Par son titre, Tout est parfait
ressemble beaucoup au très triste Je vais
bien, ne t’en fais pas de
Philippe Lioret. Il s’agit d’une ironie sur le destin, s’attardant davantage
aux vivants qu’aux gens disparus. Pour son premier film, Yves Christian
Fournier n’a pas pris de chance. Il a travaillé à partir d’un scénario de
Guillaume Vigneault. Entre le metteur en scène et l’auteur, la chimie est
palpable. Le récit est loin d’être chronologique, des rêves ou des
réminiscences illuminent le quotidien et le rythme se veut lancinant, épousant
la dérive du protagoniste.
Dans ce genre de long-métrage, la matière première est plus importante
que les abus de style. La prémisse fait immédiatement réfléchir et elle
s’intéresse avec beaucoup d’honnêteté et d’authenticité à l’adolescence. Il a
donc plus à voir avec l’œuvre de Larry Clark que le soporifique et superficiel À vos marques… Party!. Le réalisme est crû, la
ville est sale et les émotions sont vraies. Il y a des souffrances qui se matérialisent
dans les silences et les non-dits. Des zones grises qui sont explorées, que ce
soient cette culpabilité des gens qui sont encore en vie et cette
incompréhension prédominante. Des sentiments normaux qui ne seront jamais
expliqués outre mesure.
Tout est parfait sent parfois la première œuvre à plein nez.
Fournier n’hésite pas à citer Michael Winterbottom et Terrence Malick (on se
calme!) comme sources d’inspiration. Il lui arrive de trop soigner ses plans,
jouant un peu gratuitement avec la poésie des lieux. Son discours passe même à
quelques cheveux d’être prétentieux, et sa ligne directrice n’hésite pas à se
répéter avant la fin. De quoi surligner la relation salvatrice/conflictuelle
entre Josh et Mia, qui se matérialise par ces scènes intimes évoquant
l’abandon.
Ces erreurs de débutant n’enlèvent pourtant rien à l’impact ravageur de
l’opus. Dès les premières minutes, la gorge se serre pour se dénouer seulement
à la fin. L’histoire est certes un énorme mélo où tout le monde souffre et
pleure et malgré la lourdeur de l’ensemble, un peu d’espoir émane. Afin de ne
pas étouffer, l’oxygène apparaît par l’entremise de touches humoristiques et
par l’interprétation admirable de beaux comédiens. Dans le douloureux rôle
principal, Maxime Dumontier s’attirera des éloges et il les méritera tous. Son
Josh est à la fois un ange et un démon, un adolescent comme les autres qui se
tait au lieu de parler. Son duo avec Chloé Bourgeois est souvent viscéral, un
mélange à la fois beau et dérangeant de deux corps à la dérive. Autour d’eux se
retrouvent un bouleversant Normand D’Amour, un Pier-Luc Brillant plus sobre que
d’habitude et de l’intensité dramatique qui s’échappent de tous les
personnages, Claude Legault et Marie Turgeon en tête.
Œuvre délicate et difficile, parfois un peu lourde et présomptueuse, Tout est parfait est un ovni dans le
jargon québécois et son plus proche correspondant serait le dépouillé Elephant de Gus Vant Sant et l’énigmatique The Virgin Suicides. L’emphase est mise
sur ce scénario qui dérange, cette réalisation extrêmement aérée
(l’introduction qui combine le réel et la bande dessinée ne manque pas
d’impressionner), cette trame sonore succulente (tout est y parfait, surtout
cette finale sur les airs de Blonde Redhead) et ce jeu plus vrai que nature de
Maxime Dumontier. Un quatuor qui marquera de nombreux esprits au fer blanc.
Encore à ce jour, il s'agit d'un des meilleurs films québécois du présent millénaire. ****
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