Le téléphone sonne. C’est Alejandro Amenabar au bout du fil. Oui,
le cinéaste espagnol d’origine chilienne qui a offert quelques-unes des œuvres
les plus libératrices du 21e siècle avec The Others et La mer intérieure.
Il m’appelle de l’endroit où il
écrit et les aboiements d’un chien se font parfois ressentir pendant la
conversion. L’entrevue porte principalement sur Regression, un suspense psychologique qui prend l’affiche ce
vendredi et où Ethan Hawke enquête sur un crime satanique qui implique Emma
Watson.
Évidemment, l’occasion est belle
de lui parler de sa carrière et de cette dernière décennie où il s’est fait
plus rare…
Quels cheminements sont survenus jusqu’à la création de Regression?
Je voulais faire un film
d’horreur sur les cultes. J’ai commencé à lire et à me renseigner sur le sujet,
surtout sur l’idée du diable. J’ai lu des bibles sataniques. Je n’arrivais pas
à trouver une approche intéressante. J’ai donc mis ce projet de côté et un
jour, par chance, j’ai eu connaissance des rituels d’abus sataniques qui sont
survenus dans l’état du Minnesota en 1990. Je me suis mis à lire sur ce dossier
et j’ai décidé de faire un film sur le diable mais également sur l’esprit
humain.
Dans tous vos longs métrages il y a des combats entre le vrai et le
faux, la réalité et le rêve, la science et la foi ou la religion…
Oui, j’aime parler des rêves. À
chaque soir, quand je vais au lit, je rêve beaucoup. Je rêve d’une autre
réalité et quand je me réveille, je réalise que c’était un rêve. Cela nous
rappelle comment notre cerveau peut nous jouer des tours. C’est une des idées
du film.
J’ai exploré l’idée de religion
dans mes précédents films et dans celui-ci, je voulais confronter deux pôles.
Celui de la foi à celui de la science qui s’exprime par une psychothérapie.
Comment ces deux pôles tentent de travailler ensemble pour résoudre le
casse-tête. Que des erreurs peuvent s’en échapper et qu’elles sont une des clés
pour obtenir des réponses.
Avec Regression, vous semblez
revenir aux films de genre comme dans Tesis
et The Others…
Le mystère et le suspense me
viennent naturellement. C’est un genre que j’ai toujours aimé quand j’étais
enfant. Peut-être que c’est parce que j’étais un garçon sinistre et que
j’adorais avoir peur devant un film. En voyant des films d’horreur et en
apprenant à faire des films et à jouer avec l’audience, cela m’a aidé à
exorcisé mes propres peurs. Ça ne veut pas dire que je ne ferais pas d’autres
genres de films, mais je suis plus intéressé par ce style que par des comédies.
Avec The Others et La mer intérieure, vous étiez au sommet
de votre popularité. Pourquoi est-ce qu’il n’y a eu que deux films (Agora et Regression) dans la dernière décennies?
C’est le genre de question que ma
mère me demande! (rires) Pourquoi je n’écrivais pas de script plus tôt. Ces
temps-ci j’écris beaucoup et j’espère avoir quelque chose de prêt dans les
prochains mois.
À ma défense, lorsque j’ai
commencé à faire des films, je me disais innocemment à l’université que j’allais
accepter n’importe quoi pour vivre de ce métier. Maintenant, c’est vraiment
important que j’aie quelque chose d’important à dire pour faire un film. Il
faut que je sois passionné. Dans le cas de Regression,
ça m’a pris un certain temps pour trouver l’idée de départ. Lorsque je crée, je
ne sens pas l’urgence. Il faut laisser l’espace à l’histoire pour qu’elle
arrive jusqu’à ma tête.
Que ce soit Tesis, Ouvre tes yeux, The Others et La mer
intérieure, vous avez toujours eu un appui critique presque unanime. Il ne
semble pourtant plus aussi inconditionnel avec Agora et Régression…
Lorsque tu fais des films, tu
t’exposes et l’auditoire va toujours avoir en tête ton travail précédent. Il
faut que tu demeures ouvert à ce que les gens disent. Parfois tu crois avoir fait
ton meilleur film et les autres personnes ne sont pas d’accord avec toi. Tu ne le sais jamais. Agora n’était pas un film facile, tout comme Regression. Ce sont des films qui sortent du lot, de la boîte. Regression fonctionne sur un anti climatic
climax et je sais que c’est risqué
pour les spectateurs.
Mais j’essaye toujours de faire
le film que je dois faire et de le raconter de la façon qui m’est propre. Le
reste c’est de la loterie. Des gens peuvent aimer et d’autres non, il peut
avoir un grand succès commercial ou pas. Après, tu dois te concentrer sur le
prochain film, sinon tu risques d’être démoralisé.
En terminant, quels sont les cinéastes ou les films qui ont fait de vous
le réalisateur que vous êtes?
Quand j’étais jeune, j’aimais beaucoup
les suspenses d’Alfred Hitchcock. Bien sûr, Steven Spielberg est mon
réalisateur préféré et il y a aussi Stanley Kubrick. C’est un beau trio,
n’est-ce pas?
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