonctionne pas. Il faut des
moments de calme, surtout pour que les moments rapides semblent rapides. On a
besoin de souffler… C’est intéressant comme question, car on me la pose
rarement. Effectivement, vous récupérez dans la scène calme ce que vous avez
accumulez pendant la scène vivace.
Sentez-vous que l’on peut diviser votre filmographie en deux parties?
Ce qu’il y a eu avant Sept ans au Tibet
et ce qu’il y a eu après?
Je ne me pose pas la question.
Les films sont tels que je les vis moi. Je sens la continuité et je les fais
avec la même passion, le même désir. Ceci étant, le cinéma a changé. Ce serait
sans doute difficile de faire aujourd’hui un film comme La victoire en chantant (qui a remporté l’Oscar du meilleur film en
langue étrangère). C’est comme chez les peintres. Ils ont des évolutions de
tonalité, des changements de sujets parfois. Il y a certainement ça qui rentre
en jeu.
Ce que je crois, c’est que ça
dépend des personnes et ça dépend des lieux. En Chine, un de mes films qui
marchent le mieux et qui est le préféré est L’ennemi
aux portes. C’est un film de sniper, comme Le dernier des loups, car les loups sont des snipers, avec ce même
regard, cette même patience. Sept ans au
Tibet, par exemple dans des pays comme l’Italie et la Hollande , c’est un film
qui est plus populaire que La guerre du
feu et L’ours. La réaction des
gens est très variée. Et c’est bien ainsi. Je n’aime pas faire des films
formatés. Selon sa culture, son âge, son éducation, des gens préfèrent ceci ou
cela et ça me va.
J'ai aimé :
RépondreEffacerDu coup, vous allez réagir émotionnellement d’une manière différée, c'est-à-dire que la scène d’adrénaline va vous faire palpiter le cœur, mais le moment d’émotion qui va vous plaire, c’est la conclusion qui doit être généralement, à mon avis, fait comme la musique.
Moi aussi. Je trouve qu'il ne répond pas tellement à la question, mais j'ai aimé ce passage, ce qui explique pourquoi je l'ai gardé.
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